« Être poli, c'est être affable avec tout le monde et à chaque instant. Cela n'empêche pas tout un chacun d'être agressif, discourtois et désagréable, mais on estime gommer ces attitudes par des souhaits de bonne augure. »
(Sophie de Menthon, dans son livre Le savoir-vivre en entreprise, aux éditions Eyrolles)
Ce que j'en pense
Loin de moi l'intention de passer pour un oiseau de mauvais augure, mais je me dois de rappeler ici que, contrairement à la plupart des substantifs en -ure (1), augure est du genre masculin. Le mot a d'abord désigné le présage que les prêtres de l'Antiquité romaine tiraient de l'observation du vol ou du chant des oiseaux (et, par métonymie, le prêtre lui-même), avant de prendre le sens figuré de « idée, bonne ou mauvaise, que l'on se forme de l'avenir d'après certains signes » : L'augure fut consulté. Un heureux, un fâcheux augure. Tout cela n'est pas de bon augure.
Sans doute fera-t-on valoir à la décharge des contrevenants que augure fut « quelquefois employé au féminin » (selon le Dictionnaire historique de l'Académie, 1888), au XVIe et au XVIIe siècle notamment (2). Plus précisément, il n'était pas rare, à cette époque, que les deux genres coexistassent dans un même ouvrage, sous la plume d'un même auteur. Je n'en veux pour preuve que ces quelques exemples : « Bonne augure » à côté de « Meilleur augure » (Antoine Le Maçon, 1551) ; « Les augures masculines » à côté de « Bons augures » (Filbert Bretin, 1582) ; « Marchez sous bonne augure » à côté de « Bon augure » (Guillaume du Bartas, avant 1590) ; « Il le prit à fort mauvaise augure », « Quelle augure de voyage est cecy ! » à côté de « Mauvais augure », « Bon augure » (Brantôme, avant 1614) ; « Nom de mauvaise augure » à côté de « Des corbeaux de mauvais augure » (Jean-Pierre Camus, 1628) ; « Ils eurent plusieurs mauvaises augures », « Une race cherie et de bonne augure » à côté de « Un augure si beau » (Agrippa d'Aubigné, avant 1630) ; « Il n'ouvre la bouche que pour dire des choses de mauvaise augure » (La Bruyère, 1688). Gageons que l'oreille n'est pas étrangère à ces cas d'hésitation, la liaison avec l'adjectif épithète (quand celui-ci précède le substantif) pouvant prêter à confusion.
Il n'empêche, l'étymologie nous enseigne que augure est emprunté du neutre singulier latin augurium (« prédiction, prophétie »), qui a abouti au masculin en français : « Si li augure ne ment » (Bribes de littérature anglo-normande, XIIe siècle), « A veoir de mauvais augur » (Christine de Pizan, vers 1400). Las ! le désintérêt de nos contemporains pour les langues anciennes laisse mal augurer du sort réservé à l'intéressé...
(1) Selon Girault-Duvivier, « deux cent soixante-quinze noms environ terminés par ure sont tous féminins, à l'exception des noms Arcture, augure, colure, mercure, murmure, parjure, qui sont masculins » (Grammaire des grammaires, 1812). On complétera la liste des exceptions avec chlorure, sulfure et ure.
(2) De son côté, le grammairien Julien Teppe n'hésite pas à affirmer, dans Les Caprices du langage (1970), que augure « était bel et bien féminin, souvent, au XVIe siècle », sur la foi d'exemples empruntés à Edmond Huguet. « Souvent » paraît exagéré...
Ce qu'il conviendrait de dire
Des souhaits de bon augure.