« Madonna est très active sur Instagram [...]. Elle apparaît seins nus sur l'autoportrait, la anse d'un sac à main et une épaisse croix noire lui couvrant la poitrine, par respect des règles de la communauté Instagram. »
(paru sur purepeople.com, le 27 janvier 2018)
Ce que j'en pense
Un lecteur de ce blog(ue) me fait part de son agacement devant le traitement trop souvent réservé au nom féminin anse : « Cela me hérisse le poil lorsque j'entends dire dans la vie de tous les jours ou, encore mieux, par des journalistes "la anse (d'un sac)" au lieu de "l'anse". »
Hélas ! le phénomène s'observe non seulement à l'oral, mais aussi à l'écrit : « En tirant sur la anse » (L'Obs), « Un sac [porté] en bandoulière (avec la anse qui traverse le corps) » (Le Parisien), « Recouvrir tout le tour de votre mug, au ras de la anse » (Femme actuelle), « Elle porte le sac, dont la anse est une chaîne tantôt en argent, tantôt en or » (Paris Match), « On la dit en forme de anse ou de faucille » (Sud Ouest) et, dans l'acception géographique de « petite baie s'enfonçant peu dans les terres », « La anse de Pampelonne » (France Bleu). Seulement voilà : en l'absence de h aspiré à l'initiale du mot anse, issu du latin ansa (« poignée »), pourquoi diable refuser l'élision (voire, au pluriel, la liaison) avec l'article ou avec la préposition de ? On me dira que la chose n'est pas nouvelle − ne lit-on pas dans le Manuel de la conversation ou recueil complet des locutions vicieuses les plus usitées en Belgique (1831) cet avertissement resté lettre morte : « Dites l'anse du panier, et non la anse » et dans le Nouveau Glossaire genevois (1852) : « La anse d'un pot ; la anse d'une écuelle. Il faut écrire et prononcer : "L'anse" » ? (*) − et qu'on entend tout aussi fréquemment parler « du auvent »... Il n'empêche, mettre dans le même panier anse et hanche a de quoi en heurter plus de un, pardon plus d'un.
Le paronyme hanse, emprunté cette fois de l'allemand hansa (« troupe de soldats ») pour désigner, au Moyen Âge, l'association des marchands d'une région, telle qu'il s'en forma notamment dans les ports et les villes de l'Europe du Nord, peut-il être à l'origine de la confusion ? La question est d'autant plus légitime que nombreuses sont les attestations, aux XVIIIe et XIXe siècles, de la graphie « la anse teutonique » pour « la hanse teutonique » ou, absolument, « la Hanse », association de cités marchandes commerçant dans la Baltique et la mer du Nord, du XIIe au XVIe siècle : « Hanse, ou Anse selon quelques-uns » (Dictionnaire de Trévoux, 1721), « Villes anséatiques d'Allemagne ou de la anse Teutonique » (Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, 1765). L'influence d'une ancienne forme han, attestée chez Froissart (XIVe siècle) au sens de « poignée », n'est pas davantage à écarter : « [Il] prit son épée [...] et l'empoigna par les hans. » À moins qu'il ne s'agisse plus simplement d'un réflexe chez l'usager de la langue pour éviter à l'oral tout risque de méprise avec les mots lance (l'anse) et l'aisance (les anses)...
Qu'en dit (Joseph) Hanse ? me demanderont les esprits taquins. Gageons que le grammairien belge aurait invité nos contemporains à ne plus se faire prendre la main dans le sac (de cuir).
(*) La faute est plus ancienne : « L'ombre de la anse » (Le Nouveau grand luire de Letroit, 1664). On la trouve jusque dans le Dictionnaire général de la langue française (1832) de François Raymond : « Mettre les mains sur les côtés, en forme de anse. »
Voir également les billets Élision et Orange.
Ce qu'il conviendrait de dire
L'anse d'un sac à main.