« Les nouvelles lignes directrices de l'OMS s'appuient sur des données scientifiques récentes montrant que soigner plus précocément les malades permet de freiner plus vite le développement du virus dans le sang » (à propos du sida).
(paru sur lefigaro.fr, le 1er juillet 2013)
Ce que j'en pense
On le sait, la plupart des adverbes ont été formés à l'origine en ajoutant au féminin de l'adjectif correspondant le suffixe -ment (souvenir du substantif féminin mens, « esprit, manière » en latin) : fier → fière → fièrement, vif → vive → vivement, etc.
L'adjectif précoce, dont les formes féminine et masculine sont identiques, a donc logiquement donné naissance à l'adverbe précocement. D'où vient alors l'hésitation si fréquente avec la forme (fautive) doublement accentuée précocément ? De ce que l'e final de certains adjectifs s'est changé en é lors de la formation de l'adverbe : ainsi de énorme / énormément, intense / intensément, etc. Féraud, dans son Dictionnaire critique de la langue française (1787), dénonçait déjà ces irrégularités : « Richelet écrit énormement, et il semble que la raison dicte cette manière d'écrire, cet adverbe étant formé d'énorme, dont l'e final est muet, mais l'usage a prévalu d'écrire énormément [...] et c'est une exception à la règle de la formation des adverbes. »
De même, l'e caractéristique de la forme féminine de l'adjectif a le plus souvent disparu quand il était précédé d'une voyelle : éperdu → éperdue → éperduement (graphie maintenue chez certains auteurs actuels) et éperdument (graphie officielle). Dans d'autres cas, ledit e a tout aussi arbitrairement laissé place à un accent circonflexe sur la voyelle précédente : assidu → assidue → assiduement (et ses variantes assidueument, assidueusement), assidument et assidûment (graphie traditionnelle, attestée depuis le XVIIe siècle). Cette fois, c'est Littré qui s'insurge, à bon droit : « On remarquera l'accent circonflexe que met l'Académie, tandis qu'elle n'en met ni à absolument, ni à ambigument, etc. Il vaudrait mieux qu'elle suivît un système, et mît partout l'accent circonflexe ou le supprimât partout. » Notre spécialiste semble avoir été entendu, puisque les réformateurs de 1990 préconisent l'abandon du circonflexe sur le u (et sur le i) quand il ne se justifie pas. Il ne reste plus qu'à attendre patiemment que la graphie réformée assidument soit enregistrée par une Académie dont on ne sait plus si elle freine vite ou si elle accélère lentement.
Remarque : Les mêmes observations valent pour l'adverbe atrocement, que l'on trouve plus souvent qu'à son tour orthographié avec un accent aigu qui ne se justifie point : « La marée était pleinement haute, soleil riant atrocément » (Jean-Marie Turpin). En revanche, on écrira correctement forcément, régulièrement formé à partir du participe passé adjectivé forcé.
Voir également le billet Accent circonflexe.
Ce qu'il conviendrait de dire
Soigner plus précocement les malades.