« "Quand je suis enfermé à Paris, que j'écoute ce qu'on me dit et que je regarde les sondages, je peux avoir un doute mais, sur le terrain, les Français sont à mille lieux de tout ça", juge-t-il en privé, en référence au sondage IFOP fin novembre lui accordant 7 % d'intentions de vote à la primaire chez les sympathisants UMP » (à propos de François Fillon, photo ci-contre).
(Alexandre Lemarié, sur lemonde.fr, le 6 décembre 2013)
(photo Wikipédia sous licence GFDL par Marie-Lan Nguyen)
Ce que j'en pense
Loin de moi l'intention de faire remonter la coquille en haut lieu, mais notre journaliste aurait assurément mieux fait de chausser ses bottes de sept lieues et de parcourir un dictionnaire avant de mettre le point final à son article.
Il y aurait appris qu'il n'y a pas lieu de confondre le substantif masculin lieu (emprunté du latin locus, « endroit, place ») et son homophone féminin lieue (emprunté du latin leuca), qui désigne une ancienne mesure de distance valant quatre kilomètres environ. De là l'expression figurée être à cent, à mille lieues de pour « être loin de, très éloigné de » (1) : « Elle était à cent lieues d'imaginer qu'il se conduirait ainsi » (Dictionnaire de l'Académie) ; « Voilà une si monstrueuse pensée que je suis à mille lieues de la concevoir » (Mme de Sévigné) ; « Je vis à mille lieues des brouillards parisiens, sur une colline lumineuse, dans le pays des tambourins et du vin muscat » (Alphonse Daudet).
Nul besoin d'un sondage pour constater, en guise d'état des lieux, que l'usage fautif de lieu en lieu et place de lieue est de plus en plus commun chez les sympathisants de tout bord : « à cent lieux des effets de mode » (L'Humanité) ; « à cent lieux des vieilles recettes du Parti socialiste » (Libération) ; « à cent lieux des bisbilles des calculs politiciens » (Daniel Cohn-Bendit, dans Le Huffington Post) ; « Mon premier emploi est à mille lieux de mes rêves » (Le Monde) ; « la vie de la romancière bisexuelle est à mille lieux de celle de l'intellectuelle de Saint-Germain-des-Prés » (L'Express) ; « À mille lieux pourtant de ce que l'on peut trouver dans la collection des Robert » (Le Figaro). Après tout, la lieue ne mesure-t-elle pas la distance entre deux... lieux ?
Estimons-nous heureux, au demeurant, d'avoir échappé aux mille lieus qui, mis bout à bout sur terre ou sous les mers, doivent constituer... une sacrée queue de poisson !
(1) On notera que le complément peut être un infinitif (seule construction retenue chez Robert) ou un substantif.
Ce qu'il conviendrait de dire
Les Français sont à mille lieues de tout ça.