« À la mi-septembre, 13 500 élèves n'étaient toujours pas affectés dans un lycée. »
(Sylvie Lecherbonnier, sur lemonde.fr, le 19 septembre 2023.)
Ce que j'en pense
Un habitué de ce blog(ue) m'interpelle en ces termes, à la mi-journée : « Pourquoi écrit-on à la mi-septembre, alors que septembre est masculin comme tous les noms de mois ? »
La faute au mois d'août, nous assure Goosse : « Dans la mi-août "l'Assomption" (15 août), c'est le nom fête sous-jacent qui rend raison de l'article féminin. Sur le modèle de cette expression où on a vu en mi un nom féminin (comme moitié ou comme fin), on a formé la mi-janvier, la mi-mai, etc. » Et le continuateur du Bon Usage d'ajouter : « En ancien français, les syntagmes mi + nom de mois étaient masculins. »
Oserai-je l'avouer (fût-ce à mi-voix) ? Voilà des affirmations qui me paraissent bien imprudentes.
Le genre dans l'ancienne langue, tout d'abord. S'il ne fait aucun doute que les noms de mois ont toujours été du masculin, l'usage s'est longtemps montré mi-figue mi-raisin à propos du genre de leurs composés en mi. Qu'on en juge :
(Janvier) « En la my-jenvier » (Chronique normande de Pierre Cochon, première moitié du XVe siècle), « Environ la my janvier » (Nicole Gilles, 1541), mais « Depuis le my janvier » (Jacques Lesaige, 1523), « Au my-janvier » (Étienne Médicis, avant 1565 ; Antoine de Balinghem, 1609).
(Février) « La me-febvrier » (Coutume de Bretagne, vers 1320 ?), « Jusques a la mi fevrier » (Ordonnance de la ville de Paris, 1350), « Vers la my fevrier » (Le Mesnagier de Paris, 1393), « Environ la my fevrier » (Louis XI, 1463), « Dedans la my-febvrier » (François de la Trémoille, 1530), « Dès la my febvrier » (Bertrand de Salignac de La Mothe-Fénelon, 1573), mais « Entour le my-fevrier » (Chroniques de Flandre, fin du XIVe siècle), « Le premier terme escherra au my febvrier prochainement venant » (Archives de l'État à Bruges, 1547).
(Mars) « Depuis la mi mars jusques a la mi may » (Ordonnance de Charles le Bel, 1326), « A la mimarz » (Cartulaire de Vitré, 1335), « A la my mars » (Le Mystère de saint Laurent, 1499), « Envrion la my mars » (Montaigne, 1581), mais « Jusques au my march » (Cartulaire des comtes de Hainaut, 1342), « Depuis le my mars » (Le Mesnagier de Paris, 1393), « Au meyt mars » (Jean Le Fèvre, vers 1460), « Le premier [equinoxe] est au mymars » (La Somme abrégée de théologie, vers 1480), « Le froit vint au mey mars » (Jean Aubrion, 1483).
(Avril) « Entre le miavrill et mimoi » (Le Livre des Mestiers, vers 1270), « Tant que me-avril soit passé » (Coutume de Bretagne, vers 1320 ?), « Environ le my-avril » (Jean Le Fèvre de Saint-Remy, avant 1468), « Au mey apvril » (Aubrion, 1486), « Le mey avril » (Philippe de Vigneulles, avant 1528), mais « Environ la my-avril » (Journal d'un bourgeois de Paris, milieu du XVe siècle), « Environ la mey apvril » (Aubrion, 1482).
(Mai) « Anchois [= avant] que soit passez mis mais [Les trois derniers mots sont au cas sujet masculin] » (Li Romans de Durmart le Galois, vers 1230), « Le lundy devant le my-may » (Cartulaire de Guillaume Ier de Hainaut, 1308), « Dedens le my mai » (Archives de la ville de Lille, 1388), « Environ le mi may » (Jean Froissart, avant 1400), « Jusques au mey may » (Aubrion, 1480), « Devant le my may » (Coutumes du comté d'Artois, 1546), mais « Depuis la mi-mars jusques à la mi-may» (Ordonnance de Charles IV, 1326), « A la my-may darrenierement passé » (Registre criminel du Châtelet de Paris, 1389), « Jusques a la my may » (Le Mesnagier de Paris, 1393), « Environ la my mai » (Enguerrand de Monstrelet, avant 1453), « Jusques à la my may » (Jean de Roye, vers 1480), « A la my-may » (Le Mystère de saint Laurent, 1499).
(Juin) « A la my-juing » (Jean de Bueil, vers 1465 ; Charles Estienne, 1564), « Environ la my-juin » (Olivier de Serres, 1600), mais « Sur le my-juing » (Olivier de La Marche, avant 1502).
(Juillet) « Depuis la mi-jullet jusques a la mi-aoust » (Henri de Ferrières, avant 1377), « Entre le temps de la my jullet et de la my septembre » (Cartulaire de l'abbaye de Redon en Bretagne, 1467), mais « Entour le mi-jullet » (Enguerrand de Monstrelet, avant 1453), « Environ le my jullet » (Jean de Wavrin, vers 1470), « Au my-juillet » (Coustumes de Lens, 1509), « Au my jullet » (Charles Quint, 1540).
(Août) « Tant que a la miäost vint » (Chrétien de Troyes, Yvain, vers 1180), « Lou mecredy davant la mey awast » (Cartulaire de l'abbaye Saint-Vincent de Metz, 1226), « Apres la mi aoust » (Berte aux grans piés, vers 1250), « Entour la mi-aoust » (Jean Sarrazin, 1261), « Ja iert pres de la miäoust » (Jean Le Marchant, Miracles de Notre-Dame de Chartres, seconde moitié du XIIIe siècle), « A la feste devant la mi ost » (Ordinaire de 1287, cité par Godefroy), « Dedanz la mi aoust» (Cartulaire de Vitré, 1292), « La mi host » (Guillaume d'Apremont, 1299), « E lor dist qu'a la miäoust Soient appareillié » (Le Roman du Castelain de Coucy et de la Dame de Fayel, vers 1300), « A la my-aoust prochaine » (Registre criminel du Châtelet de Paris, 1390), « La veille de la myoust [aussi écrit myaoust] » (Le Mesnagier de Paris, 1393), mais « De si que près le miäust » (Ambroise, L'Estoire de la guerre sainte, vers 1196), « Le venredi après le mi aoust » (Archives du Conseil de Flandre, 1271), « En le mi aoust » (Froissart, avant 1400), « Au mey aost » (Aubrion, 1480), « Dès le mioust » (Herman van der Heyden, 1648).
(Septembre) « Jusques la my septembre » (Le Mesnagier de Paris, 1393), « Depuis la mi septembre jusques à la mi mars » (Hector de Chartres, vers 1400), mais « Depuis Paisques jusques au mey septembre » (Aubrion, 1499), « Au mey septembre » (Philippe de Vigneulles, avant 1528).
(Octobre) « Depuis le moys dapvril jusques au my octobre » (Wavrin, vers 1470), mais « En la my octobre » (Pierre Garcie Ferrande, 1483), « Environ la my-octobre » (Blaise de Monluc, avant 1577).
(Novembre) « Depuis la my-aoust jusques a la my-novembre » (Chronique dite de Jouvenel des Ursins, milieu du XVe siècle), « Vers la my-novembre » (Jean Liébault, 1570), mais « Environ le my-novembre » (Jean-François Le Petit, 1601).
(Décembre) « Sur le my-decembre environ » (Georges Chastelain, vers 1470), mais « En la my decembre » (Pierre Garcie Ferrande, 1483), « Depuis la my decembre » (Charles Estienne, 1564). (1)
Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir les spécialistes prendre position, majoritairement en faveur du féminin :
« Les noms des mois en composition sont feminins : la mi-aoust, la mi-septembre, etc. Item ceux-cy : la S. Michel, la S. Remy, la S. Jean, où le mot de feste est sous-entendu » (Antoine Oudin, Grammaire françoise, 1632).
« On dit à la my-aoust, quoy qu'aoust soit masculin, [parce qu'] on sous-entend un mot féminin, qui est feste, comme qui diroit à la feste de my-aoust. [Je croirois que] à la my-aoust a esté cause que l'on a dit ainsi de tous les autres mois, à la my-may, à la my-juin, etc. » (Vaugelas, Remarques sur la langue françoise, 1647).
« Il faut tousjours dire [...] le my-juin, le my-aoust, et ainsi des autres où le nom qui suit my est masculin ; encore que je ne veüille pas condamner en autruy la my-juin, la my-aoust, etc. afin de laisser chacun dans la liberté du langage » (Scipion Dupleix, Liberté de la langue françoise dans sa pureté, 1651).
« Quand cette particule [mi] se joint avec [...] les noms des mois, [alors ces noms] ne reçoivent que l'article féminin, quoy que tous soient masculins. Nous avons passé la mi-mai » (première édition du Dictionnaire de l'Académie, 1694).
« On dit la mi-mars, la mi-mai, la mi-juin, etc. non pas le mi-mars, le mi-mai, le mi-juin » (Grammaire artésienne, 1772).
Venons-en à la justification de ce féminin. L'argument de l'ellipse du mot fête, on le voit, ne date pas d'hier ; il est pourtant loin de faire l'unanimité : l'Académie le passe sous silence, et si Oudin l'invoque, c'est à propos des noms de fête, pas des noms de mois en composition. Aussi ne s'étonnera-t-on pas de voir le grammairien Scipion Dupleix mettre les points sur les (m)i : « C'est une pure resverie d'avancer que nous disons à la my-aoust, parce que l'on sous-entend feste, qui est l'Assomption nostre-Dame. Car jamais on ne sous-entend feste en général, mais on exprime son nom propre : comme à la Noël, à la Sainct Jean, à la Toussains, qui est autant à dire qu'à la feste de Noël, à la feste de Sainct Jean, etc. » Voilà Vaugelas rhabillé... jusqu'à la mi-décembre. Sans doute la prudence aurait-elle commandé de présenter mi-août comme une expression formée de longue date sur le modèle des noms de fête − ne lit-on pas dans Le Roman en prose de Lancelot (vers 1218) : « Ce estoit a Pasques, a l'Encension, a Pantecoste, a la feste Toz Sainz et a Noel [...] com a la Chandelor, a la Miaost » ? − qui, eux, ont reçu le genre féminin en raison du nom fête sous-entendu.
Fête, au demeurant, n'est pas le seul mot que l'on a cru pouvoir rétablir : « Dans [la mi-mai, la mi-août], il existe une ellipse, lit-on dans le Nouveau Dictionnaire grammatical (1808) de Charles-Pierre Chapsal. C'est comme s'il y avait : l'époque appelée mi-mai, l'époque appelée mi-août. » (2) Kristoffer Nyrop ne paraît pas mieux inspiré en supposant, de son côté, « une influence de la mienuit » − mi, emprunté du latin medius, ayant été à l'origine un adjectif signifiant « qui se trouve au milieu (dans l'espace ou le temps) » et s'accordant régulièrement en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte (3). D'autres spécialistes sont d'avis, au contraire, que mi est ici « l'ancien substantif employé pour moitié [...] et qu'ainsi la mi-mai, la mi-août sont dits pour la moitié de mai, la moitié d'août » (Louis-Nicolas Bescherelle, 1846 [4]). C'est oublier un peu vite, me semble-t-il, que ledit emploi substantivé de mi est donné comme masculin dans tous les dictionnaires d'ancienne langue, avec le sens de « milieu » : « Vertus est en prendre le mi » (Brunetto Latini, vers 1265, cité par Godefroy), « Jusques au mi du dimenche » (Le Livre de la division de nature, vers 1340), « Environ le my de septembre » (Froissart, avant 1400), « Au my de la place » (Le Mystère de saint Sébastien, seconde moitié du XVe siècle, cité par le Dictionnaire de moyen français), « [Il] le va racontrer au my du peuple » (L'Ystoire des sept sages, 1492), « Le Commencement, Le My, la fin » (Le Testament d'un amoureux, vers 1500, cité par Huguet), et encore en français moderne : « Vous serez de retour à Eutin pour le mi de may » (Mme de Staël, 1804) (5). Tout cela, vous en conviendrez, n'est guère convaincant.
Quid des autres composés en mi ? La question n'en finit pas de diviser les spécialistes. Féraud soutient qu'ils sont « du même genre que le mot [déterminé], excepté mi-carême » (Dictionnaire grammatical, 1768), quand Hanse et Thomas les donnent tous féminins (6). Ce qui ne fait guère de doute, à y regarder au mi- croscope, c'est qu'il en va des noms d'époque et de saison comme des noms de mois : le genre de leurs composés a longtemps été hésitant, avant de se fixer au féminin.
(Carême [7]) « La mi quaresme » (Renaut Barbou, 1270), « Le lundy après de la miequaresme » (Archives de Luxembourg, 1302), « Le jour de la Mikaresme » (Chartes de l'abbaye de Saint-Magloire, 1330), « La mi-karesme » (Compte de l'argenterie d'Étienne de la Fontaine, 1352), « La mey caresme » (Les Chroniques de Metz, vers 1525), « Environ la mi-Caresme » (François de Belleforest, 1579), « Jusqu'à la fin de la mi-carême » (Mérimée, 1845), « Le jeudi de la mi-carême » (frères Goncourt, 1860), « C'était à l'occasion de la mi-carême » (Maupassant, 1890), mais « Le joydi devant le mi quaresme » (Cartulaire de Guillaume Ier de Hainaut, 1306), « Entre le micoiresme et Pasques » (Archives du Nord, 1361), « Depuis le my quaresme » (Comptes de la ville de Tournai, 1397), « C'estoit environ le miquaresme » (Froissart, avant 1400), « Dedans le mi-caresme » (Nicolas de Baye, 1406), « Le mey caresme » (Aubrion, 1482), « Vendredi après le Miquaresme » (Les Evangiles et epistres des dimences et festes, 1587).
(Printemps) « De la my hyver jusques a la my printemps » (Antoine Pierre, 1544), « Jusqu'à la mi-printemps » (Pesquidoux, 1922), « Dès la mi-printemps jusqu'à la mi-automne » (Claude Farrère, 1952), « À la mi-printemps » (Philippe de La Genardière, 1987), mais « Depuis le my printemps » (Le Regime tresutile pour conserver la santé, 1491), « Environ le my-printemps » (Antoine du Pinet, 1562), « Avant le mi-printemps » (Christophe de Bonours, 1628), « [Le] temps passé à cheval sur le mi-printemps mi-été » (Lucien Maulvault, 1939), « Du mi-printemps à la fin de l'été » (Valérie Garnaud, 2020).
(Été) « A la my-esté » (Chronique de Pierre de Langtoft, début du XIVe siècle), « La my esté » (Robert Estienne, 1549), « Mi-esté, féminin » (Randle Cotgrave, 1611 ; Tresor des deux langues françoises et espagnolle, édition de 1660), « Nous sommes à la mi-été. La mi-été est passée » (Richelet, 1680), « La mi-été » (Kristoffer Nyrop, 1908), « Leur cueillette de la mi-été » (Charles Maurras, 1931), « Dès la mi-été » (Maurice Couturier, 2004), mais « Des le my-esté » (Philippe des Avenelles, 1559), « Environ le mi-esté » (Johannes Polyander, 1602), « Vers le mi-été » (L'Horticulteur belge, 1834), « La lune du mi-été » (Jonathan Fruoco, 2017), « Ce mi-été 2021 » (Jean des Cars, 2023).
(Automne [7]) « La my automne » (Philippe des Avenelles, 1559 ; Thomas de Fougasses, 1608), « Jusqu'à la my-autonne » (Belleforest, 1579), « Vers la mi-automne » (Pierre-Joseph Buc'hoz, 1771), « La mi-automne » (Restif de La Bretonne, 1782), « De la mi-automne à la mi-printemps » (Pesquidoux, 1925), « À la mi-automne » (De Gaulle, 1959), mais « Avant le mi-automne » (Bonours, 1628), « À ce mi-automne » (Libération, 1951).
(Hiver) « La my yver » (Robert Estienne, 1538), « Jusques à la my-hiver » (Liébault, 1577), « Le repos forcé de la mi-hiver » (Charles-Alfred Alexandre, 1863), « La mi-hiver » (Pesquidoux, 1958), « Une grande fête païenne de la mi-hiver » (Alain Rey, 2010), mais « Vers le my-yver » (Antoine du Pinet, 1562), « Le 21 juin étant le mi-hiver » (Jean-Robert Petit, 2017).
Goosse pense que c'est encore sur le modèle de la mi-août que l'on a formé « en termes de sports la mi-temps (calque de l'anglais half time), ainsi que à la mi-parcours (Jacques Isnard, 1976) et des emplois occasionnels, la mi-XVIIIe siècle (Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, 1979), etc. ». C'est une fois de plus aller bien vite en besogne − j'allais écrire : traiter le sujet par-dessous la (mi-)jambe.
Prenons le cas de mi-temps. D'une part, Goosse oublie de préciser que c'est le masculin demi-temps (8) qui a d'abord servi de traduction à l'anglais half time, dans le monde du travail : « Le demi-temps » (Jacques Matter, De l'éducation des enfants des classes ouvrières, 1857), « [Les élèves] passent de l'atelier à l'école et de l'école à l'atelier. C'est le système du half time ou demi-temps, qu'on pourrait appeler la demi-éducation » (Louis Reybaud, L'Instruction primaire en Angleterre, 1863), « Travailler au demi-temps » (Annales de l'Assemblée nationale, 1874), avant d'être concurrencé par mi-temps (rare dans cet emploi avant le début du XXe siècle) : « Le travail à mi-temps » (Dr Blachez, 1873), « [Salaire des] enfants à mi-temps » (Charles Grad, 1880), « Travailler à mi-temps » (Félix Fenouillet, Monographie du patois savoyard, 1903) et, par ellipse du mot travail, « Le mi-temps dans les services mécanisés » (Revue du travail, 1937).
D'autre part, force est de constater que mi-temps, comme terme de sport, a connu à ses débuts les mêmes hésitations de genre observées avec la plupart des noms masculins joints à mi. Je n'en veux pour preuve que ces quelques exemples : « Après la mi-temps » (La Revue des sports, 1888), « La mi-temps » (Georges de Saint-Clair, Jeux et exercices en plein air, 1889), mais « Avant le mi-temps » (La Revue des sports, 1891), « Entre les deux parties, on fait un repos, le mi-temps » (Louis Marin, La Science illustrée, 1892). Et si le féminin a fini par s'imposer dans les vestiaires (9), c'est, semble-t-il, le masculin qui tient la corde hors contexte sportif : « Au mi-temps de ce mois » (Augustin Filon, 1889), « Au mi-temps du mois d'août » (Jean-Jacques Gautier, 1945), « [Il] s'assit dans le mi-temps » (Jacques et François Gall, 1966), « Dans le mi-temps de sa vie » (Jean Cayrol, 1968), « Dans le mi-temps de son lit [celui de la comtesse de Loynes] » (Hubert Juin, 1972), « C'est le mi-temps du Carême » (Anne-Marie Le Bourg-Oulé, 1996), « Au mi-temps de cette première journée » (Michel Peyramaure, 2017), « Au mi-temps de l'entre-deux guerres » (René Gallissot, 2000), à côté de « À la mi-temps du siècle dernier » (Florence Delay, 2019). Parti pris d'archaïsme, l'intéressé étant attesté de longue date au masculin avec le sens de « temps intermédiaire d'une date à une autre » (selon Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort) : « Pierre sera fourclos, s'il ne fournist de reponse dedans mi-temps de l'assise prochaine » (Coutumes de Beauvaisis, fin du XIIIe siècle, cité par Roquefort), « Au my temps du terme » (Nicolas de Lescut, 1543), « Au my-temps de mes jours » (Jean De Cartigny, 1557), « Environ le my-temps de sa presche » (L'Histoire ecclesiastique de Nicefore, 1567), « Le mitemps de l'eclipse estoit au 24 de janvier » (Cosmographie, édition de 1581), « Au my-temps de leurs delices » (Pierre Davy, 1593), « Au mi-temps du sermon » (Adrian Damman, 1597), « Avant le mi-temps » (Jean-Aimé de Chavigny, 1603) ? Ou confusion orthographique avec le nom masculin vieilli mitan (« milieu ») : « Au mitan de la route. Dans le mitan du lit. Le mitan de la journée » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie) ? Je donne ma demi-langue au chat...
De même :
(Chemin) « Environ le michemin de Tenremonde et de Gand » (Histoire du bon chevalier messire Jacques de Lalain, vers 1470), « Depuis le my-chemin » (Coutumes de la ville de Lyevin, 1507), « Son my chemin avoit plus qu'achevé » (Clément Marot, 1543), « Presque sur le mi-chemin » (Denis Sauvage, 1555), « Le bois, qui est situé au mi chemin desdites deux villes » (Martin du Bellay, Mémoires, édition posthume de 1569), « Orléans est le mi-chemin de Tours » (Dictionnaire de Furetière, 1690), « Le mi-chemin » (Henri Blieck, Nouvelle Grammaire française, 1862), « L'algèbre n'est que le mi-chemin du sujet » (Alain Badiou, 1982), « Prendre le mi-chemin » (Michèle Manceaux, 1989), « Cet autre mi-chemin » (Bernard-Henri Lévy, 2010), mais « Dés la my chemin » (François de Bassompierre, 1665), « Nous sommes à la mi-chemin » (Dictionnaire de Richelet, 1680), « Nous ne sommes qu'à la mi-chemin de notre païs » (Recueil des voiages tartaresques, 1729), « Alors même il ne seroit pas encore à la mi-chemin » (Louis-François Jauffret, 1807), « La mi-chemin entre Herm et Saint-Pierre-Port » (Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866 ; on trouve le dans certaines éditions), « Dès la mi-chemin » (Simenon, 1980), « Vers la mi-chemin » (Jean-Paul Colin, 2016).
(Parcours) « Vers le mi-parcours » (La France chevaline, 1901), « Au mi-parcours » (Charles-Maurice de Vaux, 1909), « L'homme du mi-parcours » (Christian Charrière, 1982), « Au mi-parcours du siècle » (André Brincourt, 1997), « Déjà le mi-parcours ! » (Jean-Louis Gouraud, 2012), mais « Peu après la mi-parcours » (Le Petit Journal, 1905), « La mi-parcours » (Hanse, 1983), « Vers la mi-parcours » (Roger Béteille, 2016).
(Siècle) « Dès le mi-XVIIIe siècle » (Histoire de la France religieuse, 1991), « Cette tranche chronologique faisant le pont entre le mi-XIXe siècle et le mi-XXe siècle » (Pierre Saint-Arnaud, 2003), mais « Jusque vers la mi-XXe siècle » (Pierre Manent, 2003), « À la mi-XXe siècle » (Dictionnaire des idées et notions en sciences de la matière, 2019). (10)
N'est, du reste, sans doute pas étranger à la confusion ambiante le fait que la plupart desdits composés sont surtout employés sans article dans des locutions adverbiales avec la préposition à : à mi-chemin, à mi-parcours, à mi-temps, à mi-bras, à mi-corps, à mi-mollet, etc.
Vous l'aurez compris : toutes les conditions sont réunies pour que l'usage hésite encore longtemps entre le genre du nom déterminé et celui de mi, perçu plus souvent qu'à son tour « comme étant un succédané [féminin] de la moitié » (André Thérive, Querelles de langage, 1940). Allez vous étonner, après cela, que nos chères têtes blondes et brunes ne soient guère pressées de reprendre le chemin de l'école − pas même le (?) mi-chemin...
(1) Signalons également l'existence de variantes avec demi : « Avant demy avril jusques à demy may » (Ordonnance de Philippe le Bel, 1291), « Le jour Nostre Dame a demi houst » (Chartes de Saint-Lambert à Liège, 1332), « Depuis la Chandeleur jusques au demy may » (Ordonnance de Charles Quint, 1541), « Vers la demy-janvier » (Blaise de Monluc, avant 1577) et avec moyenne (« milieu », spécialement « échéance fixée au milieu du mois ») : « En la moyenne de may » (Jean de Châtillon, 1390), « Environ le moyenne de mai » (Froissart, avant 1400), « La moienne de mars » (Jean de Wavrin, vers 1470).
(2) Pourquoi ces noms composés ne seraient-ils pas masculins par ellipse du mot temps ou du mot jour, par exemple ? ne manqueront pas de s'interroger les esprits mi-sérieux, mi-moqueurs. On pourrait également supposer l'ellipse du mot mois : le mi-juin pour « le my mois de juing » (Jean de Wavrin, vers 1470)... si le féminin ne se tenait pas là encore en embuscade : « La my-mois de septembre » (Jean Boutillier, avant 1395).
(3) « Comme media nox en latin, précise Goosse, mie nuit est en ancien français un syntagme nominal féminin, parfois écrit mienuit » : La mienuit (Béroul, Le Roman de Tristan, vers 1170), Endroit [= vers] la mie nuit (Villehardouin, vers 1208), Devant la mie nuit (Amadas et Ydoine, XIIIe siècle). « Le masculin, sporadique au XVIe siècle [mais attesté au tournant du XVe siècle chez Froissart et chez Fusoris], triomphe au XVIIe siècle, soutenu par Vaugelas. Il est favorisé à la fois par la graphie minuit, qui date du [XIVe siècle] et se généralise au XVIe siècle, par le rapport avec midi [latin medius dies], figé beaucoup plus tôt, et par l'évolution sémantique [d'une indication vague correspondant au milieu de la nuit à une heure précise]. »
(4) Et avant lui : « On dit la mi-mars, la mi-avril, etc. Mi, en cet endroit, signifie moitié, et c'est comme si on disoit la moitié de mars, la moitié d'avril » (Pierre de La Touche, L'Art de bien parler françois, 1696), « À la mi-août, c'est-à-dire à la moitié du mois d'août » (César Chesneau Dumarsais, article « construction » de L'Encyclopédie, 1754), « La mi-mai, la mi-août, la mi-carême sont dits pour la moitié de mai, la moitié d'août, la moitié du carême » (François Noël, Philologie française, 1831).
(5) Les exemples au féminin sont rares : « A la my du mois de febvrier jusques à la my de mars » (Les Chroniques de Metz, vers 1525), « A la my d'aoust » (Isodoro Lanfredini, Nouvelle Méthode pour apprendre la langue italienne, édition de 1680).
(6) « S'il [= mi] forme un nom composé, celui-ci est féminin : la mi-carême, la mi-août, la mi-été, la mi-temps » (Hanse, Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicales, 1949), « À noter que les noms composés de mi sont féminins » (Thomas, Dictionnaire des difficultés de la langue française, 1971). Avec une formulation plus restrictive : « Les composés en mi qui désignent un moment sont toujours féminins » (Girodet), « Devant un substantif désignant une tranche de temps, mi donne toujours le féminin au mot composé » (Jean-Paul Colin).
(7) Les cas de Mi-Carême (que le Dictionnaire de l'Académie écrit avec deux majuscules) et de mi-automne sont moins intéressants, car carême (du latin quadragesima [dies], féminin) et automne (mot à initiale et finale vocaliques) ont connu les deux genres.
(8) Allez comprendre pourquoi, il semble que les composés en demi soient, eux, toujours du même genre que le nom déterminé : un demi-aveu, un demi-cercle, un demi-dieu, un demi-échec, un demi-litre, un demi-siècle, un demi-soupir, un demi-ton, un demi-tour, mais une demi-douzaine, une demi-finale, une demi-heure, une demi-journée, une demi-lieue, une demi-pomme, une demi-portion, une demi-réussite... C'est peut-être ce qui explique que le genre des noms où mi entre en concurrence avec demi soit mieux fixé : un (de)mi-mot, un (de)mi-sommeil.
(9) On trouve encore le masculin au milieu du XXe siècle : « Le dernier [match de football] Paris-Vienne, dont il joua un mi-temps » (Le Figaro, 1948), « Durant le mi-temps des permutations seront opérées » (L'Aurore, 1949).
(10) Et aussi : « Le mi-bras ou moitié de la Seine » (Adolphe Joanne, 1878), mais « Depuis le poignet jusqu'à la mi-bras » (Journal de chirurgie, 1920) ; « Le buste, le mi-corps ou le corps tout entier » (Maurice Vaucaire, 1903), mais « La boue lui montait jusqu'à la mi-corps » (Albert Bonneau, 1935) ; « [Le] palier qui marquait la mi-étage » (Yves-Gérard Le Dantec, 1946), mais « Le mi-étage ne suffirait pas » (Olivier Duhamel, 2019) ; « Au mi-flanc heureux d'une colline » (Albert Thibaudet, 1923), mais « À la mi-flanc est une tour en ruine » (Marie Mauron, 1957) ; « On ne voyait guère plus haut que le mi-mollet » (Queneau, 1947), mais « Jusqu'à la mi-mollet » (Jacques Perret, 1947) ; « Résultats obtenus [...] à la mi-projet » (Jean-François Duranton, 1974), mais « Passer le cap du mi-projet » (Francesca Musiani, 2017) ; etc.
Remarque : En français moderne, mi se joint au mot qui suit (nom, adjectif, plus rarement verbe) par un trait d'union et reste invariable : la mi-journée, des cheveux mi-longs, mi-partir (« partager en deux moitiés »). Il s'emploie parfois dans la langue littéraire comme adverbe avec le sens de « à moitié... à moitié » : « Mon père devait assister, mi par courtoisie, mi par curiosité, à un après-midi du colloque » (Malraux, 1967).
Ce qu'il conviendrait de dire
La même chose.