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Vol au-dessus du mont d'Or

« Une fois mis en moule, les grains de caillé doivent encore être pressurisés. »
(entendu sur France 3, le 26 août 2017) 

 

  FlècheCe que j'en pense


Coup de pression, hier midi, au cours du journal présenté par Catherine Matausch, sur les auteurs d'un reportage consacré à la fabrication du mont-d'or (*), le fameux fromage au lait cru de vache qui, dit-on, agrémentait déjà la table de cette bonne pâte de Louis XV. N'y entend-on pas, fort curieusement, que le caillé doit être... pressurisé ? Pas de quoi en faire un fromage, me direz-vous, mais enfin tout porte à croire que nos journalistes se sont emmêlé les meules entre différents membres de la famille du verbe presser.

Emprunté du latin pressura (« action de faire pression ») − issu de pressus, participe passé de premere (« presser, comprimer »), lui-même à l'origine de presser par l'intermédiaire de pressare −, le mot pressure est attesté en ancien français au sens propre de « pression (action ou fait de presser, de serrer) » et au sens figuré de « oppression, tourment, violence ». D'après les dictionnaires d'étymologie, l'anglais s'en serait emparé à la fin du XIVe siècle pour former pressure (« pression »), dont le néologisme dérivé pressurize nous est revenu sur un plateau, au beau milieu du XXe siècle, sous la forme (critiquée, il va sans dire) pressuriser, avec le sens technique de « maintenir un espace clos à une pression normale pour le corps humain » : une cabine pressurisée pour « une cabine sous pression ». Rien à voir, vous en conviendrez, avec notre vacherin du Haut-Doubs, fût-il fabriqué en altitude, à proximité du mont du même nom dont le sommet culmine à quelque 1500 mètres.

Le paronyme pressurer, avec lequel pressuriser est parfois confondu, ferait-il mieux l'affaire ? Rien n'est moins sûr. Dérivé de pressoir (issu du supin pressum du même latin premere), il signifie proprement « passer au pressoir (des fruits, des grains) pour en extraire le jus, l'huile », si l'on en croit les définitions du Dictionnaire de l'Académie et du TLFi. Partant, il n'est que trop clair que ledit verbe s'accommode moins du fromage que du raisin, des pommes ou des olives. Seulement voilà, Littré ne l'entend pas de cette oreille : « [Pressurer] se dit aussi de la fabrication des fromages », affirme le lexicographe sur la foi d'une citation de Voltaire : « Les fromages qu'ils ont pressurés du lait de leurs vaches, de leurs chèvres ou de leurs brebis » (Dictionnaire philosophique). Oserai-je avouer que cet emploi me plonge dans l'embarras ? D'une part, en ne conservant que l'idée de « soumettre à l'action du pressoir », il gomme une différence de taille : dans le cas des fruits et des grains, l'objectif est de récupérer le liquide extrait, alors que, dans le cas du fromage, c'est de l'évacuer. D'autre part, il entretient une confusion plus grande encore, me semble-t-il, avec un verbe qui, lui, est indissociablement lié à l'univers du lait : ce faux frère de présurer (avec s prononcé z) − entre nous soit dit, une vraie... vacherie, cette quasi ressemblance graphique et phonétique −, lequel est dérivé de présure (« substance organique qui contient une enzyme permettant de faire coaguler le lait »), qui a cette fois à voir avec le latin prehendere (« saisir, prendre »). Je n'en veux pour preuve (de ladite confusion) que cet exemple glané sur la Toile : « Une fois le lait pressuré [au lieu de présuré], on obtient un caillé blanc qui est moulé. »

Dans le doute, mieux vaut ici s'en tenir prudemment au paterfamilias presser, à propos duquel le Dictionnaire de l'Académie donne cet exemple édifiant que je vous livre en buvant du petit lait : « Lors de la fabrication de certains fromages, on presse le caillé pour en accélérer l'égouttage. » Pourquoi faire simple, je vous le demande, quand on peut faire... gratiné ?


(*) J'adopte ici la graphie préconisée par Larousse et Robert, avec minuscule et trait d'union : un mont-d'or, des monts-d'or (= le fromage), à distinguer du mont d'Or (= le sommet du Jura qui a donné son nom audit fromage).

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


Les grains de caillé doivent encore être pressés.

 

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A
Je suis depuis assez longtemps ce blog mais,  cette fois, j'avoue ne pas comprendre la problématique.<br /> Si "presser" signifie "appliquer une pression"<br /> et que "pressurer" signifie "appliquer une pression pour extraire  un liquide", <br /> je ne vois pas ou se situe la contradiction. On peut "presser" les raisins aussi bien que  les fromages, tout autant que les "pressurer", l'objectif étant le même : en extraire le liquide. Que le liquide soit le but de l'opération (dans le cas du raisin) ou un sous-produit à éliminer (dans le cas du fromage). Mais le second verbe est plus précis puisqu'il ajoute une nuance de sens supplémentaire
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C
Si je comprends bien, vous semblez réprouver l'usage de pressurer tout en reconnaissant l'insuffisance partielle de presser pour certains sens. Mais vous n'avez pas évoqué le sens figuré qui s'est emparé de pressurer, notamment pour extraire le jus des contribuables.<br /> Finalement, je sens mal le besoin de le condamner si ce n'est pour les risques de confusion avec présurer, réel mais rare. De toute façon, nous en voyons tant d'autres…
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