« Dans le quarteron de tête, la grande surprise est Jean-Luc Mélenchon, l'icône médiatique et tribun talentueux de l'extrême gauche. »
(paru sur atlasinfo.fr, le 15 avril 2017)
Ce que j'en pense
Les beaux esprits qui pensent que quarteron serait un synonyme distingué de quatre en seront pour leurs frais. Ledit substantif, dérivé de quartier, a d'abord désigné une unité de mesure correspondant au quart d'une livre (soit... cent vingt-cinq grammes !) en parlant d'un produit vendu au poids (« On risque la mort pour avoir trois œufs et un quarteron de beurre », Anatole France), au quart d'une centaine (soit... vingt-cinq !) en parlant des marchandises qui se vendent à la pièce (« Il vendait ses grenouilles dix sous le quarteron », Maurice Genevoix) − de nos jours, on parle plus volontiers de deux douzaines.
C'est par extension que le mot s'est employé au sens figuré − et le plus souvent péjoratif − de « petit groupe, poignée de personnes (sans référence à un nombre précis) », selon un procédé fréquemment observé avec les noms désignant des grandeurs ou des quantités : « Un quarteron de crève-la-faim » (Georges Duhamel), « Un quarteron de conjurés monarchistes » (Louis Aragon), « Un quarteron de coyons » (Raymond Queneau), « (Se laisser intimider par) un quarteron d'historiens » (Bernard-Henri Lévy). Las ! observe Dupré, « cet usage du mot est fâcheusement ambigu : quatre conjurés, par exemple, forment un quatuor et non à proprement parler un quarteron ; pour faire un quarteron, il faut vingt-cinq conjurés ». Le général de Gaulle, passé maître dans l'art de remettre en honneur des mots désuets, n'est sans doute pas étranger à cette chienlit, lui qui s'aventura en 1961 à qualifier le groupe des quatre officiers putschistes d'Algérie de « quarteron de généraux en retraite ». Cinquante ans plus tard, Benoît Hamon entretient le contresens dans son livre Tourner la page : « Un quarteron de dirigeants néolibéraux à la tête des quatre plus grands pays de l'Union. »
Dupré n'y va pas par quatre chemins dans sa conclusion : « Il vaut mieux ne pas se servir d'un terme qui prête à confusion. » Histoire d'éviter de s'entendre dire ses quatre vérités.
Remarque : On notera l'existence d'un homonyme, d'origine espagnole cette fois, qui désigne un métis ou une métisse, fils ou fille d'un blanc et d'une mulâtresse ou d'un mulâtre et d'une blanche : un quarteron, une quarteronne.
Ce qu'il conviendrait de dire
Dans le quatuor de tête (comme on dit tout aussi plaisamment dans le trio de tête).