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La langue dans les étoiles

« Le phénomène a été détecté grâce aux images ultraviolettes fournies par le téléscope spacial Hubble prises en 2014 » (à propos de jets de vapeur d'eau obervés sur Europe, satellite de Jupiter).
(Charlotte Anglade, sur lci.fr, le 27 septembre 2016)

 

FlècheCe que j'en pense


Non mais allô (la Terre), quoi ! Faut-il être à ce point dans la lune pour provoquer pareil télescopage orthographique entre l'adjectif spatial, qui s'écrit correctement avec un t prononcé ss devant la lettre i (un engin spatial) et l'adjectif spacieux, lequel s'accommode d'un c prononcé ss devant la lettre i (un logement spacieux) ? Le dictionnaire en ligne Cordial n'y va pas par quatre orbites : « Éviter le barbarisme "spacial", formé sur "spacieux". » À la décharge des contrevenants, reconnaissons que l'usage, en la matière, a longtemps été flottant − pour ne pas dire en apesanteur.

Prenons le cas de spatial. D'après le Dictionnaire historique de la langue française, ce dérivé savant du latin spatium (« espace ») serait de formation récente : « 1889, chez Bergson. » Sauf que l'intéressé est attesté depuis au moins la fin du XVIIe siècle... sous les formes spatial ou spacial ! Citons : « Cette prétendue ligne, ou longueur spaciale et incorporelle » (Abrégé de la philosophie de Gassendi par François Bernier, 1678), « La propre nature de l'étendue spatiale » (Pierre-Sylvain Régis, 1691), « Une étendue spatiale [ou spaciale] » (Dictionnaire de Pierre Bayle, selon les éditions), « Épicure distingue deux sortes d'étendue : l'une matérielle, et l'autre spaciale et locale, qui est immatérielle et incorporelle » (Dictionnaire de Furetière, édition de 1727 revue et augmentée par Henri Basnage de Beauval et Jean-Baptiste Brutel de La Rivière), « L'étendue spatiale infinie » (Jean-Pierre de Crousaz, 1733), « L'étendue spaciale qui, selon vous, est pénétrable ne l'est point » (Partz de Pressy, 1786). L'hésitation est encore plus ancienne concernant l'adjectif spacieux, également emprunté du latin spatium (plus précisément de spatiosus, « de vaste étendue ») mais par l'intermédiaire de l'ancien français spacios, attesté depuis le XIIe siècle sous diverses variantes : spatios, espacios, espatios. Graphies avec c et graphies avec t se côtoient ainsi dans la Chronique des ducs de Normandie (fin du XIIsiècle) : « Espacios e delitable » (= spacieux et plaisant), « Fis faire leu espatios [...] », sous la plume de Brantôme : « Un [...] bastiment, si grand et espacieux qu'il peut loger tout un petit monde »,  « [Un château] estoit fort grand et espatieux », et jusque dans le Dictionnaire de Furetière (édition de 1727) : « Spacieux ou spatieux ». À la fin du XVIIe siècle, Nicot, l'Académie et Richelet écrivent encore ledit adjectif avec un : « un jardin spatieux, une cour fort spatieuse » (première édition du Dictionnaire de l'Académie, 1694). Il n'empêche, s'empresse d'ajouter Charles Le Roy dans son Traité de l'orthographe française (1739), « l'usage veut qu'on se conforme aujourd'hui au mot français espace, plutôt qu'au latin spatium ». La mécanique orthographique, il est vrai, se révèle parfois autrement capricieuse que la mécanique céleste.

Quant à la double accentuation dont est ici l'objet le mot télescope, il s'agit, vous l'aurez compris, d'une graphie carrément... space !

Remarque : Dans son livre Zéro faute (2009), François de Closets s'interroge en ces termes : « Est-ce si stupide d'écrire spacial ? À l'époque [dans les années 1960], je le pensais, mais, depuis lors, je me suis livré à un calcul logique. Sur le plan de la phonétique tout d'abord, faut-il suivre bestial qui fait entendre la lettre t ou spécial qui fait entendre la lettre c ? À l'évidence, spatial se prononce comme spécial et pas comme bestial. Il devrait donc prendre un c et pas un t. Poussons le scrupule jusqu'à faire la recherche par analogie. Si je prends le mot société, il donne deux adjectifs, social ou sociétal. Le t apparaît lorsqu'il se prononce. Espace, qui n'a pas de t, n'a aucune raison de mettre cette lettre dans spatial qui se prononce comme c. Cherchons par l'étymologie : nous remontons au latin spatium. Voilà l'origine du t. Fort bien, mais spatium a d'abord donné espace, et, par conséquent, a perdu son t. Pourquoi faut-il qu'il le retrouve dans spatial alors que l'on prononce spacial ? Une construction étymologique rigoureuse m'aurait donné espate conduisant à spatial dans lequel le t serait sonore. Ainsi, spatial écrit avec un t et prononcé comme un c ne répond ni à la phonétique ni à l'étymologie. C'est une absurdité, mais c'est ainsi, il faut le savoir. » Notre auteur aurait-il donc oublié qu'en français la finale -tial se prononce bien plus souvent avec le son [s] qu'avec le son [t] ? Que l'on songe à abbatial, initial, martial, nuptial, partial... La différence entre spatial et ces adjectifs, c'est que ceux-ci sont empruntés de l'adjectif latin correspondant (abbatialis, initialis, martialis, nuptialis, partialis), alors que celui-là aurait été directement formé sur le nom latin spatium, près de cinq siècles après l'apparition du mot espace !

 

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


Le télescope spatial Hubble.

 

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E
Spatial <br /> Le mot ne viendrait-il pas de l'adjectif latin spatiosus signifiant "de grande étendue"?<br /> Ce qui légitimerait, à mon avis, sa graphie tant controversée. 
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M
Crucial...
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