« Un ministre de gauche a dénoncé une grève d’enseignants ! Grande nouveauté, tant nous avons été habitués à ce que tout mouvement et toute protestation venant de l’Education nationale soit automatiquement sanctifié à gauche au nom du progrès et de la lutte pour une école encore plus meilleure » (à propos de la réforme de Vincent Peillon, photo ci-contre, sur les rythmes scolaires).
(Eric Conan, sur marianne.net, le 27 janvier 2013)
(photo Wikipédia)
Ce que j'en pense
Voilà une phrase qui appelle plusieurs commentaires.
Commençons par nous intéresser à l'accord du verbe en cas de répétition de l'adjectif tout (au sens de « chaque »). Force est de constater qu'il n'y a pas unanimité sur la question, même chez les spécialistes. Si Girodet et Thomas préconisent l'accord au singulier avec le dernier sujet (Tout homme, toute femme doit respecter la loi), Grevisse envisage également la possibilité d'accorder avec l'ensemble des sujets (au pluriel, donc).
Tout dépend en fait du sens, disjonctif ou collectif, que l'on souhaite exprimer... encore convient-il de correctement apprécier celui-ci. Hanse note à ce propos : « Tout artiste, tout philosophe, tout poète court le risque d'être incompris. Je mettrais le singulier, malgré l'absence de gradation, mais on trouve le pluriel dans des cas semblables ». Allez vous y retrouver avec ça...
Bien sûr, je vous entends déjà marmonner que notre journaliste n'a pas écrit : « tout mouvement, toute protestation venant de l’Education nationale ». Comment se fait donc l'accord du verbe quand les sujets – au singulier précédés de tout – ne sont plus juxtaposés mais coordonnés (par et, en l'occurrence) ?
Littré nous souffle la réponse, en faisant une analogie avec chaque : « Après une suite de substantifs précédés de chaque, le verbe se met indifféremment au singulier ou au pluriel, suivant le point de vue grammatical où l'on se place : Dans cette fête, chaque homme et chaque femme avait ou avaient un bouquet. Il se met au singulier si le substantif régi par le verbe est accompagné d'un pronom possessif : Chaque homme et chaque femme avait son bouquet. »
Vous l'aurez compris : le choix s'offre à vous, même si l'accord au singulier reste le seul acceptable pour Girodet et Thomas (que les sujets soient coordonnés ou non).
En revanche, en cas d'accord du verbe avec le sujet le plus proche, l'orthodoxie veut qu'il en soit de même pour l'adjectif (ou le participe) : Toute femme, tout homme est tenu de respecter la loi. L'inversion des sujets conduirait ici à une situation que Hanse préfère contourner : « On évite de faire l'accord avec un féminin précédé d'un masculin ». Plutôt que d'écrire Tout homme, toute femme est tenue de respecter la loi, l'usage préfère, semble-t-il (pour combien de temps encore ?), mettre le verbe au pluriel et l'attribut ou le participe au masculin pluriel : Tout homme, toute femme sont tenus de respecter la loi.
Quant à la forme fautive plus meilleure (association redondante de deux comparatifs de supériorité), j'ose espérer qu'elle se veut un clin d'œil malicieux...
Voir également le billet Pire/Pis.
Ce qu'il conviendrait de dire
Nous avons été habitués à ce que tout mouvement et toute protestation venant de l’Éducation nationale soient automatiquement sanctifiés à gauche au nom du progrès et de la lutte pour une école encore meilleure.
ou
Nous avons été habitués à ce que tout mouvement et toute protestation venant de l’Éducation nationale soit automatiquement sanctifiée à gauche au nom du progrès et de la lutte pour une école encore meilleure (cet accord de proximité étant, dans ce cas, déconseillé par Hanse).