« Le géant de l'habillement occupe la première place [à la Bourse espagnole] en terme de capitalisation (...) Entre atonie de la consommation, non seulement en Espagne mais aussi dans toute l'Europe, (...) et nécessité d'aller capter de nouveaux marchés beaucoup plus lointains pour conserver une rentabilité optimale, la marque espagnole va devoir transformer non seulement son modèle de conception, mais aussi adapter sa "supply chain"» (à propos de la marque espagnole de prêt-à-porter Zara).
(Audrey Fournier, sur lemonde.fr, le 14 mars 2013)
Ce que j'en pense
Il faut croire que Le Monde (.fr) n'est plus ce qu'il était. Voilà que l'on y parle "anglais" : fast fashion (pour mode éphémère ?), supply chain (pour chaîne logistique). Voilà, surtout, que l'on ne sait plus y écrire français...
Est-il encore besoin de rappeler que le pluriel est de rigueur dans l'expression en termes de (voir à ce sujet ce billet) ?
Sans doute est-il, en revanche, nécessaire de préciser que, dans l'expression non seulement... mais, « non seulement doit toujours précéder les termes qui sont opposés » (Thomas). Ainsi écrira-t-on correctement : Non seulement il est en retard, mais il arrive les mains vides. Il est apprécié non seulement par ses amis, mais même par ses adversaires.
Force est de constater que notre journaliste semble avoir oublié non seulement ce principe élémentaire, mais encore celui qui veut que le français tende à éviter les répétitions dans une même phrase. Autant la première construction (non seulement en Espagne mais aussi dans toute l'Europe) est respectueuse de la syntaxe – à la ponctuation près –, autant la seconde met en opposition des éléments de nature grammaticale différente : un groupe nominal (son modèle de conception) et un groupe verbal (adapter sa supply chain) – en d'autres termes, des serviettes et des torchons !
Et que penser de cette jolie anacoluthe (rupture dans la construction syntaxique d'une phrase), quelques lignes plus loin : « Après avoir été reconnu en 2008 coupable de contrefaçon pour des chaussures à semelle rouge à la façon des Louboutin, la cour d'appel de Paris a finalement tranché trois ans plus tard en faveur de l'espagnol » ? Bien sûr, me direz-vous, on se doute bien que ce n'est pas la cour d'appel qui a été reconnue coupable, comme le confirme l'accord au masculin singulier, mais que de constructions bancales dans un même article ! Sans parler de la confusion entre l'adjectif espagnol et le substantif associé, qui exige la majuscule.
Un article rhabillé pour l'hiver, siffleront les mauvaises langues...
Ce qu'il conviendrait de dire
Le géant de l'habillement occupe la première place en termes de capitalisation (mieux : en matière de capitalisation). Entre atonie de la consommation, en Espagne comme dans toute l'Europe, et nécessité d'aller capter de nouveaux marchés beaucoup plus lointains pour conserver une rentabilité optimale, la marque espagnole va devoir non seulement transformer son modèle de conception, mais aussi adapter sa chaîne logistique.