« Un président en route pour la gloire, un congrès sur le départ avec un bilan catastrophique, l'Amérique démarre 2015 sous les meilleurs hospices. »
(Stéphane Trano, sur marianne.net, le 30 décembre 2014)
Ce que j'en pense
Notre journaliste − un vétéran ? − termine, quant à lui, l'année 2014 en pleine confusion homophonique. Car enfin, il n'y a guère que les grands crus de Bourgogne qui soient susceptibles de se trouver sous les meilleurs hospices... à Beaune !
C'est que hospice − dérivé du latin hospes (« hôte ») pour désigner autrefois la maison où les religieux donnaient l'hospitalité aux pèlerins, puis l'établissement public où sont hébergées et soignées les personnes âgées démunies − n'a rien à voir avec auspice, emprunté du latin auspicium (de avis, « oiseau », et de spicere, « examiner ») et qui désigne les présages que les Romains tiraient de l'observation du vol et du chant des oiseaux, d'où, par extension, les circonstances permettant d'envisager l'avenir.
L'expression figurée sous les meilleurs auspices (et ses variantes sous d'heureux, sous de tristes, sous de cruels, sous de funestes auspices) signifie donc « avec les meilleurs présages » (ou « dans des circonstances qui présagent un succès ou un revers, un malheur, etc. ») : Notre collaboration commence sous les meilleurs auspices.
Mais là n'est pas le seul écueil que nous réserve notre affaire : nombreux sont ceux qui hésitent encore sur le genre du substantif auspice (qui, rappelons-le, est du masculin). Je n'en veux pour preuve que ces exemples − fautifs, il va sans dire − dénichés sur la Toile : « Afin de démarrer l'année sous les meilleures auspices » (L'Express), « Notre immersion dans l’univers de Jeff Koons commence sous les meilleures auspices » (Atlantico), « [La rencontre] ne partait pas sous les meilleures auspices » (France 3), « Son dernier week-end chez Ferrari ne s'annonce pas sous les meilleures auspices » (TF1). Et que dire de l'emploi du bougre au singulier, sinon qu'il divise les spécialistes ? Girodet, Hanse, Larousse et Robert le donnent toujours au pluriel ; force est pourtant de constater que Racine ne rechignait pas à l'écrire au singulier : « Jamais hymen formé sous un plus noir auspice. » On ne s'étonnera donc pas de voir figurer − prudence oblige − la mention « le plus souvent au pluriel » dans la dernière édition du Dictionnaire d'une Académie que le romancier Daniel Poliquin, un rien caricatural, n'hésite pas à comparer à... « un hospice de droitiers où on parle le français du Guide Michelin » !
Remarque : On dit aussi sous les auspices de quelqu'un pour « sous sa protection, sous sa conduite » : Débuter dans la politique sous les auspices d'un ministre.
Ce qu'il conviendrait de dire
L'Amérique commence 2015 sous les meilleurs auspices.