• C'est prodig(u)ieux !

    C'est prodig(u)ieux !

    « Ce chef-d'œuvre du Pérugin ira à Milan où il voisinera à nouveau avec la version supérieure, peinte par l'élève prodigue de l'Ombrien : Raphaël » (à propos du tableau Le Mariage de la Vierge).
    (Éric Bietry-Rivierre, sur lefigaro.fr, le 10 décembre 2015) 

     

    (photo Wikipédia)

    FlècheCe que j'en pense


    « L'élève prodigue de l'Ombrien » ? Dieu quel charabia !

    Commençons par rappeler que Raffaello Sanzio, plus connu de ce côté-ci des Alpes sous le nom de Raphaël, fut envoyé, à la mort de ses parents, dans l'atelier du Pérugin, à Pérouse, capitale de... l'Ombrie (et non de l'Ombrien).

    Le reste est à l'avenant. Prodigue, Raphaël ? Je ne saurais dire si l'homme était particulièrement dépensier, mais il ne fait aucun doute que, dans son domaine, il fut très vite considéré comme un... prodige. Inutile de vous faire un tableau : tout porte à croire que notre journaliste s'est emmêlé les pinceaux entre les deux paronymes. La confusion est d'autant plus aisée, ne manqueront pas de faire remarquer les férus d'étymologie, que l'un et l'autre sont suspectés de descendre du même verbe latin prodigere, lequel signifie « pousser (agere) quelque chose devant soi (pro) ». De fait, un prodige est une chose ou une personne mise en avant, qui sort de l'ordinaire, quand quelqu'un de prodigue est réputé jeter l'argent (par les fenêtres), le laisser filer (entre les doigts).

    Est-il besoin d'ajouter que le fait que les deux mots sont souvent employés avec enfant ou fils entretient la confusion ? Comparez : un enfant prodige (= qui fait preuve d'une précocité hors du commun, de dons extraordinaires) et le fils, l'enfant prodigue (= celui qui, dans une parabole de l'Évangile, a abandonné la maison paternelle et dilapidé sa part d'héritage avant de retourner, repentant, chez son père qui le reçoit à bras ouverts [*]). A-t-on idée, aussi, de former deux locutions de formes aussi voisines, mais de sens aussi différents ? Rien d'étonnant, dès lors, à ce que l'usager de la langue finisse par ne plus pouvoir voir ces paronymes... en peinture !

    Astuce 

    On retiendra que prodige est un nom, qui désigne un évènement à caractère magique, miraculeux (il fait des prodiges, cela tient du prodige) ou une personne particulièrement douée (un prodige du piano et, en apposition, des enfants prodiges), quand prodigue, avec un u intercalaire, est d'abord un adjectif qui qualifie une personne dépensant sans compter (substantivement : un prodigue) et, au figuré, qui donne, dispense en abondance (être prodigue de son temps, de ses soins) ou, péjorativement, trop volontiers, sans discernement.

     

    (*) Par extension, l’expression enfant, fils prodigue désigne aujourd’hui celui dont le retour au foyer (qu'il s'agisse de la famille, d'un parti politique, d'une association, etc.) est accueilli avec joie, auquel on pardonne ses manquements passés.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    L'élève prodige de l'Ombrie : Raphaël.

     

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