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Renoncer en bonne et due forme

« Le renoncement du président ou la défaite de la communication politico-médiatique » (à propos de François Hollande, photo ci-contre).
(Arnaud Benedetti, sur lefigaro.fr, le 9 décembre 2016)

 

(photo Wikipédia sous licence GFDL par Jean-Marc Ayrault)

 

 FlècheCe que j'en pense


Nombreux sont les sites de langue à s'être récemment intéressés, après la décision surprise du président Hollande de ne pas être candidat à sa propre succession, à la différence sémantique entre renoncement et renonciation. C'est que, si les deux termes désignent l'action de renoncer, ils ne s'emploieraient pas dans les mêmes contextes. Comparez : le renoncement aux plaisirs de la vie, au confort, aux honneurs, à la vanité, au monde, à soi-même, mais la renonciation à un héritage, au trône, à une fonction, à une charge. Renoncement, nous dit-on, serait réservé aux domaines de la morale et de la religion, quand renonciation ressortirait surtout au droit et aux affaires (Littré, Académie, Hanse, Girodet, Thomas) ; le premier impliquerait une idée d'abnégation, d'ascèse, de détachement (Hanse, Larousse), quand le second serait synonyme d'abandon (Larousse) ; l'un s'appliquerait à une réalité non matérielle ou à une catégorie vaste de réalités matérielles, quand l'autre se dirait d'une chose matérielle ou précise (Girodet, Thomas) ; renoncement, enfin, serait une disposition intérieure, quand renonciation marquerait une action extérieure (les spécialistes du XIXe siècle, à la suite de Nicolas Beauzée). Avouez que l'on a fait plus simple pour distinguer deux paronymes...

Le malaise, au demeurant, ne date pas d'hier, si l'on en croit le Dictionnaire historique de la langue française : « [Renonciation] désigne d'abord l'action de renoncer en général, en concurrence avec renoncement. Un partage des attributions entre les deux substantifs d'action aboutit à une spécialisation dans le domaine juridique (1266), dans l'expression clause de renonciation. Le nom s'employait aussi à l'époque classique (av. 1662) à propos de l'action de renoncer spirituellement et moralement, sens assumé aujourd'hui par renoncement (*). » Devant tant de revirements arbitraires, un étymologiste renoncerait à y retrouver son latin... L'Académie elle-même entretient le trouble en n'hésitant pas à écrire dans la dernière édition de son Dictionnaire : « Renoncement à ce qu'on est en droit d'exiger de quelqu'un » (à l'entrée « remise ») et « Pauvreté évangélique, renonciation volontaire aux biens matériels » (à l'entrée « pauvreté »). Preuve, s'il en était besoin, que la répartition des rôles entre les deux termes n'est pas aussi nette qu'on voudrait nous le faire croire.

Quant à l'usager lambda soucieux de renoncer à un projet, à une opinion dans un français aussi correct que courant, gageons qu'il aura bien du mal à se déterminer entre la position d'un Hanse ou d'un Girodet, qui préconisent dans ce cas le recours à renonciation, et celle d'un Littré qui laisse le choix en ces termes : « Dans les emplois généraux où il s'agit simplement de l'action de renoncer, renonciation et renoncement se prennent facilement l'un pour l'autre » − Fénelon ne parlait-il pas de « renoncement à une opinion », Madame de Staël et Gide de « renoncement au voyage », Chateaubriand de « renoncement à un espoir de postérité », Michel Onfray de « renoncement au projet de jeunesse » ? Partant, fallait-il écrire renoncement ou renonciation dans l'affaire qui nous occupe ? Dans la mesure où François Hollande ne s'était pas encore officiellement déclaré candidat à la primaire de la gauche, il renonce simplement à une idée, à un projet, non pas à une charge (puisqu'il reste président jusqu'à la fin de son mandat). Le doute est donc permis... et l'on me pardonnera de renoncer ici à le lever.


(*) Pascal écrit ainsi : « Renonciation totale et douce : soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur », là où l'usage moderne attendrait plutôt renoncement.

Remarque : Si renoncement est dérivé de renoncer (fin du XIIe siècle), renonciation (milieu du XIIIe siècle) est calqué sur le latin renuntiatio (« déclaration, annonce, publication », puis, dans la langue juridique tardive, « renonciation »).

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


La renonciation du président (selon Hanse et Girodet).
Le renoncement ou la renonciation du président (selon Littré).

 

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