• Laissé, er, ez : le choix ?

    Laissé, er, ez : le choix ?

    « Vous ne parvenez pas à maintenir votre poids de croisière ? Déculpabilisez et laissez tomber votre cure annuelle de soupe, car tout ne dépendrait pas de votre laissez-aller. »
    (Ophélie Ostermann, sur madame.lefigaro.fr, le 13 octobre 2015)


    FlècheCe que j'en pense


    Loin de moi l'intention de me laisser aller à la critique facile, mais j'en étais resté, pour ma part, à la graphie laisser-aller, puisqu'il s'agit là de la substantivation du syntagme verbal (se) laisser aller, avec deux infinitifs. On écrit de même du laisser-faire... mais un laissez-passer. Pourquoi cette différence de traitement, vous demandez-vous ? Hanse avance un argument de poids : parce que, dans les deux premiers cas, l'infinitif exprime une attitude, « une manière d'être où on se laisse aller, où on laisse faire », alors que l'impératif est préféré dans le dernier exemple car il est question d'un ordre, d'une injonction : laissez-le passer, à l'instar de cessez-le-feu.

    Mais voilà que le TLFi nous apprend que la forme laissez-aller s'est rencontrée, autrefois, et particulièrement chez Balzac qui en fit grand usage : « Ce laissez-aller général porte ses fruits », « une attitude pleine de laissez-aller », « un angélique laissez-aller », « le délicieux laissez-aller avec lequel cette belle fille de la Toscane portait le vêtement français ». Tout bien pesé, cette variante orthographique n'a rien d'étonnant, ainsi que le notaient Carpentier et Noël, en 1831, dans leur Dictionnaire étymologique : « Ce mot, très utile, est nouveau (1) ; les auteurs ne paraissent pas encore d'accord sur la manière de l'écrire. » C'est peu de le dire, à en juger par ces exemples anciens : « le laisser aller de sa conversation » (Mme de Staël, citée par Littré), « dans ses pas, formés au hasard.... il y avait un moelleux.... un laisser-aller » (Eugène Scribe), « ce laissé-aller » (André Grétry), « Les artistes de la capitale sont [...] d'un laissé-aller charmant » (Journal des dames et des modes, 1816), « Les Polonaises [...] ont un laissez-aller, une élégance, un piquant et un charme supérieur à toutes les femmes des autres pays » (Charles-Joseph de Ligne).

    Las ! il n'est que de consulter la Toile pour constater que ces hésitations ont la vie dure : « Il y avait eu du laissé allé », « [les domaines] qui ont le plus souffert du laissez allez », « cette joie continentale qui n'est en fin de compte que du laisser-allez », etc. L'homophonie des formes verbales de laisser (infinitif, impératif, participe passé) n'est évidemment pas étrangère à cette situation. Il n'empêche : l'usage en la matière est désormais suffisamment fixé, si l'on en croit les dictionnaires usuels, pour ne plus tolérer un tel laisser-aller orthographique.

    (1) Selon le Dictionnaire historique de la langue française et le TLFi, laisser-aller est attesté en 1786 (sans trait d'union) sous la plume de Mirabeau, au sens de « négligence dans la conduite » : « ses tons bruyans, son laisser aller. » Le mot a plus généralement trait à l'absence de soin, à la négligence dans l'attitude, le langage, le comportement, notamment dans la tenue vestimentaire : Affecter un certain laisser-aller.

    Remarque : On notera que les trois noms composés masculins laisser-aller, laisser-faire et laissez-passer s'écrivent de nos jours avec un trait d'union et sont invariables.

     

    Flèche

    Ce qu'il conviendrait de dire


    Votre laisser-aller.

     

    « Nous voilà verni(s) !Et tout le bataclan ! »

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  • Commentaires

    1
    Michel JEAN
    Vendredi 13 Novembre 2015 à 11:25

    Bonjour M. Marc, je re-trouve ? dans l'excellentissime livre de M. Gohin: Les tranformation de la langue francaise pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle?  page 207? chapitre X, la phrase suivante: Cette curiosité pour les choses étrangères a-t-elle nui ou profité au dév. de la langue? Dans quelle mesure la doctrine du protectionnisme a-t-elle été remplacée par le régime du laissez-passer?

      • Vendredi 13 Novembre 2015 à 13:59

        Rien que de très conforme à l'usage : laisser-aller, laisser-faire, mais laissez-passer.

    2
    Michel JEAN
    Lundi 16 Novembre 2015 à 10:29

    Bonjour M. Marc, à votre avis, si il est écrit: " Les controles à la frontière ont été renforcés, mais cela ne signifie pas qu'il soit possible d'entrer ou de sortir de la France."  Le (à) n'introduit-il pas un complément unique ? Alors qu'il y a plusieurs frontiéres et postes- frontiéres et des  gabelous biens aimables... en France. Merci. Bye. Mich.

      • Mercredi 18 Novembre 2015 à 23:44

        Il me semble aussi que l'on dira mieux : les contrôles aux frontières.

    3
    Mercredi 18 Novembre 2015 à 09:32

    Bonjour Marc.

    Quel site de culture ! ça change des photos alignées les unes sous les autres pour ne rien dire !

    Quant aux Huskies: je suis un amoureux des chiens mais trop vieux pour en avoir un, maintenant.

    Je vois que vous maîtrisez les formats "responsive"; je n'en suis pas là !

    Au plaisir.

    Gilbert

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