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Rien (de) moins que

Pendant longtemps, la locution rien moins que fut employée dans un sens aussi bien positif que négatif, selon le contexte (*). Ce n'est que depuis 1935 que l'Académie recommande de faire la distinction entre ne... rien moins que, qui signifie « nullement, en aucune façon » (valeur négative), et ne... rien de moins que, qui signifie « bel et bien, véritablement, tout à fait » (valeur positive).

Comparez :

Il n'est rien moins que futé (= il n'est aucunement futé, il n'est en rien futé).

Il n'est rien de moins que futé (= il est tout à fait futé).

Une soirée qui n'est rien moins que réussie (= une soirée ratée).

Une soirée qui n'est rien de moins que réussie (= tout à fait réussie).

Force est de constater que cette distinction est loin d'être toujours observée, même par d'excellents écrivains (Proust, pour ne citer que lui). Sans doute en raison de la trop grande similitude des deux formes. Aussi semble-t-il préférable d'éviter ces « fausses élégances » qui, si elles ne sont pas impeccablement maîtrisées, ont tôt fait de semer la confusion, en signifiant une chose et son contraire...

 

Astuce

Moyen mnémotechnique : la formule la moins longue (ne... rien moins que) a un sens négatif (-), tandis que celle la plus longue (ne... rien de moins que) a un sens positif (+).


(*) On lit ainsi dans la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie : « Rien moins que a d'ordinaire le sens négatif et signifie "tout plus que, nullement, en aucune façon" [...]. Cependant, suivi d'un substantif ou d'un verbe, il est quelquefois employé dans un sens positif et signifie alors "véritablement". Le reste de la phrase doit déterminer le sens dans lequel est prise cette locution. Vous lui devez de la reconnaissance, car il n'est rien moins que votre bienfaiteur, Il est véritablement votre bienfaiteur. Vous pouvez vous dispenser de reconnaissance envers lui, car il n'est rien moins que votre bienfaiteur, Il n'est pas du tout votre bienfaiteur. Vous le croyez votre concurrent ; il a d'autres vues : il n'aspire à rien moins qu'à vous supplanter, Il n'est point votre concurrent. Vous ne le regardez pas comme votre concurrent ; cependant il n'aspire à rien moins qu'à vous supplanter, Il est votre concurrent. Dans le premier sens, Il n'aspire à rien moins qu'à vous supplanter veut dire : Vous supplanter est la chose à laquelle il aspire le moins ; et dans le second sens, Il n'aspire à rien moins qu'à vous supplanter signifie : Il n'aspire pas à moins qu'à vous supplanter. Pour éviter toute équivoque, il est bon de réserver l'emploi de Rien moins que au sens négatif qui se justifie mieux ; et dans le sens positif, il convient de l'éviter et de se servir de préférence de Rien de moins que, qui s'explique parfaitement. »

Séparateur de texte


Remarque 1
: Vous l'aurez compris, l'hésitation porte essentiellement sur la valeur de rien moins que suivi d'un substantif ou d'un verbe (rien moins que suivi d'un adjectif semble toujours avoir un sens négatif et « rien de moins que "nullement" est rarissime », confirme Grevisse). Selon la linguiste Marie-Ève Damar, dont les travaux (2006) ont été portés à ma connaissance par une certaine Mariam que je remercie ici, le sens de rien moins que dépendrait surtout du caractère « adjectivable, gradable, comparable » du syntagme nominal qui suit. Comparez [!] : « [Il] n'était rien moins qu'un homme léger, et n'admettait dans sa maison que des gens de lui bien connus » (Stendhal ; la comparaison porte sur l'adjectif léger), « Je suis un homme très pauvre, et rien moins qu’un millionnaire » (Hugo ; le nom millionnaire est « proche de l'adjectif »), où le sens est négatif, et « La peine applicable à mon crime n’était rien moins que la peine capitale » (Chateaubriand), « Ce n’était rien moins que l’honorable Gordon Spilett » (Verne), où le sens est positif.
Est-il besoin de préciser que les exemples donnés dans la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie viennent contredire cette théorie... ?

Remarque 2 : Selon l'Académie, ne est de rigueur dans ces constructions. Toutefois, reconnaît-elle dans la neuvième édition de son Dictionnaire, « Rien de moins ou Rien moins s'emploient aussi, sans négation, avec une valeur ironique, dans le sens de "pas moins", pour souligner l'extravagance d'une demande, d'une prétention. Il se prend pour un héros, rien de moins ou rien moins ».

Remarque 3 : Dans la construction rien de + adjectif, l'épithète s'accorde au masculin singulier avec le pronom indéterminé rien auquel il se rapporte.

Cette tenue n'a rien de négligé (et non rien de négligée).
Votre réponse n'a rien de spontané.

Rien (de) moins que

 

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P
Euh... Pas vraiment ! La perspicacité dont fait preuve ici Littré échappe à l'usager moyen que je suis. A moins que la question ne se résume à l'image du verre d'eau que Littré verrait à moitié vide, au contraire de mon sentiment. Ce qui expliquerait la liberté d'autrefois (pour ne pas dire hésitation) dans l'emploi de ladite locution.<br /> Bref, fausse élégance, je me range à cet avis. Merci pour ce billet.
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M
Les explications de Littré vous convaincront-elles davantage ? "Il n'est rien moins que sage veut dire proprement : "il n'est aucune chose moins que sage", en d'autres termes : "de toutes les choses qu'il est, celle qu'il est le moins, c'est sage". Cette locution est essentiellement négative, et ne peut pas être autre chose. Rien moins ne peut pas dire "chose moindre", pas plus que rien plus ne veut dire dit "chose plus grande". Il paraît donc qu'il faut dans tous les cas conserver à rien moins sa signification négative ; et, quand on voudra le sens positif, on emploiera rien moindre ou rien de moins."
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P
Je n'arrive pas à me convaincre que la locution ne... rien moins que ait un sens négatif. Doit-on se contenter de l'admettre ?Faut dire que je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement suivant :Il n'est rien moins que futé (= il n'est pas futé).Il n'est pas moins que futé (= il est futé, non ?).
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