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Au bon marché
« Ces prêts, très bons marchés puisque leur coût sera calculé en fonction du principal taux directeur de la BCE (...) »
(lu sur lavoixdunord.fr, le 3 juillet 2014)
Ce que j'en pense
Que notre journaliste ne s'en est-il tenu à la mise en garde de Littré : « On dit souvent, dans le parler vulgaire : j'ai acheté ce livre bon marché ; sans la préposition à. Cette suppression n'est pas autorisée ; il faut dire à bon marché, comme on dit à bon compte, à vil prix, etc. » ! Sans doute y aurait-il réfléchi à deux fois avant de créditer ladite locution de la marque du pluriel.
Certes, l'usage, n'en déplaise à ce cher Littré, a depuis lors pris certaines libertés : si la préposition à tend à se maintenir dans la langue soignée après un verbe (acheter, vendre à bon marché, selon l'Académie), sa présence dans notre locution en emploi adjectival ressortit désormais, d'après Girodet, au registre soutenu, voire archaïsant : Une étoffe bon marché (plus couramment que à bon marché). De là, selon toute vraisemblance, l'origine de la confusion : c'est que l'abandon, dans ce dernier emploi, de la préposition conduit à percevoir bon marché comme une sorte d'adjectif composé, lequel possède désormais sa propre entrée dans les dictionnaires usuels où il s'oppose à cher. Grande est alors la tentation d'accorder le bougre avec le nom qu'il caractérise... alors qu'en toute logique bon ne se rapporte qu'au seul marché (au sens de « prix de ce qu'on achète ou de ce qu'on vend »).
C'est l'effet Canada Dry : on croit avoir affaire à un adjectif bon enfant, on découvre qu'il s'agit en fait d'une locution figée, et par conséquent invariable. Témoin ces quelques exemples puisés aux meilleures sources : « Des produits bon marché » (Dictionnaire de l'Académie), « Des articles bon marché » (Robert), « Des hôtels bon marché » (Aragon), « Des livres bon marché » (Mauriac). Que voulez-vous, la langue française ne rechigne pas à faire son marché, à l'occasion, sur des étals qui peuvent se faire étaux...Remarque 1 : Les mêmes observations valent pour la locution meilleur marché. On notera par ailleurs que à est nécessaire dans à bon (ou meilleur) marché pris figurément au sens de « à peu de frais, sans beaucoup de peine ».
Remarque 2 : On s'étonne de l'inconséquence de Littré qui, après avoir vertement condamné (à l'entrée marché de son Dictionnaire) la construction sans la préposition à, laisse échapper un « vendre bon marché » (à l'entrée vendre) et un « vendu très bon marché » (à l'entrée pain). Preuve, s'il en était besoin, que le tour elliptique était, déjà de son temps, d'un emploi courant.
Ce qu'il conviendrait de dire
Des prêts très bon marché (entendez : à très bon marché).
Tags : bon marché, à bon marché, invariable
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