Contrairement à toute logique, le verbe rouvrir (« ouvrir de nouveau ») a pour substantif dérivé réouverture (et non rouverture)... alors que le verbe réouvrir n'est pas reconnu par l'Académie ! Mais c'est ainsi : l'usage veut que l'on condamne réouvrir / réouvert ainsi que rouverture.
Le théâtre ne rouvrira pas avant la saison prochaine.
La plaie s'est rouverte. Il a rouvert les yeux.
Il est satisfait de voir rouvert le débat sur ce sujet.
La réouverture d'un théâtre, d'un magasin, d'un cinéma, des débats.
Remarque 1 : Cette bizarrerie de la langue s'explique selon toute vraisemblance par le fait que le verbe est de formation populaire, et le substantif, d'inspiration savante. D'après La Lettre du CSA n° 235 (février 2010), la forme reouvrir, attestée dès le XIe siècle, se prononçait sans faire sonner le e, qui a fini par s'élider pour laisser place à rouvrir. Selon d'autres sources (Tobler-Lommatzsch, TLFi), le verbe serait directement apparu, au milieu du XIIe siècle, sous la forme élidée rovrir. Le mot réouverture, quant à lui, a été formé plus récemment (au XVIIIe siècle, après une attestation isolée chez Olivier de Serres en 1600), sur le modèle des mots savants directement empruntés du latin (réception, régénération...).
On notera, par ailleurs, que la variante orthographique r'ouvrir, attestée du XVIe au XVIIIe siècle environ, a pu entraîner une confusion avec la forme accentuée. Comparez : « [La porte] du Temple refaite et r'ouverte » (Le Grand Dictionnaire historique citant François Eudes de Mézeray, édition de 1683) et « [La porte] du Temple refaite et réouverte » (Ibid., édition de 1692).
Remarque 2 : N'en déplaise aux grammairiens et aux lexicographes qui tiennent réouvrir pour un barbarisme, force est de constater que l'intéressé s'est glissé (par mégarde ?) chez de bons écrivains : « Ma porte d'entrée que je n'avais pas pensé à réouvrir après l'avoir fermée » (Stendhal, 1811), « [La porte] n'avait pas été fermée ou avait été réouverte » (Gaston Leroux, 1912), « Encore moins me garderai-je [...] de réouvrir le procès de la Sorbonne germanisée » (Henri Massis, 1920), « La séance est réouverte » (Pierre Benoit, 1948), « Si il va les [= les boutiques] faire réouvrir ! » (Céline, 1957), « [...] réouvrant la porte vitrée de l'épicerie » (Ionesco, 1959), « Il s'agit [...] non seulement de soigner un corps défaillant, mais de lui ré-ouvrir [sic] le monde entier » (Jean-Luc Marion, 2020).
Remarque 3 : Selon Knud Togeby, « réouvrir peut se dire seulement à propos d'un établissement faisant une réouverture, après une fermeture temporaire » (Grammaire française, parue en 1985). Voilà une position bien singulière !
Remarque 4 : La règle veut que le préfixe re- (marquant notamment la répétition ou l'insistance, mais aussi le rétablissement d'un état de choses antérieur) se maintienne devant une consonne ou un h aspiré (recommencer, redire, rehausser, remettre, etc.) mais devienne r- devant une voyelle ou un h muet (raccrocher, rajuster, rapprendre, rattraper, récrire, rentrer, rouvrir, rhabiller, etc.) et res- devant certains mots commençant par s (ressaisir, ressortir, etc.). La tendance actuelle − vraisemblablement pour des raisons de netteté et d'euphonie − à donner une signification itérative aux verbes relevant du second cas en les faisant précéder de ré- au lieu de r- (réapprendre / rapprendre ; réassortir / rassortir ; réemployer / remployer) entraîne souvent l'utilisation de la graphie critiquée réouvrir.
On notera que les mots formés avec ce préfixe (et ses variantes) ne prennent pas de trait d'union.
La police américaine a annoncé en novembre 2011 qu'elle allait
rouvrir l'enquête sur la mort de l'actrice Natalie Wood.
(photo Wikipédia sous licence GFDL by Allan Warren)