« Transit de froid, il regagne finalement la berge bredouille. »
(Soren Seelow, sur lemonde.fr, le 6 février 2015)
Ce que j'en pense
Voilà une simple phrase qui fait froid dans le dos, quand on y regarde de plus près. D'abord, la ponctuation : une virgule n'aurait-elle pas été la bienvenue entre berge et bredouille afin de marquer que l'adjectif ne s'applique pas à berge (laquelle n'aurait pas réussi à obtenir ce qu'elle désirait ?) mais bien à il ?
Ensuite, et surtout, l'orthographe : notre journaliste − en froid avec son dictionnaire ? − n'a-t-elle pas manqué la correspondance, en confondant le participe passé (transi) du verbe transir (« pénétrer en engourdissant » ; « être pénétré, engourdi par le froid, la peur, etc. ») avec sa forme conjuguée à la troisième personne du singulier du présent de l'indicatif (transit), voire avec le substantif masculin transit, emprunt de l'italien transito (« passage ») dont on fait sentir le t final ?
Mais la confusion homonymique n'est pas le seul écueil que nous réserve l'adjectif transi. C'est qu'il convient encore de s'entendre sur sa prononciation. « Littré et le Dictionnaire Général donnent la prononciation [trãsi] qui est désuète et illogique (il n'y a pas deux s étymologiquement comme dans transept » note − non sans une certaine mauvaise froi, pardon foi − Dupré à ce sujet. Prononciation désuète ? Sans doute. Illogique ? Voire. Car enfin, nous rappelle Hubert Joly, président du Conseil international de la langue française, le s « se prononce avec sa valeur de base s dur quand il est situé entre une voyelle et une consone ou une consonne et une voyelle comme dans absolu, astre, bestial, tsé-tsé ; placé entre deux voyelles, il se prononce /z/ comme dans rose, asile, isocèle, usine, sauf dans les cas où il est à l'initiale d'un composé précédé d'un préfixe terminé par une voyelle comme dans antisismique, asexué, archisucré, ou quand il entre dans une composition dont le sens des composés est encore senti comme dans vraisemblable, archisec et des mots nouveaux ».
Force est toutefois de constater que, de nos jours, transi se dit plus couramment tranzi que transsi (1), prononciation pourtant autrement conforme aux canons de la phonétique française. Mais que voulez-vous, c'est ainzi.
(1) Pour un Littré, un Girodet (« transi doit se prononcer [tRãsi], et non [tRãzi], malgré l'usage relâché courant ») ou un Thomas (« transir et transi se prononcent avec s dur ») qui tirent la sonnette d'alarme, combien de Larousse et de Robert pour préconiser désormais de faire entendre le son z ?
Remarque : Merci à M. BA, fidèle lecteur de ce site, de m'avoir suggéré ce sujet.
Ce qu'il conviendrait de dire
Transi de froid, il regagne finalement la berge, bredouille.