L'expression n'être pas sans ignorer à la place de n'être pas sans savoir fait partie de ces « fausses élégances » qui ont la vie dure : il s'agit d'un contresens.
On comprend en effet aisément que si ignorer veut dire « ne pas savoir », être sans ignorer signifie « savoir » et n'être pas sans ignorer ne peut avoir d'autre sens que « ignorer ». En l'espèce, la double négation (ne... pas + sans) conduit à sous-entendre exactement le contraire de ce que l'on veut signifier, à savoir « vous ignorez » au lieu de « vous savez sans doute » !
Vous n'êtes pas sans savoir (= vous savez sans doute) que je suis très occupé en ce moment (et non vous n'êtes pas sans ignorer que...).
Vous n'êtes pas convaincu(e) ? Reprenons cette même construction avec un autre verbe : Vous n'êtes pas sans me rappeler quelqu'un (= vous me rappelez quelqu'un). Ce paysage n'est pas sans rappeler la Provence (= ce paysage rappelle la Provence), etc.
Dans le doute, mieux vaut éviter cette tournure un rien alambiquée et lui préférer : Vous savez pertinemment, certainement, sans doute, très bien que... ou encore Il ne vous a pas échappé que.
Remarque : On écrira correctement : Vous n'ignorez pas au sens de « Vous savez » (J'ose espérer que vous n'ignorez pas qui je suis).
Livre d'Anne Balansard, Éditions Belin