« Comment avez-vous abordé la question de la reconstitution historique ? Énormément de lectures : [...] Les Croix de bois de Roland Dorgelès, Le Feu d'Henri Barbusse, tous les récits autobiographiques de Maurice Genevoix, et pléiade d'autres livres. »
(Albert Dupontel, dans le dossier de presse du film Au revoir là-haut)
Ce que j'en pense
Autant le reconnaître d'emblée : ce billet n'est qu'un prétexte pour saluer la sortie du dernier film d'Albert Dupontel Au revoir là-haut, poétique adaptation du roman de Pierre Lemaitre. Il n'empêche, j'avoue avoir tiqué à la vue de cet emploi suspect de pléiade. Car enfin, ledit substantif n'est-il pas censé se construire ici-bas avec un article (ou un déterminant) et un complément de personne (ou de chose personnifiée) ? Qu'on en juge : « Réunion de personnes remarquables. Une pléiade d'écrivains, de philosophes » (neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie), « Groupe de personnes considérées généralement comme illustres ou remarquables » (TLFi), « Groupe de personnes remarquables » (Robert), « Petit groupe de gens remarquables. Cette pièce est interprétée par une pléiade d'acteurs de premier rang » (Girodet), « Nombre indéterminé, mais restreint, de personnes formant cénacle et représentant une élite : Il y avait dans cet état-major une pléiade d'excellents officiers (Académie). Une pléiade d'élèves distingués » (Thomas). L'affaire paraît entendue. Seulement voilà, Hanse vient semer le trouble, en écrivant sans l'article (à l'instar de nombre de, pléthore de, quantité de, etc.) : « Groupe important de personnes, généralement remarquables : pléiade d'ingénieurs » ; et plus encore mon Petit Larousse illustré, en proposant cette définition pour le moins ambiguë : « Groupe important (de personnes, en particulier). » En particulier ? Est-ce à dire que le groupe peut à l'occasion être constitué d'autres choses que de personnes, si j'ose m'exprimer ainsi ? À y regarder de près, le Dictionnaire historique de la langue française n'est pas loin de le croire : « Le mot s'applique à un groupement ou à une réunion de sept personnages célèbres (1845-1846, Bescherelle) et, avec un contenu plus flou, à un groupe nombreux (1856). » Témoin ces (rares) attestations chez nos écrivains : « Une moisissure est une pléiade de fleurs ; une nébuleuse est une fourmilière d'étoiles » (Victor Hugo), « Une pléiade de royaumes » (Jean-Baptiste-Joseph Champagnac), « Une pléiade de morceaux choisis » (Jean-Claude Chevalier), « L'horrible visite d'une pléiade de chenilles grises [et... poilues !] » (Pierre Loti), « Une pléiade de masques » (Jean Demélier), « Une pléiade de discours nietzschéens, heideggériens, freudolacaniens, néomarxistes, voire néodarwiniens » (Luc Ferry). On trouve aussi dans le jargon médical l'expression pléiade ganglionnaire, qui désigne « tous les ganglions d'un même groupe lorsqu'ils sont enflammés et augmentés de volume » (Grand Larousse).
Après tout, le mot a bien désigné, à l'origine (début du XIIIe siècle), les sept étoiles constituant la constellation du Taureau, par allusion aux sept filles d'Atlas et de Pléioné que Zeus changea en astres pour qu'elles échappent aux poursuites du chasseur Orion − dans cet emploi, toutefois, il s'écrit généralement au pluriel et avec une majuscule : « D'un geste de tête, il me montra au firmament une constellation clignotante. − Les Pléiades, murmurai-je » (Pierre Benoît). Ce n'est que trois siècles plus tard qu'il fut appliqué à des personnes, pour désigner notamment (avec la majuscule) le groupe des sept poètes français de la Renaissance (Ronsard, Du Bellay, Baïf, Belleau, Pontus de Tyard, Jodelle, et Peletier du Mans, remplacé après sa mort par Dorat), puis, par extension (et avec la minuscule), tout groupe − plus ou moins important en nombre − de gens remarquables.
Dans le doute, et en l'absence de règle nettement... tranchée, mieux vaut encore garder à pléiade son article, son complément de personne et sa valeur laudative, et recourir à quantité, multitude, voire myriade quand il est question (d'un grand nombre) de choses.
Remarque 1 : On notera que pléiade s'écrit sans tréma, conformément à la règle selon laquelle le i qui suit un é n'en est jamais coiffé (absentéisme, acnéique, caféier, cunéiforme, déiste, homogénéiser, kaléidoscope, manichéisme, ostréiculture, velléitaire...).
Remarque 2 : Voir aussi le billet Pléiade.
Ce qu'il conviendrait de dire
Quantité d'autres livres.