« Mais il y avait eu le CPE, la révolte des jeunes, une très mauvaise gestion de la crise, le lâchage de Chirac, et, au fond, plus que tout, une espèce de nonchalance méprisante de Villepin qui voulait bien se coltiner avec les réalités, mais pas avec la piétaille. »
(Thierry Desjardins, dans son livre Sarkozy, ses balivernes et ses fanfaronnades, 2009.)
Ce que j'en pense
Sans doute s'agit-il là d'une allusion à la sortie de route, restée fameuse, d'un ancien Premier ministre à l'attitude un tantinet collet monté : « Un gouvernement qui veut avancer, c'est un gouvernement qui se coltine avec les difficultés ». Il n'empêche, la formule mériterait à tout le moins d'être assortie de guillemets, tant elle va à l'encontre du bon usage.
Certes, les paronymes coltiner et colleter ont une étymologie commune : coltiner (« porter à la manière des coltineurs », d'où « porter de lourdes charges »), qui s'est d'abord écrit colletiner, est formé à partir de coltin, « chapeau de cuir dont les larges bords protègent le cou et les épaules », dérivé de collet, lui-même à l'origine de colleter (« saisir quelqu'un au collet pour lui faire violence »). Pour autant, les deux verbes ne sauraient être confondus, tant ils diffèrent par le sens et la construction : à la forme pronominale, se coltiner se dit dans la langue familière pour « être aux prises avec un travail pénible » (d'aucuns lui préfèrent « se farcir »...), quand se colleter, suivi de la préposition avec, s'emploie au sens de « se battre, se confronter, lutter », au propre comme au figuré. On se coltinera donc un déménagement, la vaisselle, le sale boulot, des valises, éventuellement un fanfaron ou un bavard débiteur de balivernes (encore que l'Académie réserve ledit verbe aux seules choses), mais on se collettera (ou collètera, selon la graphie réformée) avec un agresseur, avec un rival, avec une difficulté, avec la langue.
De là à ce qu'un cow-boy écossais se collette avec sa femme Colette, parce qu'elle refuse de se coltiner le repassage de son kilt et le nettoyage de son colt...
Remarque : La faute a été repérée sous la plume de l'académicien Marc Lambron : « [Il] semblait avoir le goût de se coltiner avec les méchants » (La Princesse et le pangolin, 2020).
Ce qu'il conviendrait de dire
Il voulait bien se colleter avec les réalités, mais pas avec la piétaille.