« Fier de supporter l'équipe de France de basket. »
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Ce que j'en pense
Il n'y a pourtant pas de quoi être fier − sur le plan de la langue, s'entend −, si l'on en croit le chroniqueur Alain Feutry : « Nos joueurs sont-ils si mauvais qu'il faille les supporter au lieu de les encourager ? » s'interrogeait-il non sans ironie dans les colonnes du Figaro, à la fin du siècle dernier. Saisissant la balle au bond, le service du Dictionnaire de l'Académie se fendit à son tour d'un curieux avertissement : « On évitera d'employer ce verbe [supporter au sens de "soutenir"], formé à partir de l'anglais to support, pour parler de rencontres sportives et, à plus forte raison, d'autres compétitions. Le substantif Supporteur peut être employé, sous cette forme francisée et non sous la forme anglaise Supporter, dans le langage sportif » (Dire, ne pas dire, 2011). Reconnaissons, à la décharge des contrevenants, que l'on a connu coup plus franc : l'arbitre de la langue vous donne sa bénédiction pour être supporteur de l'équipe nationale, mais vous risquez le carton rouge (si l'on me permet ce parallèle avec le football) en déclarant la supporter. Comprenne qui pourra... lire entre les mailles du filet ! Allez savoir pourquoi, mon petit doigt me souffle que la vieille dame du quai Conti, trop attachée à viser le dessus du panier linguistique, se refuse à préconiser le terme de souteneur, autrement connoté... Mais soutien ne pouvait-il trouver grâce à ses yeux ?
Las ! les académiciens ne sont pas les seules pointures à faire preuve de maladresse dans cette affaire. Prenez les auteurs du Grand Livre de la langue française (2003) : « Le sens sportif du verbe supporter ("encourager une équipe") est tellement installé dans nos mœurs qu'on ne peut plus guère le récuser efficacement. Il est certain que ceux qui ont appris un français relativement classique ont du mal à admettre [c]es élargissements de sens », écrivent-ils sous la direction de Marina Yaguello (1). Il y a là, pour le moins, une formulation malheureuse, quand on sait que l'idée de soutien est bel et bien attestée − à côté des autres sens communs de supporter : « soutenir (une chose pesante) », « avoir comme charge (financière, morale) », « tolérer, endurer » − dans la langue classique du XVIIe siècle, ainsi que le confirme Littré : « Prendre le parti de, soutenir. "Supporter l'orfelin contre le meurtrier injuste du pere" (Agrippa d'Aubigné, 1630), "Nous ne sommes point gens à la supporter dans de mauvaises actions" (Molière, 1668), "Celui-ci est un grand faux-monnayeur et qui supporte certains corsaires" (Tallemant des Réaux, avant 1692). » On pourrait encore citer Furetière : « Supporter, signifie encore, Donner appuy, secours, protection. Les gens d'un même corps se supportent les uns les autres. La fortune de cet homme est bien appuyée, les ministres le supportent, le protègent. Ce docteur supporte les hérétiques, il écrit en leur faveur, il les excuse » (Dictionnaire, 1690) et l'Académie elle-même : « Supporter, signifie figurément Favoriser, appuyer. Ce grand seigneur, ce ministre supporte, soustient un tel » (Dictionnaire, 1694) − alors pourquoi pas un joueur de paume ?
À y regarder de près, cet emploi de supporter est encore plus ancien : « Mais les deffaillans supportoies » (Miracle de saint Jean le Paulu, vers 1372), « Car le seigneur en devient plus puissant ou plus riche, et pourra au tems advenir plus supporter et aider sez subjés » (Le Songe du verger, 1378), « Sens faire partie ne sorporteir [= favoriser, avantager] l'une partie encontre l'autre » (Jean d'Outremeuse, avant 1399), « [Ceux] qui sont riches et puissants, et qui doivent supporter les pauvres » (Enguerrand de Monstrelet, vers 1450), « Voz biens et monnoye Dont vous deussiez le peuple suporter » (Charles d'Orléans, avant 1457), « En flattant, favorisant et supportant les voullentez des seigneurs » (Jean de Bueil, 1466), « Qui pourra surporter Desormais nostre pauvre fait [...] ? » (Andrieu de La Vigne, 1496), « Et pour ce qu'entendons qu'ilz soient supportez en leurs droiz » (Charles VIII, 1496), « Saichez qu'il est requis Que supportez voz serfs et voz vassaulx » (Pierre Gringore, 1505), etc. (2) De là à affirmer avec le Dictionnaire historique de la langue française que « supporter a eu du XIIe siècle jusqu'à l'époque classique le sens d'“appuyer (quelqu'un), prendre son parti” et spécialement “subvenir à ses dépenses” (1543) », il y a un cadrage chronologique que je ne suis pas près de cautionner. Autant je renverrais bien au vestiaire les attestations antérieures au XIVe siècle, qui me paraissent en l'espèce peu pertinentes (3), autant je ne vois pas ce qui pousse Alain Rey à croire que cette idée de soutien se serait éteinte avec le XVIIe siècle. Car enfin, les faits sont têtus :
« Se rendre partie, tant pour le soûtenement de ses droits que pour supporter ses sujets » (Augustin Calmet, 1728), « Obtenir un pouvoir suffisant pour supporter le prince et les mesures que prennent les ministres » (James de La Cour, 1744), « Les Marbuts [...] n'étant plus supportés par le roi de Maroc se trouvèrent trop foibles pour leur résister » (Antoine François Prévost, 1746), « Parmi les divines écritures, où on trouve écrit qu'il faut que les forts supportent les faibles » (Saint-Simon, avant 1755), « Un évêque [...] qui résiste aux méchans et supporte les foibles » (Bernardin de Saint-Pierre, 1784), « La Providence, qui supporte les faibles plantes et nourrit les petits oiseaux » (Chateaubriand, 1802), « Quand il verra qu'on le supporte dans son malheur » (Honoré de Tuffet, 1818), « J'ai trouvé peu de personnes [...] qui supportassent et compatissent » (Louis-Marie Baudouin, 1820), « Cette masse, éclairée et pacifique, […] qui supporte le parti de l'ancien régime à condition que ce parti supporte les institutions » (Le Courrier français, 1823), « Il est loisible de […] supporter le parti protestant » (François Pélier de Lacroix, 1830), « J'aurais, pour ma part, supporté les Bourbons eux-mêmes s'ils eussent exécuté la charte » (Étienne Cabet, 1832), « Je ne puis y rentrer [= dans ma patrie] que supporté et aidé par le parti national » (Louis-Napoléon Bonaparte, 1833), « Le régime militaire ne lui convient plus ; il n'est point assez robuste pour supporter le gouvernement constitutionnel » (Jacques Crétineau-Joly, 1843), « Quoiqu'ils eussent fortement supporté le roi dans ses prétentions à la suprématie » (Léon de Wailly, 1843), « Les principes qui fondent et supportent la thèse » (M. Malan, 1844), « Les richesses des couvents, qui avaient servi à supporter les pauvres » (Antoine-Martin Bureaud-Riofrey, 1846), « Quand le pays [...] sera disposé à la supporter, elle [= ma proposition] pourra devenir un grand acte définitif de réconciliation » (Jules Dufaure, 1849), « Il veut aussi que, par toute sorte de moyens honnêtes, on supporte le pauvre peuple qui est courbé sous le faix des impôts » (François-Armand de Gournay, 1852), « [La supérieure] doit recevoir et supporter les faibles » (Valérie de Gasparin, 1855), « Le marquis de Hartinhton a annoncé son intention de [...] supporter la demande d'autonomie en faveur de [...] » (Le Petit Parisien, 1876), « [Ce récit] qu'ils ont voulu soutenir et supporter à tout prix » (Léon Delbos, 1879), « Le voilà favori de Mme de Pompadour, et supporté du roi » (La Grande Encyclopédie, 1886), « Un allié est tenu de supporter la cause de son allié » (Antoine Pillet, 1892), « [L'Allemagne] a des agences de renseignements dans toutes contrées, des ligues de négociants qui supportent ces agences » (Paul Valéry, 1897), « [L'Italie] a, enfin, pour rester avec l'Allemagne, à supporter l'alliance avec l'Autriche » (Le Guetteur, 1902), « Les syndicats supportent le parti et en font la propagande dans les milieux ouvriers » (Rapport international sur le mouvement syndical, 1909), « J'ai songé un instant à supporter la cause des suffragettes » (Marc Logé, 1911), « Il y a ceux qu'il faut supporter et aider » (Mlle Le Bidan de Saint-Mars, 1925).
Vous l'aurez compris : contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, le sens ancien de « encourager, donner aide, soutien (moral, matériel...) à (quelqu'un, une cause) », hérité du latin médiéval supportare (« aider, encourager ; supporter le coût de ») (4), n'est pas totalement tombé en désuétude au XVIIIe siècle. Il s'est maintenu tant bien que mal jusqu'à nous, notamment dans le vocabulaire de la morale religieuse et de la politique. Il n'est toutefois pas exclu, au vu du nombre d'occurrences issues de traductions de textes anglais, que ce supporter-là ait en partie dû sa survie dans notre lexique à sa propre acclimatation outre-Manche, depuis que les sujets de Sa Gracieuse Majesté nous l'avaient emprunté à la fin du XIVe siècle.
Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c'est que notre verbe s'est offert une seconde jeunesse en passant dans le domaine du sport (5), au début du XXe siècle, sous l'influence − cette fois indéniable − de l'anglais : « Sport que désire "supporter" le candidat » (L'Auto, 1904), « Supporter l'équipe fanion » (Le Grand Écho du Nord de la France, 1922). Pour autant, il ne saurait s'agir à proprement parler d'une reprise du sens ancien, comme le laisse entendre le Dictionnaire historique (« Cette idée de soutien s'exprime à nouveau au XXe siècle par anglicisme »), mais plutôt d'une extension de son champ d'application, ledit sens n'ayant jamais disparu de nos contrées. Alors, me demanderez-vous, que reproche-t-on au juste à ce malheureux supporter ? Ses acceptions contraires ! (6) répondent en chœur les spécialistes : « Le verbe supporter au sens de "soutenir financièrement" ou "encourager" (anglais to support) doit absolument être évité, notre verbe supporter ("subir") signifiant quasiment l'inverse » (Jean-Paul Colin, 1994), « L'emploi, au sens sportif (et anglais) du terme, du verbe supporter prête pour le moins, dans certaines circonstances, à confusion. Non que ledit emploi constitue un péché mortel contre l'étymologie. Après tout, le bas latin supportare a eu, entre autres significations, celle de "soutenir, aider". [...] Mais pour peu qu'un journal se risque aujourd'hui à clamer en une : "La France supporte Domenech et les Bleus", comment s'y prendra-t-on pour distinguer entre ceux qui les encouragent et ceux qui se contentent de subir sans broncher leurs frasques ? » (Bruno Dewaele, 2010). Oserai-je avouer que les arguments allégués par ces deux champions des terrains linguistiques me laissent pour le moins perplexe ? Car enfin, les mots hôte et louer doivent-ils être sifflés hors-jeu au seul motif que le premier désigne aussi bien la personne qui reçoit que celle qui est reçue et que le second peut avoir pour sujet le propriétaire d'un bien immobilier tout autant que son occupant ? Le verbe soutenir lui-même n'est pas exempt de toute ambiguïté : La France soutient l'assaut (ou la concurrence) des États-Unis signifie-t-il qu'elle y résiste ou qu'elle l'encourage ? Surtout, le risque de confusion est à relativiser dans la mesure où il existe depuis l'origine (peut-être même dès le bas latin) et que nos aînés semblent s'en être accommodés. Comparez : « Supportéz l'un l'autre [= se tolérer, selon le Dictionnaire du moyen français] en patienche » (Jean Daudin, vers 1380) et « Si ne doit l'un l'autre mocquer, Mais doit l'un l'autre supporter [= s'aider mutuellement, selon le TLFi] » (Eustache Deschamps, 1385).
Voilà donc un bien mauvais procès fait au verbe supporter employé non pas avec un sens spécifiquement anglais, comme on le croit souvent, mais − et la nuance est de taille − avec un sens français (hérité du latin et attesté sans discontinuer depuis le XIVe siècle) que la langue anglaise a étendu au domaine sportif. Que ses détracteurs se montrent beaux joueurs et laissent à l'usager le choix du terme qu'il juge le mieux approprié au contexte, tant que la clarté du propos n'en souffre pas ! La langue française est assez forte pour supporter en son sein ce rescapé-là.
(1) D'autres spécialistes ont l'imprudence de se montrer plus catégoriques : « Supporter veut dire "endurer" et non "pourvoir aux besoins de" ou "prendre le parti de" » (Jean Darbelnet, Regards sur le français actuel, 1963), « Le verbe anglais [to support] a pris les sens de "encourager, donner son appui, son aide", sens inconnus du français avant d'être introduits dans les reportages sportifs, sans doute sous l'influence de l'emprunt supporte[u]r » (Josette Rey-Debove et Gilberte Gagnon, Dictionnaire des anglicismes, 1988).
(2) Et aussi : « Jacquemart dartevelle qui les supportoit et honoroit en tout ce qu'il pouvoit » (Chroniques de Jean Froissart, édition de 1530), « Si nous avons affaire de secours [...] nous serons supportez de mon pere » (Nicolas Herberay des Essarts, vers 1540), « Tousjours seray ton humble serviteur, Et ton amy [...] Pour supporter ton bon renom et fame » (Jean Bouchet, 1545), « Supporter et favoriser » (Robert Estienne, 1549), « Nous jurons de ne jamais aider ni supporter l'empereur » (Journal du siège de Metz, 1552), « Car lors que tu estois serviteur, tu eusses bien voulu qu'on t'eust supporté » (Calvin, 1555), « Pource que Jean estoit supporté par l'empereur Maurice, on ne le peut destourner de son propos » (Id., 1560), « Ceulx qui favorisent et supportent mes plus grands et mortels ennemis » (Vincent Carloix, vers 1562), « Prince amoureux, tu n'as Besoin de guide : un Dieu qui te supporte, En lieu de moy te sert d'heureuse escorte » (Ronsard, 1572), « L'empereur Louys de Baviere supportant la cause de l'Anglois » (François de Belleforest, 1579), « Combien il avoit supporté la cause de la religion » (Théodore de Bèze, 1580), « Vostre evesque [...] supporte nostre party et deteste le vostre » (Dialogue d'entre le maheustre et le manant, édition de 1594), « Supporter et favoriser » (Jean Nicot, 1606), « Le prince avoit tort d'avoir voulu braver, bien qu'il fust assez supporté de messieurs de Guise » (Pierre de Bourdeilles, avant 1614), « Et le Ciel accusé de supporter tes crimes » (Malherbe, 1616).
(3) En ancien français, les graphies so(r)porter, sou(r)porter... s'employaient surtout au sens de « emporter au-delà, entraîner ». On lit toutefois dans les Sermons de saint Bernard (vers 1180 ?) : « Sorportiens li uns de nos l'atre en tote pacience. » Le Dictionnaire historique se réclame-t-il de cet exemple ? Le sens y paraît pourtant plus proche de « tolérer, endurer », selon Godefroy, que de « aider ».
(4) Et peut-être même hérité du bas latin supportare (« soutenir ; souffrir, tolérer, endurer », selon le TLFi), lui-même issu du latin classique supportare, composé de sub (« sous ») et de portare (« porter »), d'où « porter, transporter ».
(5) Et aussi dans le domaine boursier : « Le marché [des mines australiennes] est plus actif. Les Lake Views ont été fortement supportés » (Journal des mines, 1899), « L'intérêt porté au marché par les spéculateurs était trop insignifiant pour supporter les cours » (La Liberté, 1911).
(6) Les linguistes parlent à ce sujet d'énantiosémie.
Remarque 1 : Dans un entretien accordé en 2016 au journal La Montagne, la linguiste Henriette Walter évoque le cas du verbe supporter en ces termes : « Il vient du vieux français dans le sens "soutenir positivement" – aujourd'hui "encourager (une équipe de football, de basket)". Ce sens-là, le premier donc, l'anglais nous l'a rapporté, plus tard, alors que supporter signifiait pour nous une action négative : "tolérer" ou "assumer une charge". » Voilà un raccourci qui donne à croire que supporter s'employait uniquement avec un sens positif quand il est apparu dans notre lexique et avec un sens négatif quand son avatar nous est revenu d'Angleterre. La réalité, nous l'avons vu, est autrement contrastée. À tel point que le doute s'immisce − enfin ! − dans l'esprit de certains observateurs : « Il y aurait peut-être lieu de se demander si les emplois [critiqués du verbe supporter], que l'on entend au Québec, sont réellement des calques de l'anglais, ou s'ils pourraient être une survivance du français d'origine consolidée sous l'influence de l'anglais » (site Internet de l'Université de Montréal, 2012). Nos cousins québécois ne sont pas loin du but...
Remarque 2 : Le nom supporteur, quant à lui, est attesté vers le mitan du XVIe siècle avec le sens de « personne qui supporte, qui endure avec courage » : « Supporteur, endureur » (Christophe Plantin, Dictionnaire flamand-français-latin, 1573) et, plus fréquemment, avec celui de « personne qui apporte son appui, son soutien ; partisan, complice » : « Logeur, aydeur, sollageur, recepveur, supporteur et excuseur de toutz vivantz » (Guillaume Postel, 1553), « Supporteurs de larrons, trahistres et meschans » (Factum contre les Hamiltons, pamphlet traduit de l'écossais vers 1574), « [Il] s'est en fin monstré manifeste supporteur des heretiques » (Justification de la guerre entreprise sous la conduite du duc de Mayenne contre les hérétiques, texte anonyme de 1589), « Fauteur, supporteur » (James Howell, Dictionnaire français-italien-espagnol, 1660), en particulier dans le domaine militaire : « Supporteur d'enseigne » (Archives départementales du Nord, 1555), « Johan de la Court, son supporteur » (Cartulaire de la commune de Dinant, 1577), « Les supporteurs des portenseignes » (Cornille de Roosenbourg, traduction de l'espagnol, 1589). Contrairement au verbe supporter, ledit substantif semble bien avoir été expulsé de notre lexique au cours du XVIIe siècle... pour mieux y reparaître au milieu du XIXe siècle, sous l'influence de l'anglais, dans le vocabulaire de la politique : « La principale partie de ses supporters [ceux de l'Angleterre] » (Louis-Philippe, 1846), « Les supporters des orléanistes » (La Liberté, 1875), « [Il] avait bon nombre de supporteurs parmi les hommes et femmes » (L'Émancipation ouvrière, 1895), puis dans celui du sport : « Les "supporters" de son club [de football] » (L'Auto, 1907), « Les "supporteurs" des Lillois étaient moins nombreux » (Le Matin, 1913), « Demandez à une équipe dont tous les supporters "donnent" à pleine voix » (Montherlant, 1924), « Une aimable "supportrice" du Stade rouennais » (Match : l'intran, 1926). Notez les guillemets, l'italique et la variante en -er, qui soulignent le caractère nouveau et étranger que revêtait alors ce mot, pourtant bien français et déjà vieux de trois siècles − comment le fervent supporteur d'une équipe de foot aurait-il pu savoir qu'il chaussait là les crampons émoussés du « manifeste supporteur des heretiques » ? Suivirent dans la foulée le retour de l'acception liée à supporter « endurer » : « Le grand supporteur d'adversité » (Ernest Blum et Louis Huart, 1860), « Supporteur, euse. Personne qui supporte » (Grand Larousse du XIXe siècle, 1875), « Son rôle de supporteur de toutes les pertes » (L'Économiste français, 1895) et l'apparition d'un sens technique médical, mentionné par Littré (supporteur abdominal, supporteur anal).
Le terme supporte(u)r s'est d'autant plus facilement imposé dans le langage des sports que ses détracteurs peinaient à lui trouver un remplaçant satisfaisant. Que l'on songe à adepte, partisan (trop teintés d'idéologie), admirateur (trop passif), sympathisant (trop Bisounours), défenseur (trop ambivalent), voire fauteur (trop vieilli). Le sportif soucieux de sa langue (il en existe !) sera soulagé d'apprendre qu'il n'est pas obligé de recourir auxdits substituts... tant qu'il s'en tient à la graphie supporteur, considérée non pas comme la forme francisée de l'anglais supporter mais comme une forme anciennement et régulièrement dérivée du verbe français supporter et qui ne demandait qu'à reprendre du service. Tout au plus risque-t-il de se voir taxer... d'archaïsme !
Ce qu'il conviendrait de dire
Fier de supporter (ou, selon l'Académie, de soutenir) l'équipe de France de basket.