« Durant la perquisition de son appartement et des QG de son mouvement et du Parti de gauche, [Jean-Luc Mélenchon, photo ci-contre] s'en était pris tour à tour aux forces de police et au magistrat qui avait mené les opérations [...]. Le tout sous fond de complotisme, en affirmant que la manœuvre était purement politique et directement téléguidée par le pouvoir en place. »
(Erwan Bruckert, sur lepoint.fr, le 24 octobre 2018)
Ce que j'en pense
Les Français auraient-ils l'esprit de contradiction ? Ils n'hésitent pas à mettre la préposition sur à toutes les sauces, y compris les plus indigestes (voir liens ci-dessous), mais rechignent à y recourir quand le sens, pourtant, l'exige. Témoin ces exemples repérés sur la Toile (de fond) et qui gagneraient à rester sous le manteau de l'oubli : « La première fête du sport sous fond de polémique » (France 3), « Sous fond de grogne du mouvement sportif » (RFI), « Une tempête financière sous fond de crainte » (LCI), « L'université d'été [...] s'ouvre sous fond d'inquiétudes budgétaires » (BFM TV), « Sous fond de trafic de stupéfiants » (Ouest France), « Espoir et solidarité sous fond de crise économique » (La Dépêche).
Il n'est pourtant pas nécessaire de se creuser très profondément la tête pour s'aviser que ce fond-là (que l'on se gardera d'affubler d'un s final) a à voir avec l'arrière-plan, pictural ou acoustique, sur lequel se détachent figures, objets ou sons. C'est donc logiquement précédé de la préposition sur que l'intéressé, associé à un complément déterminatif, s'est construit par métaphore, avec puis sans l'article indéfini selon le degré de figement et d'abstraction de la locution ainsi formée : « Sur un fond d'hostilité, tous les détails prennent du relief » (Jules Renard), « [Ce récit] se profile sur un fond historique tout en grisaille » (Alphonse Juin), « Jours monotones, où, sur un fond d’attente morne, se détache pourtant un petit épisode » (André Gide), « On dira que toute motivation est sur fond d’influence » (Paul Ricœur), « Maurice Genevoix décrit son prédécesseur sur fond de paysage d’une France rurale encore intacte » (Marc Fumaroli), « Sur fond de tragédie, il y a paradoxalement chez le poète [...] » (Jean-Marie Rouart), « Ce roman [...] se déroule entre Guangzhou et New York, sur fond de mièvres chansons chinoises » (Jean-Loup Dabadie), « Le tout sur fond de légère hystérie » (Alain Rey), « Des élections sur fond de scandale financier » (Robert illustré).
Sous à la place de sur, c'est encore la confusion que l'on voit se répandre dans des affaires d'espionnage à deux sous, sous l'influence probable de être sous surveillance : « Attention, vous êtes sous écoute » (Le Figaro), « Un téléphone placé sous écoute » (France Bleu), « [Ils] étaient depuis plusieurs semaines sous écoute téléphonique » (Libération). Les analystes de fond sont pourtant sûrs de leur coup : « Mettre quelqu'un, un téléphone, des correspondants sur écoute, sur table d'écoute » (Robert), « Ils sont sur écoute(s). Mettre quelqu'un sur écoute(s) » (Robert & Collins), « Mettre quelqu'un sur écoutes, brancher son téléphone sur une table d'écoutes » (Larousse en ligne).
Vous l'aurez compris : en matière de langue, l'usager a parfois du mal à écouter la voix de la raison. Non content d'avoir touché le fond, plus d'un entend encore creuser au-dessous...
Remarque : Voir également les billets Avertir, Sensibiliser, Voter et Fond.
Ce qu'il conviendrait de dire
Le tout sur fond de complotisme.