« De toutes ces histoires de superstition, Mathieu Blin s'en méfie comme la peste. »
(Baptiste Gay, sur ladepeche.fr, le 13 janvier 2017)
Ce que j'en pense
Gageons que les spécialistes de la langue − plus que ceux du rugby ? − ne manqueront pas de pester contre notre contrevenant. Car enfin, n'écrit-on pas correctement : craindre, éviter, fuir quelqu'un ou quelque chose comme la peste, mais se garder, se méfier de quelqu'un ou de quelque chose comme de la peste ? Je n'en veux pour preuve que ces quelques exemples trouvés sous des plumes immunisées : « Aussi craignait-il comme la peste un rhume pour lequel il eût gardé le lit » (Marcel Proust), « Un homme fuyant le diable comme la peste » (Joseph Kessel), « C'est un mot ridicule [...] qu'il faut fuir comme la peste » (Maurice Grevisse) et « Ici les patrons s'en méfient comme de la peste » (Jules Romains), « Je me méfie, comme de la peste, des gens qui n’ont qu’un seul mot à la bouche » (Érik Orsenna), « Nous avons tous appris à l’école que le verbe faire était un verbe fourre-tout dont il fallait se méfier comme de la peste » (Académie).
Dans ces emplois elliptiques, la construction du verbe (transitive directe ou transitive indirecte) doit en effet être la même dans les deux membres de la comparaison coordonnés par comme, ici pris au sens de « ainsi que, autant que » : Il le craint comme (il craindrait) la peste. Il se méfie de lui comme (il se méfierait) de la peste. Vous l'aurez compris : la forme s'en méfier comme la peste (que l'on trouve − horresco referens ! − jusque sur des sites consacrés à la langue française) empeste le solécisme. De là à mettre notre journaliste au banc des pestiférés pour endiguer l'épidémie...
Remarque : L'expression, qui fait référence à la maladie contagieuse et souvent mortelle qu'est la peste, est attestée − d'abord sans déterminant − dès le milieu du XVIe siècle au sens figuré de « au plus haut point, à tout prix, comme s'il s'agissait d'un fléau » : « J'admonneste tous les simples qui ayment la vérité et leur salut [...] de fuyr comme peste la lecture de telles abominations » (Pierre Boulenger, 1558) ; « Je l'abhorre et le fuy et le hay comme peste », « Fuy-le comme la peste » (Ronsard, 1564) ; « Chacun en notre cour céleste / La hait et fuit comme la peste » (Scarron, 1650).
Ce qu'il conviendrait de dire
De toutes ces histoires de superstition il se méfie comme de la peste.