• Le premier qui rit comme une baleine...

    Le premier qui rit comme une baleine...

    « Le mystère reste entier sur comment un béluga a pu descendre sous nos latitudes alors que c'est un animal qui vit dans les régions subarctiques. »
    (Propos de Lamya Essemlali, présidente de l'association Sea Shepherd France, rapportés sur francetvinfo.fr, le 10 août 2022.) 

     

    FlècheCe que j'en pense


    Après les effets insoupçonnés du dérèglement climatique − pauvre béluga (1) égaré dans les eaux chaudes et polluées de la Seine −, voici ceux, plus attendus quoique tout aussi détestables, du dérèglement syntaxique : je veux parler de ce « mystère sur comment » pêché sur les ondes de France Info... Gageons que cette perle de la plus belle eau ne suscitera pas la même émotion dans des chaumières abreuvées jusqu'à plus soif de mauvaises traductions de livres et de films étrangers. Chacun aura en effet décelé dans ce charabia l'influence − pas si mystérieuse que cela quand il est question de la présidente de l'antenne française d'une organisation internationale − de la syntaxe anglaise : « À comment, de comment et sur comment sont des calques de l'anglais about how, of how et on how qui doivent être évités en français » (Tristan Grellet, Dictionnaire des difficultés de la langue française), « [D'aucuns] n'hésitent pas à dire : Je m'interroge sur comment faire pour... (I ask myself on how to...) » (La Grammaire de Forator), « Des calques bizarres finissent par s'imposer : on dit sur comment » (Antoine Robitaille, Résister au franglais(2). Las ! le solécisme se répand à la vitesse d'une lame de fond, jusque dans des ouvrages qui se veulent didactiques : « Grâce à l'adverbe, on en sait un peu plus sur comment il [= le chevreuil] court » (Gilles Gilbert, La Grammaire comme vous aimeriez qu'on vous l'explique, 2008), « [Les compléments circonstanciels] donnent des précisions sur comment, où, quand se passe l'action » (Évelyne Barge, Français CM2, 2022). Allez vous étonner après cela des lacunes abyssales de nos chères têtes blondes...

    À y bien regarder, sous l'anglicisme de surface se cache un mal plus profond : « Comment, se désole Renaud Camus, est un des points centraux de ce qu'on pourrait appeler, hélas, l'effondrement syntaxique » − en l'occurrence, le défaut de maîtrise des mécanismes de transformation de l'interrogation directe (Comment va-t-il ?) en interrogation indirecte (Je me demande comment il va). L'Académie ne s'y est pas trompée :

    « On ne dit pas : Ils ont réfléchi sur comment faire mais Ils ont réfléchi à la manière de faire ; Avez-vous une idée de pourquoi ils ont agi ainsi ? mais Avez-vous une idée pour expliquer leur geste ?
    En dehors des cas où la préposition se trouve déjà dans l'interrogative directe [De quand date ce tableau ? → Je me demande de quand date ce tableau], faire suivre une préposition d'une interrogative indirecte est une incorrection grave » (rubrique Dire, ne pas dire de son site Internet, 2017).

    Il existerait donc en français une règle (dont les motifs restent obscurs, selon la linguiste Takuya Nakamura) visant à proscrire l'emploi d'une interrogative indirecte comme régime d'une préposition. Là n'est d'ailleurs pas la seule contrainte syntaxique qui pèse sur ce type de proposition : « La subordonnée [de l'interrogation indirecte] doit être le COD du verbe principal », précise Bénédicte Gaillard dans sa Pratique du français de A à Z (1995), ce qui exclut tout emploi comme complément d'un nom (ou d'un adjectif), avec ou sans préposition :

    « Alors qu'en finnois [et en anglais], il est possible de développer l'idée interrogative contenue dans un nom en le faisant suivre d'une interrogative indirecte [...], cette construction est impossible en français. [On ne dit pas :] la question si c'est utile, des règles sur comment faire, une idée comment savoir… » (Jean-Michel Kalmbach, Guide de grammaire française pour étudiants finnophones).

    Plusieurs solutions s'offrent toutefois à l'usager pour contourner la difficulté :

    • intercaler l'expression de savoir, pour savoir : Le mystère (ou, mieux, la question) de savoir comment un béluga... reste entier (entière), « J'étais assez incertain de savoir si j'irais aussi [à un bal] » (Eugène Sue, 1845), « Une grande discussion s'éleva, l'éternelle discussion, pour savoir si on pouvait aimer vraiment une fois ou plusieurs fois » (Maupassant, 1883), « C'est une grande question de savoir si la civilisation n'affaiblit pas chez les hommes le courage » (Anatole France, 1899) ;
    • substituer au mot interrogatif (pronom, adjectif, adverbe) un nom développé par une proposition relative : « [Il] composa un livre sur la manière dont on doit vénérer les images de notre Sauveur [et non : un livre sur comment...] » (François Guizot, 1824), « Vous n'avez aucune idée de l'endroit où il a pu aller [et non : aucune idée d'où...] » (Simenon, 1962) ;
    • modifier la détermination du nom support et la ponctuation de la phrase : « Plus d'un parmi vous s'est certainement posé cette question, si des legs spéciaux étaient indispensables pour récompenser les vertus de famille [et non : la question si...] » (Édouard Hervé, 1895), « L'unique souci de Celestino portait sur ce point : si ses cornes étaient limées ou non [et non : sur le point si...] » (Montherlant, 1963) ;
    • opter pour un verbe transitif direct pouvant régir une interrogative indirecte : J'ignore (je ne sais pas, je me demande...) comment un béluga...


    Voilà pour ce qui est de la théorie grammaticale la plus rigoureuse. Est-il besoin de préciser que ce discours est loin de faire l'unanimité parmi des spécialistes qui n'aiment rien tant que se contredire... parfois eux-mêmes ? Plongeon dans les eaux troubles de l'interrogation indirecte...

    « Faire suivre une préposition d'une interrogative indirecte est une incorrection grave. »
    L'auteur de l'article de l'Académie oublie (volontairement ? [3]) de préciser qu'à la règle qu'il cite − et qui vaut assurément pour l'interrogation indirecte totale (introduite par si(4) − il y a des exceptions. Celles-ci n'ont pas échappé à Kristian Sandfeld : « Les propositions interrogatives indirectes ne sont, généralement, pas susceptibles d'être régies par des prépositions, excepté si elles sont introduites par ce qui (ce que) » (Syntaxe du français contemporain, 1965). Lesdits introducteurs (remplaçant que, qu'est-ce que, qu'est-ce qui de l'interrogation directe) permettent en effet de conserver sans difficulté la préposition issue du verbe, du nom ou de l'adjectif − du moins quand l'interrogation porte sur un inanimé : « On m'interrogea [...] sur ce qu'on pensait dans le public des affaires du Tonkin » (Maupassant, 1886), « Fouan avait regardé ses enfants [...] avec le sourd malaise de ce qu'ils feraient de son bien » (Zola, 1887), « Indécis de ce que je ferais, je pris un livre » (Gide, 1902), « Elle n'a pas le temps de réfléchir à ce qu'ils lui rappellent ou lui promettent » (Jules Romains, 1932), « Si l'on s'inquiète [...] de ce que j'ai "voulu dire" dans tel poème, je réponds que je n'ai pas voulu dire, mais voulu faire » (Paul Valéry, 1936), « Je ne me souviens pas de ce qu'il a répondu » (Mauriac, 1954), « Tout dépend de ce que vous entendez par là » (Michel del Castillo, 1981).
    De même, la préposition à se maintient régulièrement (fût-ce par ellipse du verbe savoir) dans le tour à qui + futur ou conditionnel, qui sert à marquer l'émulation ou la rivalité : « Les filles [...] se penserent battre à qui l'auroit pour son serviteur » (La Fontaine, 1668), « C'était à qui précipiterait l'exécution de ce dessein » (Voltaire, 1731), « Tous les deux [...] venaient de parier dix litres, à qui éteindrait le plus de chandelles » (Zola, 1887), « Tirons au sort à qui défera le pays de cette peste publique » (Stendhal, 1894), « C'est à qui sera le plus pauvre » (Duhamel, 1920), « Ne jouons pas à qui aura raison » (Malraux, 1937). 

    « L'interrogative indirecte doit être le COD du verbe principal. »
    C'est peu dire que ce point n'en finit pas de diviser les spécialistes. Les interrogatives indirectes figurent-elles toujours en position d'objet direct ou bien d'autres fonctions sont-elles possibles, comme l'affirme Goosse : sujet (Peu importe qui l'a dit), régime de voici ou voilà (Voici quel est mon plan), etc. ? La confusion est telle qu'il n'est pas rare de prendre des observateurs en flagrant délit de contradiction. Ainsi de Jean-Paul Jauneau dans son ouvrage N'écris pas comme tu chattes (2011) : « Quel que soit [l'introducteur] de la proposition interrogative indirecte, comme il s'agit d'une proposition complétive, sa fonction est toujours la même : COD du verbe de la principale (ou d'un verbe qui précède) » (Tome 1) mais « Après des verbes comme s'enquérir, s'informer, s'interroger, se renseigner, le COI peut être une proposition interrogative indirecte » (Tome 2). Comprenne qui pourra !

    René Georgin, de son côté, entre dans le débat avec la détermination de celui qui se jette à l'eau sans craindre de faire des vagues :

    « [Un lecteur] me demande si le tour interrogatif dans la subordonnée, correct après des verbes transitifs comme savoir, ignorer, se demander..., ne peut pas s'étendre à d'autres verbes ou locutions verbales dont le complément est indirect. En d'autres termes, peut-on dire : Je m'aperçois quel misérable tu es. Vous n'avez pas idée comme c'est difficile d'écrire.
    Ces constructions sont critiquées par des puristes intempérants, sous prétexte que s'apercevoir, se souvenir, avoir idée, se rendre compte se construisent normalement avec la préposition de. C'est pousser trop loin l'amour de l'analogie et de la symétrie syntaxiques. Le fait qu'un nom ou pronom compléments soient obligatoirement amenés par de n'entraîne pas automatiquement l'emploi de la même préposition devant une subordonnée qui a sa syntaxe propre » (Jeux de mots, 1957).

    Bénédicte Gaillard elle-même est bien obligée de reconnaître que « la subordonnée de l'interrogation indirecte est également possible [...] après se souvenir, qui se construit en principe avec un COI : Je ne me souviens plus s'il rentre aujourd'hui ou demain ». Après se souvenir, seulement ? Il n'est que de consulter Le Bon Usage pour s'aviser que notre grammairienne est loin du compte : l'emploi de l'interrogative indirecte en fonction de COI est attesté − de longue date et sous les meilleures plumes − derrière plus d'un verbe comportant l'idée de demande (ou d'ignorance, de doute, d'incertitude, d'indifférence...), mais l'effacement de la préposition semble alors être de règle devant les introducteurs autres que ce que, ce qui (5). Revue de détail :
    (derrière disputer) « Nous ne sommes pas assemblé ici Pour desputer S'il doit amer sa dame ou non amer » (Guillaume de Machaut, vers 1340), « On a disputé chez les anciens si la fortune n'avait point eu plus de part que la vertu dans les conquêtes d'Alexandre » (Racine, 1665), « Il n'est plus personne sur la terre avec qui je puisse [...] disputer quelle maîtresse était la plus belle » (André Chénier, 1794), « On disputait s'il fallait être barrésiste ou barrésien » (Maurice Barrès, 1904), « Nous disputâmes premièrement qui téléphonerait à mon mécanicien » (Abel Hermant, 1923), « Ses fidèles [...] disputent si Guénon était panthéiste ou théiste » (André Thérive, 1966), « [L'attitude] du Concile de Trente disputant si les femmes avaient une âme » (Michel Schneider, 2007) ;
    (derrière douter [6]) « Aucun pourroit doubter comment en un homme peuent estre choses contraires » (Nicole Oresme, vers 1370), « Je doute si je veille ou si je dors » (Paul Pellisson, 1652), « Aussi les parents de la belle douterent longtemps s'ils obéiroient » (La Fontaine, 1669), « Vous faites des heureux et vous doutez encor si vous-mêmes l'êtes ! » (Collin d'Harleville, 1788), « Longtemps j'ai pu douter si Proust ne jouait pas un peu de sa maladie pour protéger son travail » (Gide, 1921), « Doudou se gratta furieusement la poitrine [...], doutant s'il n'avait pas reçu la visite d'un fantôme » (Yann Queffélec, 1985), « Avec une interrogation indirecte. Se demander si. Je doute si je pourrai tenir mes engagements » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie) ;
    (derrière hésiter [7]) « J'hésitais si je quitterais ou me plaindrais » (Benjamin Constant, 1793), « Il hésitait donc s'il lirait [...] la lettre » (Alphonse de Chateaubriant, 1911), « La tradition précise qui garde sur notre sol la place où reposa le corps de la sainte ne vaut-elle pas les traditions contradictoires qui hésitent si elles reconnaissent à Éphèse ou à Béthanie son tombeau ? » (Étienne Lamy, 1911), « Il hésita s'il n'allait pas le lui dire » (Gide, 1925), « Il hésita s'il rentrerait dîner » (Marcel Aymé, 1939), « La Noire ouvrit les yeux quand ils entrèrent. La Grise hésita si elle en ferait autant » (Montherlant, 1940), « J'hésitais si j'accepterais l'invitation » (André Billy, 1949), « Le matin, tandis que j'hésitais si je me réveillerais, Concha entrait dans ma chambre » (Philippe Sollers, 1958) ;
    (derrière insister) « Comme j'insistais si tout allait bien, elle répondait que oui » (Michel del Castillo, 1981) ;
    (derrière réfléchir) « Elle ne peut refléchir, pour quoy ny comment, ny si jamais elle aura le bonheur de revoir celuy qu'elle aime tant » (Maur de l'Enfant-Jésus, 1661), « Voulez-vous que je me borne à réfléchir comment il est possible [que...] ? » (Pierre-François Lafitau, 1734), « À force de réfléchir comment il pourrait faire pour se tirer de là » (Joseph Willm, Premières lectures françaises pour les écoles primaires, 1852), « [Il] réfléchit si toutes les précautions étaient prises » (Joséphin Peladan, 1884), « Je réfléchissais si je serais alors encore de ce monde pour la lire » (Paul Léautaud, 1956) ;
    (derrière s'agir [8]) « Il ne s'agit point si les langues sont anciennes ou nouvelles » (La Bruyère, 1687), « Il ne s'agit point s'il viendra ou ne viendra pas » (Littré, 1863) ;
    (derrière se ficher) « La plupart des hommes politiques français sont des polichinelles. Je me fiche si je les approche ou non » (Jules Romains, 1935) ;
    (derrière s'enquérir) « Il commença à s'enquerir qui estoient ceulx qui l'avoyent tenu à force » (Philippe de Commynes, vers 1490), « [Il] s'enquerra s'il y a eu aucunes desobeïssances faictes à l'encontre de nous » (Jean Le Clerc, vers 1502), « Il falloit s'enquerir qui est mieux sçauant, non qui est plus sçauant » (Montaigne, 1580), « Il s'enquit comment s'appelloit celuy qui regnoit pour lors et combien de temps il avoit regné » (Pierre du Jarric, 1608), « Il s'enquit [...] si elles [= des statues d'autres divinités] voudraient céder leur place à Jupiter » (Montesquieu, 1734), « [Bonaparte] s'enquérait si les planètes étaient habitées, quand elles seraient détruites par l'eau ou par le feu » (Chateaubriand, 1848), « Les invités s'empressaient autour de moi pour s'enquérir où j'avais pu trouver ces merveilles » (Proust, 1921), « Une ménagère s'enquit s'il n'était pas commotionné » (Montherlant, 1963), « [Je] me suis enquis pourquoi elle avait choisi d'obtenir un diplôme de français dans une université américaine » (Serge Doubrovsky, 2011) ;
    (derrière s'étonner) « Si l'on s'étonnait comment il s'en tirait toujours sans une égratignure, "Dieu m'a protégé", répondait-il tranquillement » (Montherlant, 1963) ;
    (derrière s'inquiéter) « Si quelqu'un par hasard s'inquiétait comment ce cheval s'était retrouvé, qu'il sache que [...] » (Jacques Cazotte, 1741), « Sans s'inquiéter si personne voudrait avoir fait ce qu'ils font » (Antoine-Vincent Arnault, 1830), « S'inquiéter si Dieu existe ou non » (Romain Rolland, 1905), « Sans s'inquiéter si une telle vie laisse vivante la société » (Étienne Lamy, 1906), « Cet homme de tant d'esprit ne pouvait ni ne voulait s'inquiéter comment et pourquoi un assez grand nombre de jeunes gens comprenaient et aimaient ce qu'il ne concevait pas » (Paul Valéry, 1927), « Feignant de s'inquiéter à sa droite si des autos arrivent » (Montherlant, 1963) ;
    (derrière se prononcer) « Quant à se prononcer si un homme [...] avait pu se jeter dans le coupé » (Zola, 1890) ;
    (derrière se rendre compte) « Seule l'expérience me permettrait de me rendre compte si je parviendrais à y éviter le factice » (Charles Du Bos, 1928), « Je me rendis compte combien je marquais mal » (Blaise Cendrars, 1948) ;
    (derrière se soucier) « Sa grande force est de se soucier fort peu s'il [lasse] celui qui l'écoute » (Gide, 1936), « Il me fait appeler [...] sans se soucier si une telle heure coupe et désordonne tout mon après-midi de travail » (Montherlant, 1946) ;
    (derrière se souvenir) « Sans plus se souvenir quel il était jadis » (Théophile de Viau, 1621), « Je me souviens combien me frappait naguère [tel] mot » (Charles Du Bos, 1924), « Il chercha plus tard à se souvenir si l'ange l'avait pris par la main » (Gide, 1925), « Il ne se souvenait plus très bien comment ils avaient fait connaissance » (Eugène Dabit, 1929), « Berg ne se souvenait plus où ils déjeunèrent » (Jules Roy, 1982) ; etc. (9)

    Il est toutefois des limites syntaxiques que même les spécialistes les plus conciliants ne sauraient franchir :

    « Des verbes comme questionner ou interroger ne peuvent en aucun cas se construire avec une interrogative indirecte » (Martin Riegel, Grammaire méthodique du français, 1994).

    « S'interroger n'admet pas d'interrogative indirecte » (Jacques Vassevière, Bien écrire pour réussir ses études, 2013).

    La restriction sur le pronominal s'interroger (un comble, quand on y pense) coule de source, selon Bruno Dewaele : « Dans se demander, le pronom se est complément d'objet indirect (on pourrait même avancer second), ce qui permet la présence d'un COD sous la forme d'une interrogative indirecte. En revanche, le se de s'interroger est COD (on n'interroge pas à soi-même), ce qui exclut toute interrogative indirecte dans la foulée. » Grevisse ne trouve pourtant rien à redire aux exemples suivants : « Je m'interroge qui vous êtes, quel est votre nom, où vous allez, d'où vous venez, quand vous partez, de quoi vous parlez » (Le Bon Usage, 1975). De même, plus d'un spécialiste admet sans sourciller la construction s'informer si, où le pronom personnel est également objet direct : « S'informer de l'exactitude d'un fait, ou si un fait est exact » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie), « S'informer si une chose est faite » (Hanse), « Elle s'informa s'il était possible de visiter le château et combien de temps prendrait la visite » (Jauneau), « Je me suis informé s'il habitait toujours à la même adresse » (Girodet) (10). Pourquoi refuser à s'interroger ce que l'on accepte pour s'informer ? Les faits, au demeurant, sont têtus :
    (derrière informer, s'informer) « Ja ot esté informé [Romulus] Comment son oncle avoit chacié Son ayol » (Christine de Pizan, vers 1403), « [Une commission] pour soy informer se messire Lourdin de Salligny avoit espousé la contesse » (Jean Le Clerc, vers 1502), « Il s'informa où demeuroit le Capitaine » (abbé Prévost, 1747), « Irla s'informa quelle était cette jeune demoiselle » (Voltaire, 1768), « On s'informa pourquoi cet ordre avait été donné » (Alexandre Dumas, 1852), « Elle s'informa comment elle pourrait obtenir de parler au roi » (Alfred Delvau, 1860), « S'informant si l'un des vingt-huit lits de la salle des fiévreux était vacant » (Hugo, 1862), « Raoul s'informa quand et comment je partais » (Marie Alexandre Dumas, 1867), « Tous s'empressèrent autour d'eux, [...] s'informant s'ils étaient fatigués, s'ils étaient contents de leurs chambres » (Romain Rolland, 1905), « Si tu vas à Naples, tu devrais t'informer comment ils font le trou dans le macaroni » (Gide, 1914), « J'envoyai [...] notre jeune valet de pied s'informer si cette dame emmènerait à Balbec sa camériste » (Proust, 1922), « Raymond s'informa si rien ne manquait au voyageur » (Mauriac, 1925), « Il demanda une cigarette à Étienne et s'informa si ce dernier n'avait point l'habitude de prendre quelque liqueur digestive » (Raymond Queneau, 1933) ;
    (derrière interroger, s'interroger [11]) « Le procureur de Savoisy, interrogué s'il advouoit son advocat, a dit que oy » (Nicolas de Baye, avant 1410), « Il m'interroge si j'avois fait remettre le coffre » (Jean de la Taille, 1572), « En quoy la justice l'ayant interrogé pourquoy il avoit fait cette vilainie à sa femme » (Brantôme, avant 1614), « Quand je m'interroge pourquoi, je rougis » (Mme du Deffand, 1773), « Mourons sous la Main suprême, sans interroger pourquoi elle nous frappe » (François-Thomas-Marie de Baculard d'Arnaud, 1783), « L'ami de Talleyrand, que son curé, à son lit de mort, interroge s'il a blasphémé, attaqué l'Église » (les Goncourt, 1858), « Le poète s'interroge si la mort est la fin » (Georges Docquois, 1894), « J'en vins à m'interroger comment il se faisait que cet art se fût prononcé [...] en France » (Paul Valéry, 1927), « Je m'interrogeai si ce n'était pas du côté des vieux Escholiers ou du Théâtre d'Art que je devais chercher ma chance » (Lugné-Poe, 1930), « Je m'interrogeais si nous étions vraiment devenus pires, ou seulement plus véridiques » (Paul Valéry, 1938), « Je m'interrogeais si je n'avais pas péché par dogmatisme » (Gilles Lapouge, 1996), « Je m'interrogeai si un mariage prononcé par un évêque athée avait quelque valeur » (Serge Filippini, 1998) ;
    (derrière questionner) « Or de questionner si Jesus Christ a rien merité pour soy [...] c'est une folle curiosité » (Jean Calvin, 1560), « Au dessert on questionna, Si le nom Boursautiana [...] Jamais des auteurs émana » (Bernard de La Monnoye, 1716), « Je ne pus m'empêcher de le questionner s'il ne lui avoit pas parlé de moi » (Anne-Marie-Louise d'Orléans, 1728), « Un homme me questionna s'il y avait quelque chose de nouveau à Rome » (Émile Lefranc, 1846), « [Il] le questionna s'il pouvait siffler » (les Goncourt, 1892), « Hésitant le plus souvent si nous sommes bons ou meilleurs, il nous arrive de questionner si nous ne serions pas beaucoup pires que jusqu'alors nous n'avions cru » (Francis Walder, 1955), « Elle se questionnait si elle lui céderait » (Jeanne Cordelier, 1982), « [Elle] s'autorise finalement à questionner si c'est un mari qu'elle va retrouver ou un contrôleur de la Sécurité sociale » (Yves Simon, 2001) ;
    (derrière se renseigner) « Votre future belle qui se renseigne si vous avez des maîtresses » (Charles Virmaître, 1886), « Il serait utile que vous fissiez une nouvelle démarche pour vous renseigner si [...] vous pouvez compter sur la discrétion de ce monsieur » (Alexis Bouvier, 1887), « Qu'elle se renseigne si c'est possible » (Brigitte Kernel, 2008).

    « Ces cas d'effacement [de la préposition] sont néanmoins strictement limités aux compléments de verbe, car on ne trouve pas d'interrogative indirecte après un nom ou un adjectif » (Hélène Huot, Constructions infinitives du français, 1981).
    Pas d'interrogative indirecte après un nom ou un adjectif ? Voire. Car s'il est en effet d'usage d'introduire le syntagme de savoir entre le nom (ou l'adjectif) et ladite proposition interrogative (« La question de savoir si l'histoire se fait par saccades ou continûment », Jacques Rivière, 1908), les contre-exemples ne sont pas si rares et ne ressortissent pas à la seule langue « très littéraire » :
    (derrière doute) « D'un ton qui laissait ses trois compagnons dans le doute s'il plaisantait ou s'il parlait sérieusement » (Balzac, 1842), « Quant au doute si un tel sujet [...] est utile au progrès » (Abel François Villemain, 1851), « Un doute s'était glissé en Exupère si Saint-Justin ne portait pas vraiment un râtelier » (Montherlant, 1971), « Ce doute si Pierre aime ou non Marie est insupportable » (Marc Wilmet, 2010) ;
    (derrière idée) « On n'a pas idée où la vanité d'une maîtresse de maison peut se nicher » (Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre, 1900), « Les sentiers de la vertu, on n'a pas idée où ça peut mener une femme » (Robert de Flers, dialogue de théâtre, 1903), « On y trouve [des personnes] dont on n'a pas idée qui c'est » (Proust, 1920), « Et moi je cherchais une idée comment porter tout ça » (Catherine Guérard, 1967) ;
    (derrière incertain, incertitude) « Le premier maitre est [...] incertain comment se comportera l'autre » (Pierre Bellier, 1575), « Je suis dans l'incertitude si [...] je dois me battre avec mon homme, ou le faire assassiner » (Molière, 1667), « Incertain où je vais » (Lamartine, 1820), « Incertain si bien réellement je les [= des impressions] éprouvais moi-même » (Pierre Loti, 1890), « À cette première incertitude si je les verrais ou non le jour même, venait s'en ajouter une plus grave, si je les reverrais jamais » (Proust, 1913), « Maurice, incertain si on le rappellerait » (Id., 1927), « Suivi d'une proposition interrogative indirecte. Il était incertain s'il devait rester ou partir » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie) ;
    (derrière indécis) « Car souvent il a été indécis si la nuit du samedi au dimanche appartenait à l'ancienne loi ou à la nouvelle » (Voltaire, 1759), « Elle l'embrassa, indécise si elle devait se réjouir ou s'attrister » (Henri Rivière, 1877) ;
    (derrière question) « [Ils] font entre eulx esmerveillance et question comment Caton porte et endure si legierement son eage de vieillesse » (Laurent de Premierfait, 1405), « C'est une grande question s'il s'en trouve de tels [esprits] » (La Bruyère, 1687), « Sans entrer dans la question si Dieu a résolu de les [= des dons] accorder ou non » (Bossuet, 1697), « Il posait même la question si la réalité absolue pour l'homme est dans la théorie de la matière [...] ou dans la théorie de l'idéalisme » (Henry Houssaye, 1909), « Il était naturel de se poser la question si d'autres suites de nombres avaient ou n'avaient pas ce même caractère » (Émile Borel, 1946), « Exupère se souvint que, dans le square, à la question s'il partirait bientôt pour le Sahara, Colle avait répondu [...] » (Montherlant, 1971) ;
    (derrière sûr) « Il n'est pas sûr si nous ne mourrons pas aujourd'hui » (Massillon, avant 1742), « Un peu comme un homme ivre qui n'est pas sûr où il met le pied » (Louis-Xavier de Ricard, 1902), « Cette histoire était tellement fantastique que je n'étais pas sûre si je devais la croire » (Elsa Triolet, 1946), « Je ne suis pas sûr si elle reviendra ou non » (Georges Belmont traduisant Henry Miller, 1972), « Je n'étais pas sûr si c'était une bête ou des gens » (Paul Savatier, 1978) ; etc.

    « Le non-effacement de la préposition est attesté dans la langue considérée comme "populaire" » (Hélène Huot).
    Goosse dresse le même constat : le maintien de la préposition devant l'interrogation indirecte (partielle et non introduite par ce que, ce qui) est, à ses yeux, la marque d'« une langue moins soignée, reflet de l'oral familier ». Mais voilà que les continuateurs de Knud Togeby jettent un pavé dans la mare grammaticale :

    « [Pour éviter la rencontre d'une préposition et d'une interrogative indirecte, on peut recourir au verbe de savoir ou pour savoir.] Dans le langage familier, on supprime tout simplement la préposition après beaucoup de verbes de perception et d'opinion transitifs indirects, comme par exemple, s'apercevoir de, se rendre compte de, se souvenir de, penser à quelque chose [12] : "Ils ne s'occupent pas si vous dormez ou non" (Michel del Castillo, 1984). Mais on peut aussi, assez souvent, utiliser une préposition devant une interrogative introduite par qui ou quel : "Ce sont les Français qui décident de qui est capable de représenter le pays" (Max Gallo, 1984) » (Grammaire française, 1985).

    Cet avis à contre-courant prouve assez que l'usage, en la matière, est plus complexe qu'il n'y paraît. Certes, tout porte à croire que le maintien de la préposition, à l'écrit, a d'abord été le fait d'auteurs imitant le style parlé (plus ou moins) familier ou dont le français n'était pas la langue maternelle : « Il naquit une dispute sur qui des deux champions seroit le premier à tenter l'épreuve » (Antonio Landi, d'origine italienne, 1784), « Est-ce que ces vertueuses femmes m'ont jamais donné l'idée de ce qui est convenable ou inconvenant dans le monde et de comment doit se tenir une jeune fille ? » (Marie Bashkirtseff, d'origine russe, 1879), « Et tu n'as pas idée de qui ce peut être ? » (Jules Adenis, dialogue de théâtre, 1889), « Dans cet hôtel-là, on ne regardait pas trop à qui rentrait le soir » (Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre, 1900), « Le jeu sert à trancher la question de qui payera la consommation » (Gustave-Armand Rossignol, Dictionnaire d'argot, 1901), « C'est selon de quelle manière vous l'entendez » (Edmond Fleg, dialogue de théâtre, 1913), « C'est comme si vous me demandiez si je me souviens de comment je m'appelle » (fait dire Gide à une vieille bonne, 1925), « Je ne suis pas sûr de comment cela se passait là-bas » (Elsa Triolet, dialogue de roman, 1965), « L'autre l'interroge sur comment ça se passe "au front" » (Aragon, 1967), « Je me fiche de qui cela peut être » (Simenon, dialogue de roman, 1968) et, plus récemment, « Elle te donnerait p'têt un coup de main, ou au moins un conseil, sur comment gérer le stress à ton gamin... » (Renaud Camus, dialogue de théâtre, 2008), « N'empêche qu'ils ont tout de même emmené une équipe téloche, pour monter un film sur comment la bibliothèque était installée en milieu naturel » (Nicolas Marchal, 2008). Mais les exemples qui suivent ne sont pas de la même eau : « [Elle] leur présenta Louis, sans se douter de comment il était arrivé là » (Albert Savine traduisant Narcis Oller, 1882), « As-tu l'explication des photographies mystérieuses ? et de pourquoi La Revue blanche ne paraît plus ? » (Gide, Correspondance, 1893), « Il s'enquérait [...] de quelle personne avait sonné » (Henri de Régnier, 1909), « Un silence mélancolique, si l'on se souvient de qui l'on aime » (Saint-Exupéry, 1943), « Vous souvenez-vous de qui nous sommes ? » (Albert Camus, 1949), « Chaque matin, le comte reçoit ses fermiers, s'enquiert de qui va bien, de qui meurt, où en sont les naissances attendues » (Maurice Toesca, 1962 ; notez le maintien de la préposition devant qui, mais pas devant ), « Il n'y a pas à discuter sur qui possède un vasier » (Jean Quéval, 1963), « Sans s'inquiéter de qui pouvait l'entendre » (Simenon, 1969), « Lui n'avait aucune idée de qui serait son successeur » (Louise Weiss, 1971), « On ne peut pas, à moins de tomber dans les apories, se poser la question de comment penser la pensée » (Jean-Paul Dollé, 1976), « [Ils] se moquent bien de qui sortira vainqueur de ce combat inutile » (Pierre-Jean Remy, 1977), « Savoir comment on vit sans s'inquiéter de pourquoi on vit » (Maurice Martin du Gard, 1978), « Elle, ne parlait que des gens [...], de ceux aperçus dans la rue ou de ceux qu'elle connaissait, de comment ils allaient » (Marguerite Duras, 1984), « La métaphore revient à demander quel est le sens et la métonymie équivaut à s'interroger sur comment continuer » (Jean Bessière, 1988), « Personne ne s'enquiert de qui il était enfant » (Éric Vuillard, 2005), « Je m'interroge sur comment il se fait qu'il n'y a pas que les mathématiques » (Alain Badiou, à l'oral, 2006), « Ça dépend de comment vous vous y prenez » (Philippe Sollers, à l'oral, 2012), « Je m'interroge sur qui [...] guide notre conscience » (Patrick Varetz, 2012), « Proust est bien loin de se douter de comment cette phrase pourrait s'appliquer aux bouleversements de l'Internet et du livre » (François Bon, 2013), « Il a besoin [...] d'aller de l'avant. Pas de se souvenir de comment ont été les choses, avant » (Virginie Despentes, 2017), « Ça doit dépendre de comment on meurt » (Patrice Pluyette, 2018), « On discutait de comment on ferait » (Laurent Mauvignier, 2020), « Je ne suis pas sûr de qui j'étais, ni si j'étais le même » (Charles Dantzig, 2021), etc. Il n'est plus ici question d'imitation du français populaire, mais de contagion...

    On le voit : il ne coulera pas beaucoup d'eau sous les ponts ni dans les écluses avant que les monstres syntaxiques d'hier ne deviennent la norme. Déjà, le maintien de la préposition devant l'introducteur qui tend à passer pour régulier (par analogie avec ce qui ?) : « Après des verbes comme s'enquérir, s'informer, s'interroger, se renseigner, le COI peut être une proposition interrogative indirecte, introduite par de qui, de ce qui, de ce que, sur ce qui, etc. : Nous nous enquîmes de qui avait bien pu faire une chose pareille » (Jauneau, 2011), « Lorsque l'interrogation indirecte est introduite par qui, la préposition est maintenue dans la plupart des cas à l'écrit » (Mireille Bilger, Corpus. Méthodologie et applications linguistiques, 2020), « Ça dépend de qui il aura contre lui, ça dépend de qui l'écoute, ça dépend de qui vous voulez voir, tout dépend de ce que vous entendez par là » (Gabriel Wyler, Manuel de la grammaire française). On pourrait encore évoquer, à la décharge des actuels contrevenants, la longueur et la lourdeur des constructions exigées par la grammaire normative : s'interroger sur les raisons pour lesquelles..., hésiter sur la question de savoir comment... ont de quoi décourager plus d'un usager soucieux de la langue, par comparaison avec les raccourcis s'interroger (sur) pourquoi, hésiter (sur) comment... (13) Après tout, l'Académie admet bien, dans la huitième édition de son Dictionnaire, que disputer si... se dit par ellipse pour « disputer sur la question de savoir si... ».

    Mais brisons là : cétacé pour aujourd'hui !
     

    (1) Emprunté du russe beluga, lui-même dérivé de bielyi (« blanc »), le nom est enregistré dans la plupart des dictionnaires sous les deux graphies bélouga et béluga.

    (2) Témoin ces exemples puisés aux pires sources du Net : « Transurfing vous donne la réponse sur comment faire ce choix » (traduction de l'anglais par Olivier Masselot, 2010), « J'eus aussi ma réponse sur comment il avait réussi à se glisser sous le mobil-home [sic] » (par Lorène Lenoir, 2010), « Un film sur comment soigner la toxicomanie » (par Isabelle Chapman, 2012), « Il ne méritait pas la vérité sur comment j'étais morte » (par Santiago Artozqui, 2017), « J'accueille toutes les suggestions sur comment améliorer ce livre » (par Éric Bouchet, 2018), « Il engagea un débat sur comment c'était bon pour les abeilles » (par Nolwenn Potin, 2020), « Basez vos réponses sur comment vous vous êtes senti ces dernières semaines » (par Laurence Le Charpentier, 2021), « Gros mystère sur comment il s'y est pris pour y entrer sans invitation » (traduction de Daily Gossips, 2022).

    (3) Parce que la structure interrogative en ce que (ce qui) est analogue à celle d'une relative en que (qui), avec le pronom démonstratif ce pour antécédent ?

    (4) Rappelons ici que l'interrogation totale porte sur l'ensemble de la phrase (et appelle une réponse par oui, non ou si), par opposition à l'interrogation partielle qui ne porte que sur un élément que le locuteur ignore.

    (5) Ce phénomène n'est pas nouveau : « L'ancien français, comme le français moderne, efface la préposition qui serait de mise après le verbe intransitif : "Se il te souvient que tu feis de ton frere charnel" (Le Roman de Tristan en prose, fin du XIIIe siècle) » (Pierre Kunstmann, Le relatif-interrogatif en ancien français, 1990). On notera, au passage, que les pronoms que, qui furent d'abord employés sans ce dans l'interrogative indirecte.

    (6) Le TLFi et le Dictionnaire de l'Académie présentent cet emploi de douter comme transitif direct, contrairement au Bon Usage, qui adopte le point de vue selon lequel la notion de transitivité directe se fonde sur la construction du syntagme nominal (or on dit douter de quelque chose). Par ailleurs, douter si est qualifié de « très littéraire et classicisant » (Jean-Paul Colin), « vieilli et littéraire » (TLFi).

    (7) Hésiter si est considéré comme « [peu répandu] mais nullement choquant » (Georgin), « littéraire et archaïsant » (Jean-Paul Colin), « vieilli et peu conseillé » (Girodet).

    (8) « Il s'agit si se dit par ellipse pour il s'agit de savoir si » (Louis-Nicolas Bescherelle, 1845). Le tour est qualifié de « vieux » dans le TLFi.

    (9) Il est à noter que la préposition imposée par le verbe introducteur de l'interrogation indirecte s'efface au contact de celle qui se trouve déjà dans l'interrogation directe : « [Il] poussa enfin la curiosité jusqu'à s'informer de quelle religion était M. le Huron » (Voltaire, 1767), « On écrivit à l'intendant de s'informer par quelles mains ils avaient passé » (Sainte-Beuve, 1859), « [Il] ne se souvint pas à qui pouvait correspondre le signalement du visiteur » (Maurice Level, 1908), « Sans même s'inquiéter d'où venait la réponse » (Claude Farrère, 1933).

    (10) Pourquoi les mêmes font-ils subitement la fine bouche devant (se) renseigner si : « Renseigner si n'est pas à conseiller » (Hanse), « Renseignez-vous donc s'il viendra. Tour peu élégant et discuté » (Girodet) ? Jean-Paul Colin ne s'explique pas ce mystère : « On ne voit pas ce qui pourrait empêcher de dire se renseigner si par analogie avec s'informer, s'enquérir. »

    (11) Hanse admet l'ellipse de pour savoir après hésiter mais pas après s'interroger : « J'hésite si je le ferai (je m'interroge pour savoir si). »

    (12) Et surtout dépendre : « Ça dépend comme » (Henri Lavedan, 1895), « Ça dépend où vous allez » (Pierre Hamp, 1908), « Ça dépend comment tu l'entends » (Henry Bataille, 1911), « Les modes sont affreuses cette année ! − Ça dépend comment elles sont portées ! » (Gyp, 1914), « Je sais pas ça dépend pourquoi tu dis ça » (Philippe Djian, 1982), « Langue orale (sans de). Ça dépend qui, quoi, comment, où » (Grand Robert).

    (13) Mais même sur ce point, les avis divergent : « La construction parfois recommandée se renseigner pour savoir si est lourde et peu élégante » (Jean-Paul Colin), « La tournure se renseigner si suivie d'une proposition, sans être fautive, est lourde et on pourra lui intercaler "pour savoir" (il se renseigne pour savoir s'il peut venir plutôt que il se renseigne s'il peut venir) » (Dictionnaire Cordial).

    Remarque : Voir également les billets Dépendre, S'enquérir et Se souvenir.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    On ignore comment un béluga a pu descendre sous nos latitudes.

     

    « Histoire de coupleChamp de mines »

    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :