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Les échos des rails

Les échos des rails

« Il faut aussi bien prendre gare aux logiciels malveillants qu'aux tentatives d'usurpation d'identité numérique ou qu'aux menaces internes. »
(Florian Debes, sur lesechos.fr, le 6 août 2014)

(photo Wikipédia sous licence GFDL par Doug Teggin)


FlècheCe que j'en pense

J'entends déjà les mauvaises langues parodier le fameux air de Carmen : Si tu aimes la langue française, prends garde à toi !

L'affaire, convenons-en, paraît en mauvaise voie. C'est que tout porte à croire que notre journaliste (ou, plus justement, l'interlocuteur dont il retranscrit les propos) est victime d'un aiguillage linguistique défectueux : la forme fautive prendre gare à ne résulte-t-elle pas d'un télescopage entre l'expression prendre garde à (au sens de « faire attention à ») et l'interjection gare (à toi) ! ?

À la décharge de notre journaliste, reconnaissons que la confusion ne date pas d'hier. Selon le Dictionnaire de la langue française, l'interjection gare ! − apparue au XIIe siècle sous la graphie guar, « prends garde ! » − ne serait autre que la forme abrégée de l'impératif de garder... rattachée à garer (« par étymologie populaire », précise le TLFi). Il faut dire que les deux verbes ont quelques ancêtres communs : les germaniques wardôn (« regarder vers, prendre soin de, se garder de ») et warôn (« veiller à, se protéger de »), eux-mêmes rattachés à la racine indoeuropéenne swer (« surveiller, faire attention »). Il aura suffi que la syllabe germanique wa évolue en ga dans notre langue romane pour que nous héritions des verbes garder (au sens de « tenir en sa garde ; surveiller, protéger, pour préserver de toute atteinte, de tout danger »), garer (« mettre à l'abri, en sûreté », d'abord attesté sous la forme varer a, « se défendre contre »), guérir (à l'origine garir, « devenir sauf, échapper au danger ») et garnir (qui a signifié « mettre en garde ; se tenir sur ses gardes » avant de prendre son sens moderne).

Gare ! s'est d'abord employé pour avertir de se ranger, de se garer (sans crier gare), puis, par extension, de prendre garde à quelque éventualité fâcheuse (où garde, déverbal de garder, s'entend au sens de « action de se protéger »). Il n'empêche, la graphie prendre gare continue de faire florès chez certains auteurs contemporains : « Leur réserve s'était épuisée sans prendre gare » (Maxime Chattam), « Prendre gare aux autres urgences » (Florence Servan-Schreiber), « Il faut prendre gare au pouvoir pernicieux des dénominations » (Natacha Giafferi-Dombre), «  Sans prendre gare à son exclamation » (Isabelle Yhuel), « Sans qu'il pût y prendre gare » (Gérard Imbert), « Les plus grands [...] me conseillaient de prendre gare à mes fesses » (Gérard Mordillat), « On prenait gare à c'qu'elle devienne pas comme les autres gares » (Zebda, paroles de la chanson Matabiau).

Inutile, vous l'aurez compris, de monter dans ce train-là.

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


Il faut prendre garde aux logiciels malveillants.

 

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