« Même vêtue de pied en cape, Kate Middleton doit s'habituer à ce que les yeux des journalistes et de ses sujets se braquent systématiquement sur son ventre devenu épicentre des rumeurs et bientôt nid officiel du renouveau royal. »
(Jean-Frédéric Tronche, sur nouvelobs.com, le 23 juillet 2013)
(photo Wikipédia sous licence GFDL)
Ce que j'en pense
Après un bébé royal qui garde l'anonyme, voilà une coquille royale qui avance masquée. Heureusement pour notre journaliste, on ne coupe plus de têtes pour si peu, de ce côté-ci de la Manche...
Le substantif masculin cap, avant de désigner la pointe de terre (Le cap Horn) ou la direction (Changer de cap), a d'abord représenté une forme méridionale de chef (« tête »), issu comme lui du latin caput. De nos jours, on ne le rencontre plus guère avec ce sens que dans la locution de pied en cap, entendez : « des pieds à la tête », d'où « complètement ». Rien à voir donc, insiste Dupré, avec la cape de Zorro, empruntée quant à elle du provençal capa (lui-même issu, comme chape, du latin cappa, « sorte de capuchon ») : « N'écrivez jamais de pied en cape, qui ne signifierait rien. La cape (le vêtement) n'a rien à faire ici. »
Rien à faire ici, vraiment ? Il est permis d'en douter, à en juger par ces exemples anciens où « caput est remplacé par cappa » (1) : « Armés de toutes pieces de pié en cappe » (Chronique des quatre premiers Valois, fin du XIVe siècle), « Et tous arméz de pié en chappe » (Arnoul Gréban, vers 1450), « Larrons armés de piet en chape » (Roman de Jean d'Avesnes, vers 1460), « Sommes armer de pied en cappe » (Le Mystère de la Passion de Troyes, vers 1482), « Armés sommes de pié en chappe » (La Moralité à cincq personnages, 1484), « Me voicy ja armé de pied en cappe » (La Cène des dieux, vers 1492), « Arme de pie en cape » (Martial d'Auvergne, 1493), « Ung roy armé de pied en cappe » (Jean Molinet, avant 1507), à côté de « Armés si bien, de pié en cap » (Gace de La Bigne, vers 1370), « Ung homme armé de pié en cap » (manuscrit anonyme, vers 1470), « Habillie de pie en cap » (Jean Lemaire de Belges, 1509), « Armati a pede ad caput (de pie en cap) » (Sermons de Pierre-aux-Bœufs, avant 1425, traduits de français en latin en 1518), « Armé de pied en cap » (Robert Estienne, 1531). On peut encore citer Jean Froissart, qui alterne les graphies au fil de ses Chroniques (fin du XIVe siècle) : de pié (ou de piet) en cap, en cape, en cappe...
Le Dictionnaire du moyen français ne semble guère s'émouvoir de cette confusion, qu'il tente de justifier dans une remarque quelque peu énigmatique : « Le sémantisme de cape/cappe est proche de celui de cap » − allusion au capuchon ou à la chape dont on se couvre le chef ? (2) Frédéric Godefroy, de son côté, réclame la tête de l'indésirable − si tant est qu'une bête variante orthographique en ait une : « Abusivement, de pied en cape pour dire de pied en cap » (Complément au Dictionnaire de l'ancienne langue française, 1895). Même condamnation, un siècle plus tôt, dans le Dictionnaire critique (1787) de Féraud : « Un auteur moderne a dit, de pied en cape [...]. Peut-être est-ce une faute d'impression. Mais il arrive aussi quelquefois que des auteurs estimables conservent, pour l'orthographe, comme pour la prononciation, des restes de leur éducation provinciale, et ne se défont jamais parfaitement du goût du terroir. » La province qui s'invite à Buckingham ? So shoking !
(1) « Caput durch cappa ersetzt » (Walther von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch).
(2) « Le sens fondamental [de cappa] est "chose qui couvre" » (Auguste Scheler, Dictionnaire d'étymologie française, 1862).
Remarque : Selon Dupré, la locution de pied en cap « est une adaptation du provençal de cap a pe [de cap a ped, de cap en ped] où les termes se trouvent en ordre inverse. Cet ordre se retrouve chez Montaigne : "Eux estoient armez de cap à pied de grosses lames de fer." Cependant la locution, forme particulièrement figée de la langue, s'est fixée dans l'ordre de pied en cap ».
Ce qu'il conviendrait de dire
Vêtue de pied en cap.