À l'origine (XIe siècle) était le verbe faillir (d'abord falir ou fallir), emprunté du latin populaire fallire, lui-même issu du latin classique fallere (« tromper, échapper à, manquer à [sa parole] »). Sa conjugaison hésitait entre les formes en fal- et celles en faill- : (indicatif présent) il falt (puis fault, faut) ; (passé simple) il fali (ou failli, faillit) ; (futur) il faldra (puis faudra ou faillira) ; etc. Falloir, quant à lui, n'est autre que la réfection de faillir (pris au sens de « faire défaut, manquer ») sur le modèle de valoir (d'après il faut/il vaut, il faudra/il vaudra) : « Conjugué de façon impersonnelle, il me faut ce livre signifiait donc "il me manque ce livre", écrit Georges Gougenheim dans Les Mots français (1962) ; puis le sens est devenu "ce livre m'est nécessaire, j'ai besoin de ce livre". Cette conjugaison impersonnelle de faillir a donné naissance à un verbe indépendant qui a subi l'influence de valoir. À côté de il faut, il faudra... [formes reprises à faillir], on a créé un imparfait il fallait, un passé simple il fallut et un infinitif falloir. » Falloir s'est ainsi complètement détaché de son doublet faillir (entre le XVe et le XVIe siècle ?). Le sens originel « manquer de » s'est toutefois conservé dans le pronominal s'en falloir, qui s'est substitué à s'en faillir.
Précédé du pronom impersonnel il (sujet apparent ou grammatical), s'en falloir se construisait jadis avec un sujet réel (ou logique) : « Il ne s'en fault que demie aulne / Pour faire les six justement » (La Farce de Maître Pathelin, vers 1460), « Il ne s'en est rien fallu qu'il n'ait esté tué. Il s'en fault deux pieces de monnoye » (Robert Estienne, 1539), comprenez : il manque la longueur d'une demi-aune, très peu de chose, deux pièces de monnaie (pour que...). Dans le cas où le sujet réel était non plus un nom mais un adverbe employé comme pronom indéfini (1), deux constructions (syntaxiquement différentes mais sémantiquement équivalentes) étaient possibles, selon que ledit pronom indéfini était placé après ou − l'impersonnel il étant souvent omis en vieux français − avant le verbe : il s'en faut peu (petit, beaucoup, guère, tant...) (que) et peu (petit, beaucoup, guère, tant...) s'en faut (que), comprenez : il manque peu, beaucoup (pour que), d'où : on est près, loin du résultat escompté. Témoin ces exemples anciens : (XIIe siècle) « Petit s'en falt [2] que [...] », « Mais molt petit en falt » (Le Roman d'Énéas) ; « Je ne sui pas / Del tot morte, mes po an [ou s'en] faut », « Molt po de chose s'an failloit que [...] » (Chrétien de Troyes) ; (XIIIe siècle) « Petit s'en fali qu'il ne l'ochist » (Le Roman de Tristan en prose) ; « Peu s'en fali », « Il s'en a mout peu falu que [...] » (Le Roman du Hem) ; « Il sont, ne s'en faut gaires, tout corrompu » (Philippe de Beaumanoir) ; (XIVe siècle) « Sachez que petit s'en fault » (Gace de La Bigne) ; « Il en falut petit que de son sens n'issy » (La Vie de saint Eustache) ; (XVe siècle) « Ainsi les trouverent tous, ou peu s'en failloit, desarmez » (Philippe de Commynes) ; « Cinq ans apres ou gueres ne sen fault » (Nicolas Mauroy) ; (XVIe siècle) « Tu es des tiens peu s'en fault adoré » (Clément Marot) ; « Peu s'en faillit qu'il ne le defonçast », « Tant s'en faut que je reste cessateur et inutile » (Rabelais) ; « Peu s'en a fallu que je n'ay dit ce qu'il fault taire » (Jean Pillot) ; « Beaucoup s'en faut qu'ils en ayent tant que nous » (Henri Estienne) ; « Il s'en fault tant que je sois arrivé à ce [...] degré d'excellence [que...] » (Montaigne). (3)
Seulement voilà, observe Goosse : ces formules, cessant peu à peu d'être comprises, subirent des altérations. D'une part, le sujet réel placé après le verbe y a été perçu comme un complément de mesure (4) − évaluant ce qui fait défaut pour que le procès de la proposition complétive (exprimée ou sous-entendue) se réalise −, que l'on a construit avec la préposition de (5) : « Il s'en fault de beaucoup » (Jean Calvin, vers 1558), « Il ne s'en fallut de gueres qu'il ne l'espousast » (Claude de Trellon, 1594), « Il s'en fallut de peu qu'on ne combatit » (Thomas de Fougasses, 1608), « Il ne s'en fallut que d'un moment » (Voltaire, 1768), « Est-ce à dire [que] j’adhère à tous vos jugements ? Il s’en faut de quelque chose, Monsieur » (Joseph d'Haussonville, 1872), « Il ne s'en fallait pas de grand-chose » (Raymond Roussel, 1897), « Il s'en fallait toujours d'un fil ! » (Céline, 1936), « Il s'en faut de cinq ans qu'elle ait roulé dans le panier » (Sartre, 1963). D'autre part, de « purs » adverbes vinrent concurrencer peu, beaucoup, tant... qui, dans ces emplois, étaient de moins en moins sentis comme des pronoms indéfinis : que l'on songe à bien s'en faut, tenu pour un gasconisme, et, plus récemment, loin s'en faut, né du croisement fâcheux entre tant (ou bien) s'en faut et loin de là.
Des grammairiens, à la suite de Vaugelas, voulurent établir une distinction entre la tournure avec de, qu'ils réservaient à l'expression d'une différence de quantité, et celle sans de, qui indiquait une différence de qualité (6) ; mais beaucoup s'en fallut que cette règle fût toujours respectée (ne serait-ce que par les académiciens eux-mêmes). De nos jours, observe Girodet, la construction avec de tend à s'imposer dans tous les cas (7), mais « cette généralisation abusive n'est pas conseillée ». Notre spécialiste ne croit pas si bien dire : la tentation de recourir aux variantes de peu s'en faut, de beaucoup s'en faut, par analogie avec il s'en faut de peu, il s'en faut de beaucoup, n'en a été que plus grande. Sauf que ce qui était envisageable à droite du verbe s'en falloir n'aurait jamais dû l'être à gauche ; c'est du moins ce qu'affirment les Le Bidois père et fils dans leur Syntaxe du français moderne (1938) : « L'emploi de la préposition de est impossible devant peu [beaucoup, etc.] quand ce mot se trouve en tête de locution. » (8) Hanse et Goosse se veulent rassurants : n'affirment-ils pas dans une touchante unanimité que de tels exemples sont « exceptionnels » (selon le premier), « rares » (selon le second) ? C'est vite dit : « De peu s'en fault que le cœur plein de rage [...] / Ne crie en hault » (Béranger de La Tour, 1551) ; « Il se fust du tout abstenu de parler, de tant s'en faut qu'il eust ornée et polie sa parolle » (François Bonivard, 1563) ; « Je ne suis pas encore morte, mais de peu s'en faut ! » (Milli de Rousset, 1780) ; « De peu s'en est fallu que l'amateur vindicatif n'ait été renvoyé » (Julien Louis Geoffroy, 1805) ; « Cette limite n'est jamais assez forte pour arriver jusqu'à l'équilibre, de beaucoup s'en faut » (Henri Fonfrède, avant 1841) ; « [Tel organe de presse étrangère] a, de peu s'en faut, les dimensions du Journal des Débats » (Pierre Gustave Brunet, 1841) ; « Quand Balzac vint au monde, [...] la littérature française était morte ou de peu s’en faut » (Le Messager de l'Assemblée, 1851) ; « − Mais le canapé n'est pas achevé ? − Oh ! de bien peu s'en faut » (Ponson du Terrail, 1866) ; « De peu s'en fallut qu'il ne trouvât interminables les trente tours de roue qu'il y avait » (Élémir Bourges, 1884) ; « [Des] phénomènes devant se reproduire, ou de peu s'en faudrait, partout où le gouvernement démocratique s'établira » (Émile Faguet, 1894) ; « Un frère aussi pauvre qu'elle, ou de guère s'en faut » (Eugène Le Roy, 1901) ; « Mais il n'a pas tout dit, de bien s'en faut » (Frédéric Mistral, 1906) ; « Tel est bien le cas de la France actuelle, ou de trop peu s'en faut » (Justin Fèvre, 1906) ; « Un recueil de chants populaires [...] ne donne pas toujours, de tant s'en faut, l'émotion artistique recherchée » (Jean-Baptiste Galley, 1909) ; « Me voici parvenu à la quatre centième page du présent livre, ou de peu s'en faut » (Maurice Dreyfous, 1912) ; « L'insecte n'est pas mort, de bien s'en faut », « Il y fait, de peu s'en faut, aussi froid qu'au dehors », « De véritables œufs, pareils, de guère s'en faut, à ceux que [...] » (Jean-Henri Fabre, avant 1915) ; « Taine ne va pas tout à fait si loin, mais de peu s'en faut » (Henri Bremond, 1923) ; « Les réformes limitées qui viendraient à s'imposer d'elles-mêmes, ou de peu s'en faut » (Jacques Chirac, 1978) ; « Les mêmes observations valent, ou de peu s'en faut, pour [...] » (Gérald Antoine, 1981) ; « Ce n'est pas un drame, de beaucoup s'en faudrait, je l'admets » (Franz Bartelt, 2015) ; et il n'est que de parcourir la Toile pour y trouver matière à compléter cette liste, déjà longue.
Par réaction contre cette dérive ou, plus vraisemblablement, par excès de simplification, l'Académie (ainsi que la plupart des dictionnaires actuels) est venue ajouter à la confusion ambiante en donnant à croire, dans la neuvième édition de son Dictionnaire, que la préposition de est attachée au verbe plutôt qu'à son complément : « S'en falloir de, suivi généralement d'un nom ou d'un adverbe de quantité, se dit pour indiquer une différence en moins. » Il n'en est évidemment rien, tant s'en faut, car sinon, pourquoi les Immortels auraient-ils supprimé de la huitième édition (1932) l'exemple Il ne s'en faut de guère ? C'est parce que de guère − comme de tant, mais contrairement à de peu, de beaucoup − ne s'emploie plus... guère en français moderne (9) pour estimer une différence que l'on ne dit plus de nos jours Il ne s'en faut de guère ni Il s'en faut de tant, mais Il ne s'en faut guère et... Tant s'en faut ! Pour ne pas être pris en flagrant délit de contradiction (10), les académiciens ont donc préféré pratiquer la politique de l'autruche en supprimant purement et simplement tous les exemples devenus embarrassants (Il ne s'en est guère fallu se trouvait encore dans la huitième édition) plutôt que de préciser : « S'en falloir, suivi (généralement [11]) d'un syntagme nominal précédé de la préposition de, d'une locution adverbiale de quantité (de beaucoup, de peu, de rien) ou d'un adverbe (bien, guère...). »
Goosse n'est pas en reste quand il s'agit d'user de raccourcis. Ne qualifie-t-il pas les tours peu s'en faut, tant s'en faut (ainsi que beaucoup s'en faut et bien s'en faut, présentés comme « rares ») de « formules figées d'une syntaxe archaïque » ? Va pour la syntaxe archaïque (antéposition du pronom indéfini, omission du pronom impersonnel) et pour la lexicalisation (au sens de « presque » pour le premier, de « loin de là, bien au contraire » pour les suivants), mais avouez que l'on a connu degré de figement autrement élevé : (peu, très peu, bien peu, si peu, beaucoup, bien, tant, tant bien...) s'en faut (s'en fallait, s'en fallut, s'en est fallu...). C'est que les expressions construites avec s'en falloir doivent suivre le temps du verbe qu'elles régissent, si l'on en croit les exemples donnés dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie (12) : « Peu s'en fallut qu'il ne fût expulsé. Elle n'était plus, tant s'en fallait, de première jeunesse. Il s'en est fallu de quelques points qu'il fût reçu. La balle a failli l'atteindre, il s'en est fallu de l'épaisseur d'un cheveu. »
Et que penser encore des désaccords de nos spécialistes sur l'emploi de ne dit « explétif » après s'en falloir ? Littré et Thomas s'en tiennent à la règle traditionnelle (13) − que Girodet réserve à « l'usage soutenu », et l'Académie, à la langue « littéraire » −, selon laquelle ladite particule est requise dans la proposition subordonnée quand s'en falloir est en tournure négative, restrictive (modifié par un mot comme peu, guère, presque, rien, seulement...) ou interrogative : (avec ne) « Il ne s'en est pas fallu l'épaisseur d'une épingle qu'ils ne se sayant nayés [soient noyés] tous deux » (Molière), « Il ne s'en fallut pas de beaucoup que la chaleureuse déclaration de Tiburce ne fût noyée sous un moral déluge d'eau froide » (Gautier), « Il ne s’en est cependant quasi rien fallu que je ne l'aie percé de mille coups » (Savignien de Cyrano de Bergerac), « Il ne s'en fallait rien que la fortune ne me mît dans la plus agréable situation du monde » (Mme de Sévigné), « Il ne s'en fallait guère qu'un accident ne mît un terme à tous mes projets » (Chateaubriand), « Il s'en est fallu de peu qu'ils n'y fussent pas » (Mauriac), « Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure » (Molière), « Combien s'en faut-il que notre santé ne soit entièrement désespérée ? » (Bossuet) ; (sans ne, en tournure affirmative) « Tant s'en faut que l'ardeur de mon feu diminue » (Ronsard), « Il s'en fallait donc de sept à huit cents piastres pour qu'[ils] pussent réunir la somme demandée » (Dumas père), « Il s'en faut de beaucoup qu'il soit laid » (Sand), « Il s'en faut bien qu'elle soit sans agréments » (Stendhal). Pour les Le Bidois, il n'y a pas ici à donner de règle absolue : « C'est avant tout affaire de pensée (et d'oreille aussi, quelquefois). Quand il y a lieu de souligner la valeur négative, (ou encore si la présentation de la phrase paraît requérir plus de fermeté et de plénitude), la présence de ne dans la subordonnée peut, à la rigueur, se justifier [...]. Autrement, il semble bien que la justesse n'a qu'à perdre à l'intrusion de ne. » Même son de cloche, ou peu s'en faut, du côté du Robert : « Dans ces propositions, l'emploi de ne est fonction du jugement du locuteur sur l'estimation de la différence. On dira : Il s'en faut seulement de quelques millions que le budget de l'État ne soit en équilibre, mais quand la différence en moins est considérable : Il s'en faut de cent milliards que le budget soit en équilibre. » Hanse, pour sa part, avoue ne percevoir aucune nuance de sens : « Il s'en est fallu de peu qu'il vînt ou qu'il ne vînt (= il a failli venir) », avant d'ajouter : « S'il y a négation du verbe subordonné, on doit employer ne pas : Il s'en est fallu de peu qu'il ne vînt pas (= il a failli ne pas venir). »
Vous l'aurez compris : la syntaxe du verbe pronominal impersonnel s'en falloir n'a rien d'une sinécure, tant il y est difficile de démêler le vrai du... faut !
(1) Comme dans : Il a fait beaucoup pour moi. Peu le savent. Il est à noter que les adverbes de degré ne peuvent pas tous être employés avec la valeur pronominale : « Ces emplois sont exclus pour bien », précise Goosse.
(2) Ou, selon les sources, en falt. L'ancienne langue semble avoir hésité entre en falloir et s'en falloir... voire falloir seul : « Peu faut que je ne vous estranle » (Adam de la Halle, XIIIe siècle), « Petit fault que chescune la chambre ne veudait » (Lion de Bourges, XIVe siècle), « Ne failloit gueres que chacun coup qu'il toussoit qu'il ne fust oy de la chambre » (Les Cent nouvelles nouvelles, vers 1460).
(3) On voit bien que, dans ces emplois, les formes conjuguées viennent historiquement de faillir. D'où la remarque de Vaugelas, qui considérait « peu s’en est fallu », en lieu et place de « peu s’en est failli », comme une « confusion » de l’usage (sans doute abusé par les formes communes aux deux conjugaisons). Aussi ne s'étonnera-t-on pas de trouver encore au XVIIIe siècle : « L'échapper belle, c'est-à-dire s'en faillir peu que l'on ne périsse » (Dictionnaire français et latin de Joseph Joubert, 1710).
(4) Littré, de son côté, parle de complément adverbial : « Cette construction [il s'en est fallu l'épaisseur d'un cheveu] s'explique ainsi : il, sujet indéterminé, c'est-à-dire l'épaisseur d'un cheveu [sujet réel], s'en est fallu [= a manqué]. On dirait aussi : il s'en est fallu de l'épaisseur d'un cheveu ; mais alors l'explication grammaticale est différente : il s'en faut se dit absolument pour signifier il y a une différence en moins ; et de l'épaisseur d'un cheveu devient une locution adverbiale qui modifie il s'en faut. » Avec la phrase Il s'en fallait beaucoup que la Russie fût aussi peuplée, cela donne : il (sujet apparent), c'est-à-dire beaucoup (sujet réel, mis pour « un grand nombre, une grande quantité ») s'en fallait (= manquait) (pour) que la Russie fût aussi peuplée ; avec la préposition de : il s'en fallait (= il y avait une différence en moins) de beaucoup (locution adverbiale servant à souligner l'importance de l'écart exprimé) (pour) que la Russie fût aussi peuplée.
(5) Par analogie avec la construction des compléments de mesure après un verbe énonçant la différence, le retard, la supériorité... : Il l'a emporté de beaucoup, de peu. Ils se sont manqués d'une minute. Elle le dépasse de dix centimètres.
(6) Pierre-Benjamin Lafaye ajoute, dans son Dictionnaire des synonymes (1858), que la présence de la préposition de dans ces expressions suppose une appréciation plus exacte de la différence, qui aura pu être mesurée avec quelque rigueur.
(7) Le tour sans de est présenté comme « très vieilli » dans la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie (Hanse se contente de la mention « vieilli »).
(8) L'emploi de de en tête de proposition, devant une expression désignant la mesure de différence, est pourtant attesté en ancien français : « De peu me sert que [...] » (Roman du châtelain de Coucy et de la dame du Fayel, fin du XIIIe siècle), « De tant elle [une verrière] est plus tost brisée » (Le Ménagier de Paris, XIVe siècle).
(9) De guère n'était pas rare dans l'ancienne langue : « Ilz ne se teurdroient de gaires » (Jean d'Arras, vers 1392), « Monsieur n'a menty de gueres » (François Béroalde de Verville, 1617), « L'âge ne sert de guère » (Molière, 1661). D'après Goosse, ledit tour est « encore usité à Lyon et en Provence » : « Il ne s'en est fallu de guère que je ne vienne pas t'appeler ! [dit un jeune Provençal] » (Marcel Pagnol, 1957).
(10) Ce fut notamment le cas du Petit Robert 1987 : « S'en falloir (il s'en faut) de. Avec un adverbe de quantité. Il s'en faut de beaucoup, Il s'en faut bien. » Comprenne qui pourra !
(11) Que se cache-t-il derrière cet adverbe ? L'emploi absolu Il s'en faut (= loin de là, bien au contraire) : « Hélène n'a pas l'oreille prude, il s'en faut » (Colette) ? La construction avec une proposition complétive (au subjonctif) comme sujet réel : « Il s'en fallait que leur goût fût excellent » (Romain Rolland) ? Mystère...
(12) On a ainsi reproché à Racine ce vers d'Athalie : Peu s'en faut que Mathan ne m'ait nommé son père. « Peu s'en est fallu » n'aurait-il pas mieux respecté la concordance des temps ? s'interroge le grammairien Pierre Fontanier dans ses Études de la langue française (1818).
(13) Établie par le grammairien Noël-François De Wailly dans ses Principes généraux et particuliers de la langue française (1754) ?
Remarque 1 : Le verbe impersonnel falloir n'est usité qu'à l'infinitif, au participe passé (toujours invariable et servant uniquement à former les temps composés) et à la troisième personne du singulier de tous les temps et modes.
Remarque 2 : Sont également attestées en ancien français les expressions a poi, a petit, a peu... (que) au sens de « peu s'en faut (que) » : « A po qu'il ne l'anbrace » (Chrétien de Troyes), « A peu que le cuer ne me fent » (François Villon).
Remarque 3 : Voir également les billets Loin s'en faut et Il faut mieux.
.