« La numéro une française, sous les yeux d'Amélie Mauresmo, dépassait la Belge » (à propos de Marion Bartoli, photo ci-contre, qui s'est qualifiée pour la finale de Wimbledon en dominant la Belge Kirsten Flipkens).
(Guillaume Nibert, sur lefigaro.fr, le 4 juillet 2013)
(photo Wikipédia sous licence GFDL par Robbie Mendelson)
Ce que j'en pense
Si la Française Marion Bartoli, en remportant le tournoi de Wimbledon, a réussi un bel exploit, on ne peut en dire autant de certains journalistes, qui hésitent encore sur la façon de qualifier notre championne de tennis : faut-il parler de la numéro un française ou de la numéro une ?
Dans les emplois où l'adjectif numéral cardinal a valeur d'ordinal, il est d'usage de respecter la règle de l'invariabilité : « La page un. La strophe trente et un [pour la trente et unième strophe] », note ainsi Girodet. Il en va de même avec la locution numéro un, qui garde sa forme quel que soit le genre du nom qualifié, mais « peut être entouré[e] d'un article et d'épithètes au féminin » d'après Michèle Lenoble-Pinson (Le Français correct, 2009) : l'équipe numéro un (et non numéro une) et, substantivement, cette joueuse est le numéro un ou, féminisation oblige, la numéro un (ellipse de la joueuse qui porte le numéro un, qui occupe la première place) ; dans ce dernier cas, les éventuelles épithètes s'accordent selon l'option choisie : Cette société est le numéro un mondial du pneumatique ou Cette société est la numéro un mondiale du pneumatique (*).
Mais voilà que se pose un nouveau cas de conscience, passé entre les mailles des filets des ouvrages de référence : quand la numéro un française pourrait s'analyser à la volée comme l'ellipse de la femme ou la chose française qui porte le numéro un, la numéro un mondiale ne saurait se prêter à la même interprétation, dans la mesure où l'adjectif mondial ne peut ici qualifier autre chose que le mot classement sous-entendu. La logique voudrait donc que l'on écrivît la numéro un français, la numéro un mondial pour « la femme qui porte le numéro un du classement français, du classement mondial ». Force est cependant de constater que les arbitres de la langue n'ont pas jugé utile de saisir la balle au bond...
Gageons que ces épineuses questions ne manqueront d'agiter les rédactions qui auront à rendre compte de l'évènement à la... une de leurs journaux.
(*) Autres exemples trouvés dans les ouvrages de référence : « Cette militante est le numéro un (ou la numéro un) du parti » (Petit Robert), « La numéro un mondiale » (Encyclopédie Larousse en ligne), « La numéro un mondiale du tennis » (Le Français correct). L'Académie, quant à elle, s'en tient à l'article masculin : « Le numéro un, le numéro deux, etc., qui occupe le premier rang, le second rang, etc. dans un groupe. »
Voir également le billet Accord des adjectifs numéraux.
Ce qu'il conviendrait de dire
La (joueuse de tennis) numéro un française (ou français ?).