• Nous voilà frais !

    « Tête de proue de ce rayonnement, Birgit Prinz, qui s'est frayée une place sur les murs des chambres d'enfants » (à propos de la joueuse de football allemande).
    (Alvin Koualef, sur liberation.fr, le 14 mai 2015)
     

     

    FlècheCe que j'en pense


    L'accord du participe passé des verbes pronominaux doit avoir quelque chose... d'effrayant pour que la règle en vigueur soit à ce point malmenée dans les médias (et ailleurs). Jugez-en plutôt : « Ils se sont frayés un accès à la salle des coffres » (Le Parisien), « Quelques titres se sont frayés un chemin vers les salles » (Le Huffington Post), « [Ils] se sont frayés un chemin jusqu'au lieu de la cérémonie de leur mariage » (Europe 1), « [Les chiens] se sont frayés un passage à travers un grillage » (L'Obs), « [Ils] se sont frayés au plus vite un chemin vers l'âge adulte » (Atlantico), « Des laves basaltiques se sont frayées un chemin » (Le Figaro), « Elle s'est frayée un chemin au milieu des caméras de télévision » (L'Express), « La foule s'est frayée un passage » (Le Monde).

    N'en déplaise à certains grammairiens réformateurs, ce n'est pas parce que les verbes pronominaux sont toujours construits avec l'auxiliaire être que leur participe s'accorde systématiquement avec le sujet. Jusqu'à nouvel ordre, la seule présence d'un complément d'objet direct placé après ledit participe (traité comme s'il était conjugué avec avoir au lieu d'être) suffit à imposer l'invariabilité. Comparez : Ils se sont frayé un chemin dans la forêt (ils ont frayé quoi ? un chemin, COD placé après le participe frayé) mais « Des voies que vos passions se sont frayées » (Jean-Baptiste Massillon, cité par Littré). Encore faut-il s'entendre sur le sens du verbe simple : emprunté du latin fricare (« frotter, polir »), frayer a d'abord signifié « frotter légèrement » (particulièrement en vénerie : Le cerf fraye sa tête aux arbres pour détacher le velours de ses bois), puis, dans l'usage courant, « tracer (un chemin) par le passage » (« étymologiquement, par le frottement des pieds », lit-on dans le Dictionnaire historique de la langue française), d'où « ouvrir une voie, une route au milieu d'obstacles, la rendre praticable ». Partant, j'en viens à me demander si l'on est fondé, fût-ce dans un emploi figuré, à se frayer... une place ! Un chemin, un passage, un sentier, un accès, une piste, une route, une voie, oui, mais une place ? Le TLFi n'y voit aucune objection : « [Le complément d'objet désigne un espace où se tenir] Il lui fallait, à partir de là, déboucher sur le plan diplomatique, se frayer sa place au milieu des alliés (De Gaulle). » Autant dire que je n'ai pas pour habitude de frayer avec le général...

    Remarque : Frayer signifie encore « déposer ou féconder ses œufs (en parlant des poissons) » et « être en relations familières avec quelqu'un » (frayer avec quelqu'un).


    Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Elle s'est frayé une place (ou mieux : elle a gagné sa place ?) sur les murs des chambres d'enfants.

     

    « Ruer dans les... rancartsLa cuisine des grands d'Uxelles »

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  • Commentaires

    1
    Clément
    Samedi 28 Septembre à 12:19
    Oui mais Jules Verne lui-même fait la faute dans son roman L'île mystérieuse.
      • Dimanche 29 Septembre à 17:16

        On lit en effet dans la publication qu'en a faite en 1874 le Magasin d'éducation et de récréation : "Les épanchements s'étaient frayés un passage." La faute a été corrigée dans certaines éditions ultérieures.

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