« Le châle vert semble un icône de la féminité littéraire. »
(Nicole Terrien, dans Madame Bovary, le bovarysme et la littérature de langue anglaise, 2004)
Ce que j'en pense
« Pourriez-vous ajouter dans votre liste le mot "icône", qui est du genre féminin, bien sûr, mais que certains informaticiens persistent à vouloir masculin ? », m'écrit un visiteur de ce site, à propos des noms sur le genre duquel on peut hésiter. Force est de constater que les informaticiens ne sont pas les seuls à relancer périodiquement la guerre des genres.
Emprunté, par l'intermédiaire du russe ikona, du grec eikôn (« image »), le mot icône est entré en français comme substantif féminin pour désigner dans l'Église d'Orient une image sainte, peinte le plus souvent sur bois : Les icônes byzantines. Une icône russe représentant saint Georges. À ce sens premier, seul reconnu à ce jour par l'Académie, est venu s'ajouter à la fin du XIXe siècle un deuxième, par le truchement de l'anglais icon (de même étymologie que le français icône) introduit en sémiologie par l'Américain Charles Sanders Peirce : « représentation ayant une relation de ressemblance (visuelle, sonore ou autre) avec son référent ». Curieusement, nos dictionnaires usuels ne s'entendent ni sur le genre ni sur la graphie de cet emprunt-là : nom masculin ou féminin, au choix, sans accent circonflexe chez Robert (L'onomatopée est un icone) ; nom exclusivement féminin, avec accent circonflexe chez Larousse (Le dessin d'une maison est une icône par rapport à la maison qu'il représente). À la croisée de cet emploi didactique et du sens originel est enfin apparue une troisième acception, dans le domaine informatique : « élément graphique, pictogramme qui représente à l'écran un objet auquel il permet d'accéder ». Là encore, le mélange des genres règne en maître : on clique sur un icone chez Robert, sur une icône chez le concurrent Larousse, lequel s'en tient prudemment aux recommandations de la commission de terminologie et de néologie (1).
Reste cet emploi figuré, toujours sous l'influence de l'anglais icon, au sens de « personne, personnage qui symbolise (un courant, une qualité...) », dont seul Robert se fait l'écho... au féminin, puisque en relation avec le sens premier : Une icône de l'antiracisme.
Si l'on comprend l'utilité de l'artifice que constitue pour les linguistes et les informaticiens le recours à la variante un icone, à savoir éviter toute confusion avec la pieuse icône, on s'interroge sur son bien-fondé : le contexte ne suffit-il pas d'ordinaire à distinguer le religieux du profane ? Ira-t-on jusqu'à nous faire croire que les églises orthodoxes regorgent à ce point de souris et de mulots que l'on en viendrait à espérer augmenter la taille de leurs précieuses icônes en... cliquant dessus ? Quitte à s'inspirer de la langue anglaise, pourquoi ne pas plutôt parler d'un icon, à... l'image d'un favicon (icône informatique symbolisant un site Internet et apparaissant dans la barre d'adresse des navigateurs) ? C'est moche, c'est sûr, mais cela couperait court à tout quiproquo, si improbable fût-il.
À la réflexion, mieux vaut encore s'en tenir à notre traditionnelle icône, dans toutes les acceptions évoquées ci-dessus : coiffée de son accent circonflexe, qui n'a aucune justification étymologique mais qui correspond à la prononciation fermée de l'o (2), elle demeure à l'abri des modes, des snobs... et de leurs appareils photo Nikon.
(1) « "Icone", n. m., ne doit pas être utilisé. »
(2) Le circonflexe disparaît dans les dérivés iconoclaste, iconographie, etc., où le o est prononcé ouvert.
Ce qu'il conviendrait de dire
Le châle vert semble une icône de la féminité littéraire.