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Une annus horribilis

Une annus horibilis

« Pour celui qui fut intronisé PDG en décembre 2010, 2011 aurait dû être l'heure de la consécration. Elle a finalement été une annus horribilis » (à propos d'Antoine Frérot, PDG de Véolia, photo ci-contre).
(Libie Cousteau, dans L'Express n° 3164, février 2012)

 
(photo wikipedia sous licence GFDL par Matthieu Riegler)

 

FlècheCe que j'en pense


Les spécialistes de la langue ne s'accordent pas sur le genre de l'expression annus horribilis, depuis que celle-ci a été plaisamment formée (si j'ose dire) − sur le modèle de annus mirabilis (littéralement « année remarquable, singulière, étonnante », aujourd'hui toujours pris en bonne part au sens de « année merveilleuse ») (1) − à partir des mots latins annus (« année, saison, période ») et horribilis (« qui fait horreur, horrible, effrayant » et, en bonne part, « étonnant, surprenant ») pour qualifier une année de sinistre mémoire. Les uns veulent conserver à annus son genre étymologique, malgré la redoutable proximité avec son homonyme anatomique (2) : « annus horribilis, masculin (au pluriel, anni horribiles) » (Wiktionnaire), « Il [faut] plutôt écrire un annus horribilis » (blog des correcteurs du Monde), « Un annus horribilis » (Petite Histoire des grands mots historiques de Daniel Appriou) (3) ; les autres (Larousse en tête, depuis 2014) penchent pour le féminin, sous l'influence du substantif année : « Chaque année qui passe est pour elle [l'Académie] une annus horribilis » (Jacques Drillon), « 1996 avait été à tous égards une annus horribilis » (Amélie Nothomb).

Dans le doute, contentons-nous de rappeler que ladite expression, attestée en anglais depuis 1890, doit son succès international à la reine Elizabeth II, qui l'employa − par référence au poème de son compatriote John Dryden, intitulé Annus mirabilis (1667) ? − à propos de l'année 1992, marquée par l'incendie du château de Windsor et par la séparation de plusieurs couples de la famille royale. Elle est depuis restée... dans les annales.


(1) Le tour figurerait dans une prédiction en vers attribuée à l'Allemand Johannes Müller, dit Regiomontanus (1436-1476) : « Octuagesimus octavus mirabilis annus. »

(2) De là la définition en forme de jeu de mots donnée par Jean-Loup Chiflet dans Ad aeroportum ! À l'aéroport ! Le Latin d'aujourd'hui (1999) : « Hémorroïde : Anus horribilis. »

(3) On trouve de même : « Un annus medicus complet » (1792), « Délai, qui est fixé [...] à un annus utilis » (1840), « Un annus luctus » (1864), « Ce laps de temps différent de l'année du calendrier [...] figure dans la liste des magistrats comme un annus » (1892), etc.


Remarque : Est-il besoin de préciser que le même flottement s'observe de longue date avec annus mirabilis ? Qu'on en juge : « Cette année a été partout un annus mirabilis pour le mauvais tems » (traduction d'une lettre datée de 1767 du comte de Chesterfield, 1785), « Suivons-le dans cet annus mirabilis secoué de voyages » (André Tubeuf, 1990), mais « Cordélia de Castellanne, qui fut le grand amour de cette annus mirabilis » (André Maurois, 1938), « 1900, déjà considérée comme une annus mirabilis » (Maurice Denuzière, 2006).

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


2011 a finalement été un (ou uneannus horribilis.

 

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