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Pris sur le fait(e)
« Canal + a décidé de couper purement et simplement les chaînes [du groupe TF1]. La réaction du groupe TF1 ne s'est pas faite attendre... »
(Enguérand Renault, sur lefigaro.fr, le 2 mars 2018)
Ce que j'en pense
Nos concitoyens ne sont plus à une contradiction près : les mêmes qui rechignent à accorder le participe passé avec son complément d'objet direct, fût-il dûment antéposé, s'empressent de le faire varier chaque fois que cela n'a pas lieu d'être.Faut-il rappeler ici que le participe passé du verbe faire est invariable quand il est suivi d'un infinitif ? Les spécialistes de la langue ont beau répéter la règle à l'envi, rien n'y fait : quel que soit le canal de communication choisi, la grammaire n'est pas franchement à la faite, pardon à la fête. Qu'on en juge : « Le contrat liant Canal + à TF1 expirait hier, la réaction ne s'est pas faite attendre : écran noir » (Europe 1), « La réponse du berger de Stuttgart à la bergère de Hangzhou ne s'est pas faite attendre » (Les Échos), « La réaction des allergologues [...] ne s'est pas faite attendre » (France Info), « La réponse de Xavier Bertrand à l'élection de Laurent Wauquiez à la tête de la présidence des Républicains ne s'est pas faite attendre très longtemps » (L'Obs), « La réaction de son collègue ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation ne s'est pas faite attendre » (Le Point), « La reprise des Aubergistes de qualité [un opéra] s'est faite attendre pendant longtemps » (journal La Pandore, 1825), « Et l'occasion ne s'est pas faite attendre ! » (Frigide Barjot, Confessions d'une catho branchée, 2013).
Quand la liaison entre fait et attendre induirait plus d'un téléspectateur en erreur, l'analyse grammaticale ne laisse aucune place au doute : le pronom se, mis pour réaction (réponse...), n'est pas complément d'objet direct du participe fait − sur l'accord duquel il n'a donc aucune influence −, mais bien de la locution verbale avoir fait attendre, dans la mesure où ladite réaction (réponse...) a fait attendre elle-même et non pas a fait elle-même attendre. L'invariabilité de fait est donc de rigueur : « La riposte ne s'est pas fait attendre » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie), « La réaction ne s'est guère fait attendre » (TLFi), « La récompense ne s'est pas fait attendre » (Grand Larousse), « Les critiques ne se sont pas fait attendre » (Bescherelle).
En matière d'accord du participe passé des verbes pronominaux, attendez-vous, hélas ! à relever des approximations en chaîne. Et pas seulement aux étranges lucarnes...
Voir également ce billet.Ce qu'il conviendrait de dire
La réaction du groupe TF1 ne s'est pas fait attendre.
Tags : faire, fait, fait suivi d'un infinitif, accord, participe passé, se faire attendre
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