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Inclinaison / Inclination

En dépit d'une étymologie commune (latin inclinatio) et d'une indéniable parenté paronymique, les substantifs féminins inclinaison et inclination ont longtemps fait l'objet de la distinction suivante :

  • inclinaison, employé au seul sens propre, devait être réservé à l'état de ce qui est incliné.

    L'inclinaison d'un toit, de la tour de Pise. Un angle d'inclinaison.
    Cette inclinaison de la tête sur la gauche lui donnait un air recueilli.


  • inclination devait être réservé à l'action d'incliner, au sens propre (pour marquer le salut, l'acquiescement ou le respect) comme au sens figuré (pour exprimer le penchant, naturel, pour quelque chose ou celui, plus coupable, pour quelqu'un).

    Il m'a salué d'une inclination de tête (sens propre).
    Avoir une inclination à mentir, de l'inclination pour quelqu'un (sens figuré).


Force est de reconnaître que l'usage, parfois peu enclin à se soumettre aux règles, s'est aventuré sur des pentes bien trop inclinées pour conserver à l'édifice intellectuel sa cohérence originelle. Jusqu'à verser dans une relative confusion. En témoigne cette citation de Martin du Gard : « [J'éprouve pour elle] une inclinaison sentimentale, une sympathie... amoureuse » (au lieu du inclination attendu).

À cette aune-là, on en viendrait à se persuader que notre ancien président ne s'était pas fourvoyé (sémantiquement parlant) en expliquant, le 6 septembre 2011, à des routiers penchés vers lui, le regard oblique : « Par inclinaison personnelle, j’ai plutôt envie de donner satisfaction à ceux qui disent "laissez-moi travailler plus", plutôt qu’à ceux qui disent "je veux travailler moins" »...

Alors, sur le déclin, inclination ? Il semble bien que ledit substantif souffre de nos jours d'un déficit d'image, consécutif à un penchant trop marqué pour le désuet et le suranné (ne parlait-on pas autrefois de « mariages d'inclination » ?). À la rigueur le cantonnerait-on dans le seul sens moral, auquel le destinait sa formation savante. Est-ce une raison suffisante pour s'incliner sans réagir devant la suprématie annoncée de son prolétaire de concurrent, de formation plus ancienne ? Il ne tient qu'à nous d'inverser la tendance, tout du moins de la redresser.

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Remarque : On notera que le verbe incliner cumule les deux sens, puisqu'il signifie à la fois « courber ; être penché » et « disposer à ; être enclin à ».

Inclinaison / Inclination
La carte du Tendre est parcourue par le fleuve Inclination.
(source Wikipédia)

 

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M
Vous conviendrez, toutefois, que la lecture du paragraphe dans son intégralité ne laisse planer aucun doute quant à l'identité du pronom elle (mis pour Renée).
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M
Dans son roman « La curée », Emile Zola écrit : « Mais il y eut une secousse dans le trot régulier de la file des voitures. Et, levant la tête, elle salua deux jeunes femmes couchées... » Vous conviendrez avec moi que cette phrase désarçonne par sa construction syntaxique, non ?
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M
Je vous remercie de votre message d'encouragement. Devant tant d'éloges, croyez bien que j'incline à poursuivre cette passionnante aventure.
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S
Cher Monsieur, le mot d'inclination est trop faible pour décrire le plaisir que me procurent vos articles, que j'ai découverts fortuitement au détour d'une banale recherche syntaxique. Puissiez-vous poursuivre longtemps votre œuvre pie avec autant d'esprit et d'ironie douce.
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M
Il ne vous aura pas échappé que j'ai également écrit : "inclinaison devait être réservé à..."L'accord est ici déterminé par le sens : ce ne sont pas les inclinations qui sont attendues, ce n'est pas l'inclinaison qui est réservée... mais bien le mot, le terme : au lieu des (mots) inclinations attendus ; (le mot) inclinaison devait être réservé à. D'où le choix, que l'on peut trouver discutable, de l'accord au masculin.
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