• Mais où est donc Omni... car ?

    « Le bus du PSG sera désormais blindé. »
    (Thomas Djezzane, sur lefigaro.fr, le 17 janvier 2016) 

     

    FlècheCe que j'en pense


    Selon le Dictionnaire de l'Académie, bus − abréviation familière d'autobus − désigne un « grand véhicule automobile qui sert à transporter des personnes d'un point à un autre d'une ville ». Il s'agit donc d'un moyen de transport en commun destiné aux trajets réguliers en zone urbaine. Pour les lignes interurbaines (d'une ville à une autre), des trajets longs comme des voyages de tourisme ou des transports spécifiques (ramassage scolaire ou, comme dans notre affaire, déplacements de clubs sportifs), on emploie de préférence le mot autocar (ou car). Comparez : prendre le bus pour aller de Bastille à République et prendre le car pour aller de Paris à Rouen.

    L'histoire du mot bus vaut d'être contée... dans les grandes lignes. On doit à Blaise Pascal l'idée de liaisons urbaines régulières. En 1662, le mathématicien-philosophe obtint de Louis XIV le privilège de fonder une entreprise de carrosses publics pour l'exploitation de cinq lignes à Paris, mais l'affaire périclita au bout de quinze ans. L'idée refit surface en 1826, à Nantes, où Stanislas Baudry, colonel d’Empire reconverti dans les affaires, créa un réseau de voitures à cheval, à l'origine pour conduire les clients à son établissement de bains-douches. Suivant une tradition qui a la vie dure, c'est parce que lesdites voitures stationnaient à proximité de la boutique d'un hypothétique chapelier nommé Omnès, sur laquelle s'étalait l'inscription Omnes omnibus − jeu de mots sur son nom et sur le latin omnibus (« pour tous »), datif de l'adjectif pluriel omnes (« tous ») − que les usagers auraient pris l'habitude de dire qu'ils allaient à l'omnibus (1). Le docteur Charles Jeulin (cité dans différents numéros de Vie et Langage de 1966 et 1967) évacue cette thèse sur les chapeaux de roue : selon lui, Baudry aurait finalement opté pour le nom omnibus en souvenir de l'inscription gravée sur les médailles reçues par son ancien condisciple, François Omnès, pour avoir sauvé deux enfants de la noyade à Paris, à l'hiver 1784 : Omnès omnibus, « Omnès au service de tous », épigraphe ingénieuse qui faisait allusion au nom du héros et à son dévouement. Après tout, ses voitures étaient elles aussi au service de tous !

    Toujours est-il que le mot fit rapidement fortune − prestige du latin oblige −, notamment sous sa forme abrégée. Au point que, lorsque furent créés en 1907 les « omnibus automobiles », en remplacement des vieux omnibus à traction hippomobile qui commençaient à travailler du chapeau, les Parisiens les baptisèrent spontanément... autobus (au grand dam des puristes, prompts à dénoncer un attelage barbare de deux abréviations, le premier élément auto résultant, comme chacun sait, de la troncation d'automobile, « voiture mobile par elle-même »). Et voilà comment une finale latine fut prise pour un suffixe, devenu fort productif pour dénommer des moyens de transport en commun : aérobus, airbus, bibliobus, électrobus, filobus, microbus, trolleybus... et, plus récemment, pédibus et vélobus !

    (1) On a constaté le même phénomène avec les fiacres, voitures hippomobiles qui (toujours d'après le Dictionnaire de l'Académie) doivent leur nom à saint Fiacre, dont l'effigie se trouvait sur l'enseigne d'un hôtel parisien de la rue Saint-Antoine où elles stationnaient au XVIIe siècle.


    Remarque 1
    : À la décharge de notre journaliste, force est de reconnaître que la confusion entre autobus et autocar se trouve jusque sous les meilleures plumes : « Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi » (Camus), « Le remplacement des tramways par des autocars » (Aragon).

    Remarque 2 : Littré note que « le peuple fait souvent omnibus du féminin, sous-entendant voiture ». À la vérité, la logique voudrait que omnibus (abréviation de voiture omnibus) et autobus (abréviation de voiture omnibus automobile) soient du féminin et autocar (emprunté de l'anglais autocar, « automobile »), du masculin. L'usage en a fait trois noms masculins.

    Remarque 3 : Dans l'usage moderne, omnibus désigne un train desservant toutes les stations de son parcours, par opposition à direct.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Le car du PSG sera désormais blindé.

     

    « Revendications syntaxiquesLa belle affaire ! »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Lundi 25 Janvier 2016 à 12:40

    Je me suis toujours demandé pourquoi en Belgique nous disons "Voyager en car" alors que mes amis Français disent "Voyager en bus"

     

    Merci 

      • Lundi 25 Janvier 2016 à 15:51

        Vraisemblablement par a...bus de langage ! ^^

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :