• Mots épicènes

    Épi-quoi ? Épicène, du grec epikoinos, « possédé en commun ».

    Épicène se dit d'abord d'un nom (appartenant à la catégorie des animés) qui, bien que n'ayant qu'un genre, désigne indifféremment l'un ou l'autre sexe : la souris, par exemple, est un nom épicène féminin, en ce sens qu'il désigne aussi bien la femelle que le mâle. De même, témoin est un nom épicène masculin.

    Épicène se dit ensuite d'un nom, d'un pronom ou d'un adjectif qui ne varient pas selon le genre : ils ont la même forme au masculin et au féminin, et pourraient être qualifiés de neutres, d'androgynes.

    Par exemple : acrobate, adulte, artiste, camarade, concierge, élève, émule, enfant, journaliste, secrétaire, etc., les adjectifs agréable, bête, brave, colérique, critique, détestable, difficile, efficace, remarquable, snob, stupide, sympathique, etc., ainsi que les prénoms dits « mixtes » Camille, Claude, Dominique, Stéphane, etc.

    Un élève studieux, une élève studieuse

    Un enfant difficile, une enfant difficile (notez le recours à deux mots épicènes).

    D'autres noms (de profession notamment) ne disposent que du masculin pour les deux sexes.

    Par exemple : acquéreur, agresseur, amateur, archéologue, architecte, assassin, bourreau, censeur, charpentier, chef, défenseur, ingénieur, juge, médecin, otage, pédiatre, pianiste, professeur, successeur... ainsi que quelques activités moins prisées de ces dames : assassin, bandit, bourreau, brigand, charlatan, chenapan, contrefacteur, coupe-jarret, despote, dictateur, escroc, faux-monnayeur, goujat, imposteur, malandrin, malfaiteur, malfrat, margoulin, monstre, oppresseur, pleutre, sacripant, tyran, voyou...

    Une avocate mais Une femme charpentier.

    Enfin, rares sont les noms féminins s'appliquant aux deux sexes (et ce ne sont pas forcément les plus glorieux !) : brute, canaille, crapule, dupe, fripouille, personne, sentinelle, vedette, victime, etc.

    Séparateur de texte

    Remarque 1 : On notera la différence, en français, entre le sexe (mâle ou femelle) et le genre (masculin ou féminin).

    Remarque 2 : Avec la féminisation de certaines fonctions et activités professionnelles (auteure, écrivaine, mairesse, préfète, professeure, sculptrice... commencent à fleurir çà et là), des noms traditionnellement masculins sont aujourd'hui employés comme épicènes, malgré les protestations de l'Académie qui refuse que la fonction soit identifiée à la personne qui l'occupe, le titre à la personne qui le porte.

    La ministre pour Madame le Ministre.

     Jacques Capelovici (voir bibliographie) a, à ce sujet, un avis irrésistible :

    « Il va de soi qu'un être vivant de sexe masculin peut fort bien être désigné par un nom féminin, et vice versa. Ainsi, un pou, un grillon, un homard [...] peuvent être des animaux femelles. Il n'y a donc rien de choquant à ce qu'un peintre, un écrivain, un mannequin [...] puissent être des femmes.
    Inversement, une mouche, une cigale, une tanche (...) peuvent tout aussi bien être des animaux mâles. Et rien ne s'oppose à ce que, sans changer pour autant de sexe, un homme soit une personne, une recrue, une victime [...].
    Il n'y a donc rien d' "antiféministe" à considérer qu'une femme puisse être un député, un sénateur, un président, voire un pure génie... »

    Rappelons qu'en français le genre masculin – plus justement, le genre non marqué – peut désigner indifféremment les hommes et les femmes (il remplace le neutre latin). Pour autant, l'évolution à laquelle on assiste actuellement est d'accepter la féminisation des noms de métiers mais de garder un masculin d'indistinction, épicène, pour les noms de fonction.

    Voir également le billet La Première ministre.

    Mots épicènes

    Livre d'Élodie Bécu et de Karine Portrait, Éditions Danger Public

     

    « SuppléerCourir »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    LUI
    Mercredi 5 Février 2014 à 23:33

    Je suis désolé, mais dire "sénateur' pour une femme alors qu'on peut très bien dire 'sénatrice', c'est compliquer inutilement les choses - n'en déplaisent à ces aimables emmerdeuses les féministes.

    2
    LUI
    Mercredi 5 Février 2014 à 23:39

    Nos voisins germanophones, italiens, espagnols, anglophones ne font pas tant de chichis concernant les noms de métiers. On dit très normalement 'eine Journalistin', 'una professoressa' en italien, 'una profesora'  en espagnol, "a female driver' , 'a male /female nurse' en anglais. Et tout est simple et naturel. En France, nous faisons des chichis sans fin : la ou le ministre, pour une femme? la receveuse de la poste ou le receveur de la poste??? La grande Colette se disait 'écrivaine' dans les années 30 et avait bien raison.

      • lujiahe
        Vendredi 3 Novembre 2017 à 16:23

        Colette n'était pas une grande écrivaine, mais un grand écrivain. Toutefois, elle utilisa souvent

        le mot "écrivaine", mais toujours par dérision ou 'fausse' modestie (cf. Le Grevisse et le TLF):

        D'elle, de moi, qui donc est le meilleur écrivain? (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 70).

        J’essaie de rire avec vous, sans vous nommer ni vous trahir, mais pour ôter, de vous, cette folie

        d’écrire à une vieille écrivaine comme si elle dût céder à cette autre folie : vous répondre.[…]Mais il me

        reste la faculté de m’étonner, ne serait-ce que de l’exploitation qu’une jeunesse écrivaine tente de sa

        propre nouveauté.

        Colette, Le Fanal bleu, 1949 

        «Vite mes savates ! Je sens le poème ! S'écriait une écrivaine ».

         

        Colette ''Trois...six...neuf...'' p.34 pour sa connotation péjorative

        Il existe d'autres termes utilisés par de grands écrivains, et qui sont plus ou moins péjoratifs, cf. le TLF : 

        Écrivard, Écriveron, Écriveur, euse, Écriveux.

        J. Renard préconisait lui aussi, par dérision, d'utiliser le mot "écrivaine" .

         

         

    3
    Jeudi 6 Février 2014 à 09:20

    Le TLFi vous rétorquera que « sénateur ne s'emploie qu'au masculin, même lorsqu'il s'agit de parlementaires du sexe féminin; sénatrice ne s'utilise que dans certains pays pour désigner la femme du sénateur ».

    Il n'en demeure pas moins que sénatrice, au sens de « membre d'un sénat », figure en bonne place dans les dictionnaires usuels.

    4
    Pimooz
    Mardi 1er Avril 2014 à 11:40

    Et vous comptez appeler une femme médecin une médecine?

    Je crois surtout que vous n'avez pas compris la citation de Jacques Capelovici...

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    5
    Mardi 1er Avril 2014 à 15:18

    Je l'ai parfaitement comprise, soyez rassuré. Tout porte à croire, en revanche, que vous m'avez mal lu. N'ai-je pas écrit : "D'autres noms (de profession notamment) ne disposent que du masculin pour les deux sexes. Par exemple : (...) médecin" ?

    6
    Bertuzzi Gérard
    Jeudi 28 Janvier 2016 à 15:55

    Le bouquet, c'est quand l'homme est infâme !

    Notre langue est vraiment trop belle ; par pitié ! Cessez comme nos politiques de pondre une nouvelle loi chaque mâtin (non d'un chien !)

    7
    paulang
    Mercredi 29 Juin 2016 à 11:19

    Bonjour,

    Un débat fait rage sur le forum "Etudes littéraires" sur le mot "épicène". La meilleure définition me semble être celle du post 62.  http://www.etudes-litteraires.com/forum/post438534.html#p438534        

    Chien, chat et rat sont-ils selon vous des mots épicènes.

    http://latlntic.unige.ch/grammaticalite/?page_id=1558     Pour eux c'est oui

    http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4425    Pour eux c'est non

    Tout semble reposer sur l'acceptation ou pas de cette affirmation Wikipédia au chapitre Confusion entre emploi générique et épicène : "l’épicène est un phénomène morphosyntaxique et non sémantique."    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pic%C3%A8ne

    Cordialement,

    Paul

      • Mercredi 29 Juin 2016 à 23:02

        Je vous renvoie à l'article consacré aux noms animés dans Le Bon Usage, même si les explications de Grevisse (et de Goosse) y sont, une fois n'est pas coutume, plutôt confuses.

        Pour la majorité des animaux, le genre reste sans lien avec le sexe : ils sont désignés par un nom épicène, qui a un seul genre quel que soit le sexe (une souris, un crabe, etc.).

        Pour les animaux que l'on dira proches de l'homme (parce qu'il les élève, les chasse, les vénère, les redoute...), le besoin s'est fait sentir de leur donner un nom ayant un genre en rapport avec leur sexe : coq/poule, cerf/biche, lion/lionne, etc. Dans certains de ces cas (comme chien, chat...), le masculin désigne tantôt l'animal en général (Grevisse parle alors de valeur générique du masculin, de genre indifférencié : "Quand la variation en genre existe, le masculin sert souvent de genre indifférencié"), tantôt le mâle.

        Toutefois, on peut lire dans une remarque à propos des noms masculins épicènes : "Nous ne parlons pas ici du mot homme (puisqu'il est reconnu que son féminin est femme). Il n'est épicène que dans certains de ses emplois", à savoir ceux... où il prend une valeur générique. Doit-on en déduire que, dans Le chien est le meilleur ami de l'homme, chien et homme sont tous deux épicènes ?

    8
    paulang
    Jeudi 30 Juin 2016 à 02:03

    Merci Marc pour votre réponse.

    Il semble donc que, concernant les animés, rien n'est bien affirmé.

    Pour Wikipédia, si j'ai bien compris, entre générique et épicène il faut choisir et selon votre réponse l'un n’exclue pas l'autre (il peuvent porter les deux casquettes).

    On fera avec ce flou. money

    Paul

     

    9
    Pingouin
    Vendredi 4 Novembre 2016 à 12:57

    Pour revenir sur la féminisation des fonctions (désolé...), préfet a donné préfète ; c'est en tout cas ce que je lis régulièrement. Pourquoi ne pas avoir retenu préfette ?

    10
    eric
    Mardi 27 Juin 2017 à 14:31
    • Et dans la Marine ? les grades d'officiers mariniers Quartier-maître, Second-maitre, Maître, Premier-maître, deviendraient "Quartière-maîtresse", "seconde maîtresse", "maîtresse" et "première-maîtresse" ?

    Quand on sait qu'on surnomme le commandant "pacha", on aurait alors le pacha entouré de la première maîtresse, la seconde maîtresse, la maîtresse (en titre ?)  et les navires de guerre feraient plus penser aux rives ombragées du Bosphore (d'avant Atatürk) qu'à des unités militaires.

    Quant aux grades d'officiers de Marine, on aurait alors "unE enseigne de vaisseau" ? et les gens croiraient qu'il s'agit d'un signal de sémaphore.

    • Vous allez voir votre avocat et c'est une femme; la saluez-vous d'un "bonjour maîtresse" ?

    Il est sain, surtout à une époque où l'on n'a que les mots "république", "valeurs républicaine", "égalité républicaine" à la bouche de partir du principe que la personne s'efface devant la fonction. On ne dit "UN voiture" quand c'est un homme qui conduit.

     

      • Na.
        Vendredi 6 Mars 2020 à 17:51

        Lorsque je vais chez mon avocate, je lui dis bonjour madame.

        De même lorsque je vais chez ma notaire, ou ma médecin (mais je suis preneuse d'une forme moins disgracieuse que médecin qui gomme la femme, alors que j'ai choisi très sciemment d'être suivie par une femme).

        Finalement, nous sommes tous égaux, même si certaines fonctions sont plus notables que d'autres.

    11
    Yahya
    Jeudi 23 Novembre 2017 à 09:41

    « Enfin, rares sont les noms féminins s'appliquant aux deux sexes (et ce ne sont pas forcément les plus glorieux !) »
    Tout de même, rendons à Calpurnia ce qui lui appartient : star, lumière (au sens figuré), graine de (bien accompagné), idole (à propos d'une personne), sage-femme, etc.

    12
    Yahya
    Jeudi 23 Novembre 2017 à 14:27

    Et à César, au sens figuré : boulet, fléau, crève-coeur, désastre...

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :