• Ceux qui croient que courir est un verbe sans problème – à l'exception de quelques subtilités de conjugaison (un seul r, sauf au futur et au conditionnel : je courrai, nous courrions) – pourraient bien courir au-devant de cruelles désillusions...

    Constatez par vous-même :

    Les trois cents mètres qu'il a couru l'ont épuisé.

    Le cent mètres et le deux cents mètres qu'il a courus sont les courses les plus rapides de sa carrière.

    En fait, dans le premier exemple, courir est un verbe intransitif (trois cents mètres n'est pas COD mais complément circonstanciel de mesure). Le participe passé est donc invariable.

    Dans le second exemple, courir est un verbe transitif, qui signifie « disputer une course, participer à une course ». Dans ce cas, l'accord du participe passé se fait avec le COD placé avant.

    Courir est également transitif dans le sens de « courir un risque ».

    Elle n'a aucune idée des risques qu'elle a courus.

     

    En résumé

    • Avec un complément répondant à la question combien de ?, courir est intransitif et son participe passé est invariable.

    Pendant l'heure qu'il a couru, les 10 km qu'il a couru.

    • Avec un complément répondant à la question quoi ?, courir est transitif et son participe passé s'accorde avec le COD placé avant.

    La course qu'il a courue, les risques qu'il a courus.

     

    Remarque : À la forme pronominale, le participe passé du verbe courir s'accorde avec le sujet.

    La course s'est courue à l'hippodrome de Vincennes.

     

    Courir

    Christophe Lemaître après sa victoire en Championnat du monde en 100 mètres, course qu'il a courue en moins de dix secondes.
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Erik van Leeuwen)

     


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  • Épi-quoi ? Épicène, du grec epikoinos, « possédé en commun ».

    Épicène se dit d'abord d'un nom (appartenant à la catégorie des animés) qui, bien que n'ayant qu'un genre, désigne indifféremment l'un ou l'autre sexe : la souris, par exemple, est un nom épicène féminin, en ce sens qu'il désigne aussi bien la femelle que le mâle. De même, témoin est un nom épicène masculin.

    Épicène se dit ensuite d'un nom, d'un pronom ou d'un adjectif qui ne varient pas selon le genre : ils ont la même forme au masculin et au féminin, et pourraient être qualifiés de neutres, d'androgynes.

    Par exemple : acrobate, adulte, artiste, camarade, concierge, élève, émule, enfant, journaliste, secrétaire, etc., les adjectifs agréable, bête, brave, colérique, critique, détestable, difficile, efficace, remarquable, snob, stupide, sympathique, etc., ainsi que les prénoms dits « mixtes » Camille, Claude, Dominique, Stéphane, etc.

    Un élève studieux, une élève studieuse

    Un enfant difficile, une enfant difficile (notez le recours à deux mots épicènes).

    D'autres noms (de profession notamment) ne disposent que du masculin pour les deux sexes.

    Par exemple : acquéreur, agresseur, amateur, archéologue, architecte, assassin, bourreau, censeur, charpentier, chef, défenseur, ingénieur, juge, médecin, otage, pédiatre, pianiste, professeur, successeur... ainsi que quelques activités moins prisées de ces dames : assassin, bandit, bourreau, brigand, charlatan, chenapan, contrefacteur, coupe-jarret, despote, dictateur, escroc, faux-monnayeur, goujat, imposteur, malandrin, malfaiteur, malfrat, margoulin, monstre, oppresseur, pleutre, sacripant, tyran, voyou...

    Une avocate mais Une femme charpentier.

    Enfin, rares sont les noms féminins s'appliquant aux deux sexes (et ce ne sont pas forcément les plus glorieux !) : brute, canaille, crapule, dupe, fripouille, personne, sentinelle, vedette, victime, etc.

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : On notera la différence, en français, entre le sexe (mâle ou femelle) et le genre (masculin ou féminin).

    Remarque 2 : Avec la féminisation de certaines fonctions et activités professionnelles (auteure, écrivaine, mairesse, préfète, professeure, sculptrice... commencent à fleurir çà et là), des noms traditionnellement masculins sont aujourd'hui employés comme épicènes, malgré les protestations de l'Académie qui refuse que la fonction soit identifiée à la personne qui l'occupe, le titre à la personne qui le porte.

    La ministre pour Madame le Ministre.

     Jacques Capelovici (voir bibliographie) a, à ce sujet, un avis irrésistible :

    « Il va de soi qu'un être vivant de sexe masculin peut fort bien être désigné par un nom féminin, et vice versa. Ainsi, un pou, un grillon, un homard [...] peuvent être des animaux femelles. Il n'y a donc rien de choquant à ce qu'un peintre, un écrivain, un mannequin [...] puissent être des femmes.
    Inversement, une mouche, une cigale, une tanche (...) peuvent tout aussi bien être des animaux mâles. Et rien ne s'oppose à ce que, sans changer pour autant de sexe, un homme soit une personne, une recrue, une victime [...].
    Il n'y a donc rien d' "antiféministe" à considérer qu'une femme puisse être un député, un sénateur, un président, voire un pure génie... »

    Rappelons qu'en français le genre masculin – plus justement, le genre non marqué – peut désigner indifféremment les hommes et les femmes (il remplace le neutre latin). Pour autant, l'évolution à laquelle on assiste actuellement est d'accepter la féminisation des noms de métiers mais de garder un masculin d'indistinction, épicène, pour les noms de fonction.

    Voir également le billet La Première ministre.

    Mots épicènes

    Livre d'Élodie Bécu et de Karine Portrait, Éditions Danger Public

     


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  • Suppléer est un verbe particulièrement délicat à manier en raison des subtilités de ses différentes constructions.

    Flèche

    Suppléer, transitif direct


    Suppléer (quelqu'un) signifie « remplacer momentanément, représenter », suppléer (quelque chose) signifie « compléter par une chose de même nature, combler ».

    Si tu n'es pas disponible, je te suppléerai (= je te remplacerai).

    Je supplée l'argent qui manque pour atteindre la somme exigée.

    Flèche

    Suppléer, transitif indirect


    Suppléer
    (à quelque chose, jamais à quelqu'un) signifie « remédier au manque, au défaut ; mettre à la place une chose qui en tient lieu ».

    Je suppléerai à tout ce qui manque (= je rémédierai à).

    On notera que la construction suppléer à quelqu'un est fautive.

    Séparateur de texte


    Subtilités

    Suppléer une lacune (= la combler) vs Suppléer à une lacune (= y remédier, au besoin en la remplaçant par quelque chose d'une autre nature).

    Force est de reconnaître que cette distinction (compléter ce qu'on supplée par une chose de même nature vs remplacer ce à quoi on supplée par une chose qui peut être de nature différente) est rarement observée dans l'usage...

    Suppléer

    Pour suppléer à une carence en vitamines C...
    (photo wikipedia)

     


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  • Si nous sommes le plus souvent en mesure de déterminer le genre (masculin ou féminin) de la plupart des noms sans même y réfléchir, il nous arrive parfois de croiser la route de certains irréductibles qui nous plongent dans l'embarras. Un ou une aparté ? Un ou une après-midi ? Il est vrai que, en français, certains noms ont mauvais genre... D'autres le masquent derrière un pluriel d'usage (agapes, arrhes, effluves...). Il s'en trouve même qui refusent de choisir leur camp !

    Sachant qu'aucune logique n'a présidé à l'attribution du genre des mots, mieux vaut tâcher de mémoriser ceux qui peuvent poser des difficultés afin d'éviter les erreurs. C'est pourquoi j'ai jugé utile de les accompagner d'un adjectif (à vocation illustrative) dont la finale diffère nettement à l'oral selon le genre.

    Voici donc une liste (non exhaustive) de ces noms sur le genre desquels nous avons tous hésité au moins une fois. Pour définitivement lever le doute !

     

    NomGenreDéfinition
    Abaque M un abaque précis : instrument facilitant le calcul
    Abîme M un abîme vertigineux : gouffre
    Abysse M un abysse marin : fond océanique
    Acné F une acné (sans e final) ingrate : maladie de la peau
    Acrostiche M un acrostiche hasardeux : poème fondé sur une figure de style particulière
    Aérogare F une aérogare spacieuse : bâtiment d'un aéroport
    Agape F une agape tardive : repas
    Alcôve F une alcôve profonde : enfoncement ménagé pour recevoir un lit
    Alluvion F des alluvions sablonneuses : sédiments
    Alvéole M alvéole (cavité) est masculin pour l'Académie, mais est toléré au féminin
    Amiante M un amiante filtrant : matériau fibreux
    Anagramme F une anagramme savante : mot formé des lettres d'un autre mot dans un ordre différent
    Anathème M un violent anathème : condamnation, blâme
    Antidote M un antidote puissant : remède
    Antipode M un antipode concret : lieu situé à l'opposé d'un autre
    Antre M un antre profond : cavité, grotte servant d'abri
    Apanage M un apanage princier : privilège
    Aparté M un aparté court : paroles dites à l'écart
    Apogée M un apogée (avec un e final) concret : point de l'orbite le plus éloigné de la Terre ou plus haut degré atteint
    Apostrophe F une apostrophe injurieuse : interpellation, signe
    Après-midi M bien qu'ayant fluctué, le genre d'après-midi est désormais masculin
    Arcane M un arcane mystérieux : secret, mystère
    Argile F une argile grossière : minéral
    Armistice M un armistice opportun : convention mettant fin aux hostilités
    Aromate M un aromate (sans accent circonflexe) odoriférant : substance végétale odorante
    Arpège M un arpège ascendant : accord musical décomposé
    Arrhes F des arrhes importantes (féminin pluriel) : somme versée à la conclusion d'un contrat
    Asphalte M un asphalte détrempé : bitume
    Aspirine F une aspirine (mais un cachet d'aspirine)
    Astérisque M un astérisque facultatif : signe typographique en forme d'étoile
    Augure M un heureux augure : présage (un oiseau de mauvais augure)
    Autoroute F une autoroute déserte : voie de circulation
    Azalée F une belle azalée : fleur
    Câpre F une câpre confite : fleur et condiment
    Caténaire F une longue caténaire : câble électrique pour chemin de fer
    Chrysanthème M un beau chrysanthème : fleur
    Clepsydre F une clepsydre romaine : horloge à eau
    Colchique M un colchique violet : plante
    Craque F des craques grossières : mensonges, vantardises
    Décalcomanie F une décalcomanie décorative : procédé de transposition d'image
    Ecchymose F une ecchymose brune : un bleu
    Échappatoire F une échappatoire libératrice : moyen de se tirer d'embarras
    Écritoire F une écritoire dépliante : tout le nécessaire pour écrire
    Écumoire F une écumoire fumante : louche plate
    Effluve M un effluve nauséabond : émanation
    Égouttoir M un égouttoir neuf : ustensile servant à faire égoutter (la vaisselle)
    Éliminatoire F une éliminatoire passionnante : épreuve
    Éloge M un éloge éloquent : louange
    Élytre M un élytre brillant : aile des coléoptères
    En-tête M un en-tête représentatif : inscription
    Entrejambe M un entrejambe renforcé : zone située entre les jambes
    Enzyme M ou F une enzyme : protéine
    (L'Académie accepte le masculin, même si le féminin a sa préférence : des enzymes gloutonnes)
    Éphémère M un éphémère bruyant : insecte
    Éphéméride F une éphéméride précise : calendrier
    Épice F une épice odoriférente : substance aromatique
    Épiderme M un épiderme chatouilleux : couche superficielle de la peau
    Épigramme F une courte épigramme : mot satirique
    Épilogue M un épilogue surprenant : dénouement, conclusion
    Épithète F une épithète grivoise : adjectif qualificatif
    Équinoxe M un équinoxe printanier : point de l'orbite terrestre
    Escarre F une escarre fessière : nécrose de la peau
    Esclandre M un esclandre bruyant : scandale
    Espace M / F un espace : étendue, surface
    une espace : intervalle séparant les mots
    Exode M un exode contraint : départ massif
    Extrême M un extrême (mais une extrémité)
    Globule M un globule blanc : cellule
    Hallali M
    un hallali bruyant : cri annonçant la victoire du chasseur
    Haltère M un haltère lourd : équipement de musculation
    Hémisphère M un hémisphère droit : moitié du globe terrestre
    H.L.M. F une Habitation à Loyer Modéré
    Holding M un puissant holding : société financière
    L'usage hésite... mais le masculin est préférable
    Iguane M un iguane américain : reptile
    Interstice M un petit interstice : espace vide entre les parties d'un ensemble
    Intervalle M un bref intervalle : distance, espace, période, écart, ensemble
    Interview F une longue interview : entrevue
    Ivoire M un bel ivoire : matière osseuse blanche
    Légume M / F un légume vert : plante potagère
    une grosse légume : personnage important
    Mandibule F une mandibule puissant : maxillaire inférieur
    Maxillaire M un maxillaire étroit : os de la mâchoire
    Météore M un météore lumineux (mais un ou une météorite)
    Météorite M ou F un ou une météorite : fragment de corps céleste
    (le féminin est cependant plus courant)
    Oasis M ou F une oasis enchanteresse : lieu de végétation dans le désert
    (L'Académie accepte le masculin, même si le féminin a sa préférence)
    Obélisque M un obélisque imposant : pierre levée
    Octave F une octave lumineuse : intervalle de huit degrés en musique
    Ode F une ode religieuse : poème
    Office M / F un office religieux, un office du tourisme
    une office : pièce attenante à la cuisine
    Omoplate F une omoplate droite : os de l'épaule
    Opprobre M un opprobre humiliant : déshonneur
    Orque F une orque imposante : cétacé
    Ovule M un ovule fécond : gamète femelle
    Palabre M ou F une longue palabre : discussion oiseuse
    (L'Académie accepte le masculin, même si le féminin a sa préférence)
    Perce-neige M ou F un perce-neige blanc : fleur
    (L'Académie accepte le féminin, même si le masculin a sa préférence)
    Planisphère M un planisphère incomplet : représentation du globe terrestre
    Pleurote M un pleurote vénéveux : champignon
    Poêle M / F
    un poêle à bois : appareil de chauffage
    une poêle à crêpes : ustensile de cuisine
    Réglisse F une réglisse juteuse : plante et produit de cette plante
    (L'Académie note toutefois que, dans sa seconde acception, le mot s'emploie souvent aussi au masculin)
    Scolopendre F une scolopendre venimeuse : genre de mille-pattes
    Solde M / F un solde : bilan ou vente à prix réduit
    une solde : rémunération des militaires
    Spore F une spore bactérienne : corpuscule reproducteur
    Stalactite, Stalagmite
    F une stalactite, une stalagmite sinueuse : colonne formée sur les parois des grottes
    Stère M un stère de bois : unité de mesure
    Tentacule M un tentacule plat : appendice d'invertébrés
    Termite M un termite ouvrier : insecte xylophage
    Testicule M un testicule droit : glande génitale mâle
    Tique F une tique plate : parasite
    Trille M un trille mélodieux : ornement musical
    Tubercule M un tubercule filandreux : excroissance à la racine d'une plante
    Urticaire F une urticaire irritante : éruption cutanée
    Viscère M les viscères abdominaux : organes

     

    Soldes

    Ces soldes-ci sont bien masculins !

     


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  • Le mot bonhomme n’a pas le même pluriel selon qu’il est nom ou adjectif.

    En tant que nom, bonhomme voit chacun des deux éléments qui le composent prendre la marque du pluriel : on écrira donc des bonshommes (avec un s intercalaire), que l'on prononcera bonzome.

    Les deux vieux bonshommes du Muppet Show.

    Ils ont fait des bonshommes de neige (de préférence à des bonhommes de neige, cf. remarque ci-dessous).

    Quand bonhomme est adjectif, seul le dernier élément prend la marque du pluriel : des airs bonhommes (= empreints de bonhomie, de bienveillance).

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : On constate la même autonomie des éléments entrant dans la composition de madame, mademoiselle, monsieur et monseigneur, qui font au pluriel mesdames, mesdemoiselles, messieurs et messeigneurs (le pluriel monseigneurs est « familier et parfois ironique », selon l'Académie). De même, gentilhomme devient au pluriel gentilshommes... mais pas le substantif dérivé gentilhommière (des gentilhommières), qui désigne le petit château ou manoir ayant appartenu à un gentilhomme.

    Remarque 2 : Bescherelle ajoute : « Toutefois, en langue courante et en particulier pour l'expression bonhomme de neige, on rencontre souvent le pluriel bonhommes », vraisemblablement sous l'influence de la prononciation enfantine. À éviter dans la langue soignée.

    Remarque 3 : On notera que bonhomie (= caractère bienveillant) ne prend qu'un m alors que bonhomme en compte deux. Bien que cette anomalie ait été rectifiée en 1990, la plupart des dictionnaires rechignent encore à écrire bonhommie avec deux m.

    Bonshommes
    Livre de Tina MacNaughton, Editions Milan Jeunesse

     


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