• La pose s'impose

    La pose s'impose


    « [Dominique de Villepin] prend la pause au milieu d'un champs en Picardie en janvier 2012. »
    (Guillaume Stoll, sur nouvelobs.com, le 1er octobre 2015)
    (photo Wikipédia sous licence GFDL par Georges Seguin)

     

    FlècheCe que j'en pense


    Et moi qui m'attendais à voir l'ancien Premier ministre s'accordant quelques instants de répit en pleine campagne... Que nenni ! La photo que je découvre sur le site de L'Obs et dont je retranscris ici la légende nous montre Dominique de Villepin prenant une attitude savamment étudiée − mélange d'assurance et de décontraction souriante − devant l'objectif.

    C'est qu'il y a pause et pose : l'arrêt momentané (dans le travail ou dans le discours) et l'action de mettre en place (la pose d'un carrelage) ou la manière de se tenir, l'attitude que l'on adopte (la pose d'un modèle). Dans notre affaire, la confusion est encore accentuée par le fait que nos homophones se construisent couramment avec le verbe prendre : prendre une pause (à la machine à café) et prendre une pose (peu naturelle).

    Force est toutefois de constater, à la décharge de notre journaliste, que des écrivains de renom ne rechignent pas à employer pose au sens de pause (rarement l'inverse) : « Le rossignol saute du doux au fort ; il fait des poses » (Chateaubriand), « nous partîmes au point du jour pour la Charité, où nous devions faire une pose de deux heures » (Dumas père), « Élie de Nacre fit une pose » (Francis Jammes), « En attendant que le rideau se relève [...], je fais une pose » (Mauriac), « On avait une pose d’un quart d’heure avant le départ » (Aragon), « Il fit une pose [...] et enchaîna » (Jean Bruller, dit Vercors), « Il y eut encore une autre pose avant le sommet » (Queneau), «  J'avais envie de faire une pose » (Joffo), « Là, il avait fait une pose » (Jacques Chessex). Selon le TLFi, ces emplois abusifs résulteraient d'une confusion graphique. J'ai la faiblesse de croire qu'il s'agit, en l'espèce, d'archaïsmes : Littré ne précise-t-il pas que, « dans l'ancienne langue, pose est l'orthographe de pause et en a le sens » (1) ? C'est que les deux mots auraient une étymologie commune : le latin pausa (« cessation, arrêt momentané d'une activité, d'un discours »), qui pourrait avoir été directement refait sur pausare (« cesser, s'arrêter »), lui-même à l'origine − cela ne s'invente pas − de notre verbe poser, lequel a d'abord signifié « ensevelir, déposer » avant de s'approprier tous les sens de ponere (« poser »).

    Pour ceux que désespéreraient ces subtilités étymologiques, il ne reste d'autre solution que de se... poser la bonne question : quel est l'usage actuel ? Une rapide pause-dictionnaire devrait les décider à laisser là les archaïsmes et à s'en tenir aux deux graphies distinctes.


    (1) L'ancienne forme pose, usuelle dès le XIIe siècle au sens de « repos, séjour » et « moment, intervalle, laps de temps » (cf. Dictionnaire de Godefroy), a fini par céder la place à son doublet pause : « Grant pose » (Le Roman de Rou, XIIe siècle), puis « Grant pause » (Froissart, XIVe siècle) pour « long moment, longtemps ». En 1694, l'Académie écrivait encore à l'entrée « césure » de la première édition de son Dictionnaire : « Syllabe dans le milieu du vers, sur laquelle on doit faire une pose en le récitant. » De son côté, le pose dérivé de poser s'est imposé dans la langue à partir de la fin du XVIIe siècle avec toutes les acceptions du latin ponere.

    Remarque 1 : Pause désigne, en musique, le silence correspondant à la durée d'une mesure et pose, en photographie, la durée d'exposition d'un film à la lumière (le temps de pose).

    Remarque 2 : Pause entre dans la formation de noms composés de genre féminin, dont le second élément désigne ce à quoi l'interruption est consacrée : pause-café, pause-déjeuner, pause-pipi. On notera que seul le premier terme prend la marque du pluriel : des pauses-café.

    Remarque 3 : Concernant la graphie de champ, voir ce billet.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Il prend la pose au milieu d'un champ.

     

    « Mais que fait la... prolis ?Si ça se trouve... »

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  • Commentaires

    1
    SophieB
    Mercredi 4 Novembre 2015 à 22:51

    Et le verbe pauser dans tout ça ? Dans le cas où ma coiffeuse fait pauser ma coloration après me l'avoir posée...

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