• À l'origine, le verbe cantonner appartient surtout au registre militaire. Dérivé de canton (« coin, région »), il se construit transitivement (au sens de « établir, répartir, faire séjourner [des troupes] dans des cantonnements ») ou absolument (au sens de « s'installer dans un cantonnement »), et est souvent suivi d'un complément de lieu (précisant l'endroit où cantonnent lesdites troupes), introduit par la préposition (ou l'adverbe) qui convient.

    L'armee qui assailloit, cantonnee en Brucie (Pierre Bersuire, vers 1356).

    Il cantonna ses hommes à Corbeil et autour du pont de Charenton (Alexandre Dumas).

    Dites-leur de faire cantonner leurs troupes dans les positions où elles se trouvent (Alexandre Dumas).

    Le corps d'armée cantonnait sur la Marne (Georges Duhamel).

    Les soldats commencèrent à cantonner (Académie).

    Hors la caserne, le verbe signifie « mettre à l'écart, isoler » et, au figuré, « limiter les activités, les attributions de quelqu'un ». Mais c'est à la forme pronominale qu'il s'emploie couramment, avec le sens de « se tenir à l'écart, se retirer dans un lieu pour être plus en sûreté » et, au figuré, « limiter ses activités à, se borner à ».
    Quand on n'y prendrait garde, le choix de la préposition reste libre tant que celle-ci introduit un complément de lieu.

    Toute la noblesse, cantonnée à la campagne dans des donjons entourés de fossés (Voltaire).

    Le cardinal de Retz était cantonné dans son archevêché (Voltaire).

    L'Angleterre victorienne cantonnait impérieusement la femme au foyer (Simone de Beauvoir).

    Chacun de nous se renferme tout entier dans ses intérêts et se cantonne en lui-même (Bossuet).

    Ils se cantonnèrent en divers quartiers (La Bruyère).

    Les sucs se cantonnent dans les parties inférieures du végétal (Frédéric Cuvier).

    L'incertitude se cantonne au niveau de l'infiniment petit (Jean d'Ormesson).

    Il se cantonne chez lui (Petit Robert).

    Il en va différemment des emplois figurés où la préposition ne sert plus à introduire un tel complément, mais est directement attachée au verbe. Ce dernier ayant conservé l'idée originelle d'enfermement et de mise à l'écart, c'est dans qui s'est imposé dans l'usage. Autrement dit, l'analyse n'est plus : (se) cantonner (où ?), mais : (se) cantonner dans (quel domaine ? quelle attitude ? etc.).

    Elle le trouva cantonné dans la tranquillité la plus insolente (Balzac).

    Cantonner quelqu'un dans des travaux subalternes (Académie).

    Il la cantonnait pour toujours dans le rôle ingrat de la "chère sœur" (Jean d'Ormesson).

    Elle s'est cantonnée dans sa spécialité, dans ses recherches.

    [Il] évita de se cantonner dans l’étude d’une seule époque (Jules Romains).

    Ils se cantonnèrent dans l'expectative (Grevisse).

    Seulement voilà : en raison de l'analogie avec les verbes se limiter, se borner, s'en tenir à(se) cantonner se construit plus souvent qu'à son tour avec la préposition à, de nos jours, au lieu de dans exigé par le Dictionnaire de l'Académie... mais pas toujours par les académiciens eux-mêmes ; qu'on en juge : « Il a la prudence de cantonner [au lieu de restreindre, limiter ?] ses chroniques littéraires à des auteurs disparus » (Bertrand Poirot-Delpech), « Ce conflit [...] restera généralement cantonné aux œuvres sans affecter les vies » (Hélène Carrère d'Encausse).

     

    AstuceMieux vaudrait cantonner les emplois figurés de (se) cantonner dans la construction avec dans (à l'instar de confiner) !

     

    Séparateur de texte


    Remarque 1 : Le Bescherelle Pratique est un des rares ouvrages de référence à enregistrer l'emploi de la préposition à après (se) cantonner : On la cantonne à un rôle subalterne. Nous nous sommes cantonnés à répondre à leurs questions. Ce choix va à l'encontre de celui de l'Académie, du Robert et du Grand Larousse. Quant à l'air qu'entonne le Larousse en ligne, il se déploie sur un rythme de valse-hésitation : On l'avait cantonné dans un travail idiot mais Vous ne pouvez vous cantonner à cette seule explication. Allez comprendre...

    Remarque 2 : Bien que tous dérivés de canton, on notera que cantonal et cantonade s'écrivent avec un seul n, contrairement à cantonner, cantonnement et cantonnier.

    Cantonner

     


    4 commentaires
  • Dans son Dictionnaire, l'Académie écrit à l'entrée soit : « Conjonction alternative. Soit qu'il le fasse, soit qu'il ne le fasse pas. Soit l'un, soit l'autre ». Sans beaucoup plus de précisions...

    Voilà qui est fort dommage car les exemples cités par l'Académie sont en réalité dictés par une règle qui gagnerait à être clairement explicitée.

    Profitons donc de cet article pour réparer ce fâcheux oubli : dans une alternative, on utilisera soit (ou ou) devant un nom, soit que (ou que ou ou) devant un groupe verbal. En d'autres termes, « l'alternative marquée par soit... soit ne peut porter sur des verbes ou des propositions » (Hanse), en raison de la valeur verbale liée à son étymologie (soit n'est autre que le subjonctif présent du verbe être à la troisième personne du singulier).

    Il viendra soit lundi, soit mardi mais Ou (bien) il viendra demain ou (bien) j'irai le voir (et non Soit il viendra demain, soit j'irai le voir).

    La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen).

    Astuce

    On retiendra que soit = que ce soit ne peut introduire un verbe. Ainsi peut-on dire (que ce) soit lundi, (que ce) soit mardi, mais pas (que ce) soit il viendra demain...

    Soit dit en passant, rares sont ceux (même parmi nos meilleurs écrivains) qui respectent cette règle, oubliée par l'usage...

    Séparateur de texte


    Remarque 1
    : La forme soit (que) ... soit (que) peut être remplacée, surtout dans un registre soutenu, par soit (que)... ou (que), mais l'inverse (ou... soit) est incorrect.

    Soit paresse, soit légèreté (ou Soit paresse ou légèreté).

    Soit qu'il le fasse, soit qu'il ne le fasse pas (ou Soit qu'il le fasse ou qu'il ne le fasse pas).

    Par ailleurs, on notera la présence d'une virgule devant le second élément de l'alternative introduite par soit (et son absence avec ou), ainsi que le recours au subjonctif après soit que.

    Remarque 2 : On se gardera de toute confusion avec la forme conjuguée de l'auxiliaire être au subjonctif présent (qui s'accorde, alors que la conjonction reste invariable).

    Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée (Alfred de Musset).

    Soit

    « Ou je meurs ou je vais mieux » serait de meilleure langue...
    (Film de Laurence Ferreira Barbosa)

     


    5 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires