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Le mot de la fin

Le mot de la fin

« Alain Rey, célèbre linguiste et figure tutélaire du dictionnaire "Le Robert", est décédé à Paris dans la nuit de mardi 27 à mercredi 28 octobre, à l'âge de 92 ans. »
(Paru sur francetvinfo.fr, le 28 octobre 2020.)  
(Crédit photo lerobert.com)

 

FlècheCe que j'en pense


Alain Rey n'est plus.

Le célèbre linguiste et lexicographe, dont le nom restera à jamais attaché aux éditions Le Robert, s'en est allé se confiner dans le panthéon des amoureux de la langue française. Les mots nous manquent...

Mais, au fait, comment prononce-t-on le mot linguiste ?

Les spécialistes sont unanimes : « Prononcez ui comme dans lui, puis » (Hanse), « On prononce [gu-ist] et non [gou-ist] » (Bescherelle pratique), « Dans le groupe gu, u se fait parfois entendre, comme dans aiguille, linguiste » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie). D'aucuns me rétorqueront, avec quelque apparence de raison, que c'est pourtant gou que l'on entend dans lingual, ainsi que le confirme Thomas : « Lingual se prononce lin-goual, mais linguiste se prononce lin-ghuist'. » Comment expliquer cette anomalie ? C'est là que l'on se perd en arguties...

Ouvrez le Grand Larousse (qu'Alain Rey me pardonne) : « Dans quelques mots, le groupe gu est à prononcer [gw] devant a : guano (emprunté à l'espagnol), lingual (emprunté au latin) ; et [gμ] devant e et i : arguer, aiguille, linguiste », y lit-on à l'article « g ». Voilà qui laisse entendre que lingual serait d'origine étrangère, contrairement à linguiste ; il n'est pourtant que de consulter les entrées respectives dudit ouvrage pour s'aviser que les intéressés ont été tous deux savamment formés au XVIIe siècle sur le même latin lingua (« langue ») (*). Il ne faudrait pas davantage croire que tous les mots en -gua- se prononcent forcément goua : que l'on songe, par exemple, à aiguade (« provision d'eau douce »), à baguage (« action de baguer un oiseau ») et, cela va sans dire, aux verbes en -guer, qui gardent le u du radical dans toute la conjugaison.

Prenez maintenant le Gouide, pardon le Guide de la langue française (1969) de René Georgin : « Dans le groupe gu, u ne se prononce pas devant un e ou un i ; il sert seulement à indiquer que g a le son guttural [ex. : fatiguer, sanguin]. Mais il se prononce parfois devant une autre voyelle : lingual, jaguar, guano et aussi, sans doute par analogie, dans linguiste. » Doit-on comprendre que, contre l'avis général, le célèbre grammairien prononce linguiste et lingual de la même façon ? Vous, je ne sais pas, mais moi, je donne mon muscle lingual au chat...

Vous l'aurez compris : dans le doute, l'homme de goût n'a pas fini de tourner sa langue dans sa bouche avant de parler...

(*) L'honnêteté m'oblige toutefois à préciser que feu Alain Rey, dans le Dictionnaire historique de la langue française, évoque aussi la possibilité que lingual ait été directement emprunté du bas latin lingualis.

Remarque 1 : Sachant que, dans la plupart des cas, gui se prononce ghi comme dans une touffe de gui, le linguiste belge Albert Doppagne préconise d'écrire « linguïstique et linguïste pour reproduire la prononciation correcte qui doit faire entendre l'u ».

Remarque 2 : Linguiste a d'abord désigné une personne qui étudie une langue ancienne, avant d'être repris au début du XIXe siècle pour désigner le spécialiste de linguistique.

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


La même chose.

 

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S
Même règle pour le u de la séquence -qu- dans Aquila, Quirinus, équilatéral, qui doit selon la tradition se prononcer [ɥ]. À l'heure actuelle, la prononciation en [w] gagne du terrain dans lesdits mots.<br /> Dans quid et à quia, la prononciation traditionnelle en [ɥ] semble avoir définitivement cédé la place à celle en [w].<br />  
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F
Bonjour. Découverte de votre travail dans le cadre de mes recherches pour travaux littéraires. Merci. Ce fut / C'est un plaisir.Fadette
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I
Bel hommage.
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C
On retrouve aussi le même dilemme dans une autre bizarrerie comme distinguo (mal francisé). Pour arguer, l'Académie a tranché en 1990 en rétablissant la graphie à tréma, argüer, qui fait entendre le u comme dans argument. C'est donc cette logique qui devrait prévaloir pour les autres cas similaires. Si l'on ne doit pas faire sonner le u, on le supprime devant a et i, quitte à dépareiller la famille (il y a déjà tant de cas).<br /> Depuis des siècles, académiciens et lexicographes se montrent incapables d'assumer des règles qu'ils ont eux-mêmes édictées. Même pour les spécialistes c'est extrêmement pénible...
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P
J'adorais sa chronique intitulée "Le Mot de la fin", avant que France I ne devienne ce qu'elle est devenue...
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