« Loi Travail : Rennes à cours de billets après le saccage de nombreux distributeurs. »
(paru sur bfmtv.com, le 17 mai 2016)
Ce que j'en pense
Une fois n'est pas coutume, je vais la faire... courte : afin de ne plus confondre les homophones cours et court, on retiendra que le premier, substantif masculin emprunté du latin cursus (« action de courir »), exprime une idée de mouvement continu, d'écoulement, de développement dans le temps, de progrès, quand le second, adjectif ou adverbe dérivé du latin curtus (« écourté, tronqué ; incomplet, mince, insuffisant »), qualifie quelque chose (longueur ou durée) de petit. Aussi écrira-t-on correctement : avoir cours, donner libre cours à, mais faire court, tourner court, être pris de court et être à court de (= être en état de manque, d'insuffisance).
Mais coupons court au cours de langue française...
Voir également le billet Pris de court.
Remarque 1 : Après la locution à court de, le nom complément se met au singulier ou au pluriel selon le sens : à court d'argent, à court d'inspiration, mais à court d'arguments, à court d'idées, à court de munitions.
Remarque 2 : Le cas de couper court à (une discussion, un entretien, une rumeur, des objections, etc.) est autrement délicat à trancher. Si l'usage a imposé l'adverbe court dans cet emploi, André Moufflet, dans son essai Contre le massacre de la langue française (1930), fait observer avec quelque apparence de raison que « point ne s'agit de couper court ni de couper long, mais de suspendre le cours d'un événement ». Kristoffer Nyrop renchérit dans sa Grammaire historique de la langue française (1899), en présentant ladite forme comme un exemple d'« orthographe vicieuse due à une étymologie populaire » : « Court, dans couper court à, est probablement pour cours (comparez donner cours à). » L'argument se trouve également dans les Actes de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux (1856) : « Si l'on peut, si l'on doit préférer trantran à train-train, couper cours à couper court [...], il y a déjà si belle lurette que ces altérations populaires sont usuelles que l'on n'est point pendable pour les employer à son tour. » L'Académie française elle-même semble avoir longtemps hésité entre les deux graphies : ne lit-on pas « Il faut couper court à cette intrigue » à l'entrée « couper » de la cinquième édition (1798) de son Dictionnaire, mais « Couper cours à l'erreur. Je coupai cours à la discussion, en leur disant... » à l'entrée « cours » de la sixième (1835) ? En 1862, Benjamin Pautex dénonçait ces irrégularités dans ses Remarques critiques sur le Dictionnaire de l'Académie française : « Certainement l'orthographe couper cours n'est pas choquante ; mais l'autre orthographe fait plus image que celle-ci et nous pensons qu'il serait mieux d'employer couper court dans toutes les acceptions. » Il faut croire que le philologue finit par être entendu, car les Immortels ne retinrent que la graphie avec t final à partir de la huitième édition (1932) de leur Dictionnaire : « Couper court à quelque chose, l'empêcher de se prolonger. Il vaut mieux couper court à cet entretien, à ce marchandage, y mettre un terme. »
Du côté des écrivains, c'est couper court à qui tient nettement la corde, même si la graphie concurrente s'est rencontrée autrefois : « Ils voulurent [...] couper court et net à tout ce qui tendait à la mitigation sur ce dogme du Christ-Sauveur » (Sainte-Beuve), « Je pris un air froid qui coupa court aux effusions qu'elle espérait » (Proust), « Je coupai court à l'expression affectée de sa gratitude et de ses promesses » (Mauriac), « D'ailleurs, pour couper court à toutes ces galéjades, je vais l'essayer immédiatement » (Pagnol), mais « Vous voudriez [...] couper cours à mes espérances » (abbé Prévost), « J'ajouterai seulement un avis très important et propre à couper cours au mal qu'on n'aura pu prévenir » (Rousseau), « Il a voulu à tout prix couper cours à la chicane » (Mirabeau), « Pour couper cours au malentendu » (Jean Onimus), « d'un ton qui coupait cours à toute nouvelle question » (Gide, dans La Nouvelle Revue française).
Ce qu'il conviendrait de dire
À court de billets.