« Les députés britanniques se sont prononcé lundi soir pour la reconnaissance d'un Etat palestinien. »

(dépêche AFP servilement reprise sur lejdd.fr et sur liberation.fr, le 14 octobre 2014)

Ce que j'en pense

Notre journaliste ferait bien, de son côté, de se prononcer pour la reconnaissance de... l'accord du participe passé ! Car enfin, se prononcer (sur, pour, contre, entre) ne signifie pas « prononcer soi-même » ni « prononcer à soi-même », mais « exprimer, manifester son opinion » ; partant, son participe passé ne s'accorde-t-il pas toujours avec le sujet, conformément à la règle selon laquelle « si le pronom se ne peut pas être analysé comme complément d'objet (direct ou indirect), l'accord du participe se fait en genre et en nombre avec le sujet » ?

Force est de constater que rares sont les ouvrages de référence à se... prononcer sur notre affaire ! Inutile d'espérer une aide quelconque de la part des dictionnaires usuels : les exemples proposés par mon Robert illustré 2014 et mon Petit Larousse illustré 2005 sont soit à l'infinitif (Les médecins ne peuvent encore se prononcer), soit au masculin singulier (Le médecin ne s'est pas encore prononcé). Nous voilà bien avancés ! Du côté de l'Académie, il faut remonter à la huitième édition de son Dictionnaire pour y dénicher une citation éclairante : « L'opinion publique s'est prononcée sur cette affaire. » On trouve encore dans le Bescherelle : « Elle s'est prononcée en faveur de la paix » ; et dans le Dictionnaire du français de Rey-Debove : « Les électeurs se sont prononcés pour le oui, au référendum. »

Las ! l'invariabilité irrégulière continue de se propager sans raison sur la Toile : « 16 sénateurs se sont prononcé pour sa nomination » (site du Sénat) ;  « Les députés se sont prononcé mardi » (LCP) ; « Ils se sont prononcé contre » (France Inter) ; « différents groupes d'experts (...) se sont prononcé pour cette levée » (Science&Vie) ; « elle s'est prononcé en faveur de General Electrics » (Le Figaro) ; « elle s'est prononcé en faveur du retour à la TIPP flottante » (Marianne) ; « cinq Etats-membres se sont prononcé pour l’envoi d’hommes » (Les Échos) ; « elle s’est prononcé contre une opération en Libye » (Le Nouvel Observateur). Le constat est d'autant plus surprenant que l'on se serait plutôt attendu, conjugaison avec l'auxiliaire être oblige, à un accord automatique avec le sujet. Mais c'était sans doute là faire bon marché de l'esprit de contradiction français !

Remarque : Quand se prononcer serait employé comme verbe pronominal de sens passif, le participe passé s'accorderait toujours avec le sujet : Les mots travailler et sillon se sont prononcés autrefois traval-ier et sil-ion.

 
Voir également le billet Accord du participe passé des verbes pronominaux.

Ce qu'il conviendrait de dire

Les députés britanniques se sont prononcés pour la reconnaissance d'un État palestinien.