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Il y a des limites...

« Depuis François Ier, la France est par ailleurs en bon terme avec les Turcs pour contrer les Habsbourg. »
(Sibylle Chevrier, sur bvoltaire.fr, le 6 octobre 2017)

 

 

  FlècheCe que j'en pense


Sans doute est-il utile de rappeler ici − histoire de mettre un terme à toute hésitation − que celui-ci s'écrit au pluriel dans l'expression être en bons (ou en mauvais) termes avec quelqu'un, laquelle signifie « entretenir de bonnes (ou de mauvaises) relations avec lui » : « On creut qu'ils estoient demeurez en bons termes » (Nicolas Coeffeteau, 1623), « Ils étoient en très mauvais termes avec leur prince » (Richelieu, vers 1640), « Il [...] est en bons termes avec tout le monde » (Prosper Mérimée), « Il me paraissait à peu près impossible de me maintenir longtemps en bons termes avec [elle] » (Anatole France), « Il était dans les meilleurs termes avec Mme R., la doctoresse » (André Gide), « Non que les deux hommes fussent en mauvais termes » (André Maurois), et aussi « En quels termes était-il avec elles ? » (Georges Simenon), « Vous êtes toujours dans les mêmes termes avec votre femme ? » (Boris Vian). 
N'allez pas croire pour autant, comme le donne à penser la maison Larousse, que l'on en vienne dans ces cas à dire nécessairement du bien (ou du mal) d'autrui (1), à l'instar de l'expression voisine parler en bons (ou en mauvais) termes de quelqu'un. Non ! Il n'est que de consulter les dictionnaires historiques pour s'aviser que le pluriel termes, dans ces deux locutions, doit être pris avec des acceptions différentes.

Emprunté du latin terminus (« borne, limite »), terme s'est d'abord employé au sens de « date à venir ; délai, échéance » (XIe siècle). De l'idée de limite temporelle (à court terme, le terme de la vie), on est passé à celles de limite spatiale (hors des termes de ladite terre, les termes royaux) et d'aboutissement (mettre quelque chose en terme). De là le pluriel termes s'est dit de l'état, de la situation où l'on aboutit : « Et comme Gadiffer estoit en ces termes » (Roman de Perceforest, vers 1340 ?), « Et le sçavoit-on bien à Hesdin en quels termes il en estoit » (Georges Chastelain, vers 1465), « En très dolens et piteux termes » (Vigiles de Charles VII, vers 1484) et aussi − par le truchement du sens figuré de « limite imposée (dans les relations avec autrui) » − de la manière de se conduire, de se comporter, notamment dans l'expression tenir bons termes à quelqu'un, qui a signifié « être en règle, être en bonnes relations avec lui » (2) : « [Il] tint si bons termes et sy bonnes manieres envers ceulx de Pampelune » (Roman de Guillaume d'Orange, XIIIe siècle), « Je loue bien [= recommande] à un Prince de tenir bons termes aux marchans » (Philippe de Commynes, 1498). De la rencontre de ces deux acceptions est vraisemblablement issu le sens qui nous intéresse ici et que le Dictionnaire (1718-1878) de l'Académie définit en ces termes : « État où est une affaire, position où est une personne à l'égard d'une autre, par rapport à une affaire. En quels termes est cette affaire ? Elle est en bons termes, en mauvais termes. L'affaire d'un tel est en termes d'accommodement. Les parties sont en termes de conclure à l'amiable. Ce mariage est en termes de se conclure, de se renouer. En quels termes êtes-vous avec lui depuis votre querelle ? » Parallèlement à ces emplois s'est développé, à partir du milieu du XIVe siècle, le sens de « mot, expression d'une idée par le langage » − « parce qu'[un terme] circonscrit l'idée et lui donne des limites », lit-on dans le Dictionnaire étymologique (1863) de Paul-Adolphe Mazure −, auquel est rattachée l'expression parler en bons (ou en mauvaistermes de quelqu'un.

Toujours est-il que termes, dans parler en bons (ou en mauvaistermes de quelqu'un − où il s'agit clairement d'user de mots − comme dans être en bons (ou en mauvaistermes avec quelqu'un − où il est bien plutôt question de la nature des relations avec autrui −, s'écrit au pluriel. Et c'est là ce que l'on retiendra au terme de cette chronique.
 

(1) Encore qu'il soit rare, je vous l'accorde, d'être amené à dire du mal (du bien) de la personne avec qui on est censé être en bons (en mauvais) termes...

(2) Lesdits termes se voyaient qualifier de rigoureux dès lors qu'il s'agissait de témoigner son mécontentement : « Lequel pourroit luy en tenir quelques rigoureux termes » (Martin du Bellay, avant 1559).

   

Flèche

Ce qu'il conviendrait de dire


La France est en bons termes avec les Turcs.

 

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