« À l'international. »
(titre d'une chanson de Tal)
Ce que j'en pense
Attention, locution suspecte ! Le mot international n'est-il pas d'ordinaire enregistré dans les dictionnaires comme adjectif, au sens de « qui réunit, qui se déroule entre deux ou plusieurs nations, qui concerne les rapports entre les nations » (les relations internationales, des accords internationaux), alors que l'on attendrait plutôt un substantif derrière le déterminant l' ? Force m'est pourtant de constater que cet attelage contre nature ne semble guère émouvoir nos contemporains : ne voit-on pas fleurir sur la Toile des « rendez-vous de l'international », « à l'heure de l'international », « réussir à l'international » et autres constructions grammaticalement irrégulières ?
Vous me rétorquerez, avec quelque apparence de raison, que notre adjectif s'emploie à l'occasion comme substantif dans le domaine sportif, pour désigner une compétition opposant plusieurs nations (des internationaux de tennis) ou un athlète qui représente son pays dans ces compétitions (un joueur international ou un international). Le bougre se trouve même affublé d'une majuscule pour désigner l'Association internationale des travailleurs, fondée par Karl Marx en 1864, et, par extension, son chant révolutionnaire : L'Internationale. Partant, pourquoi le tour à l'international ne serait-il pas recevable ?
L'Académie française a légitimement voix au chapitre : « À l’international est une formule elliptique en usage dans la langue du commerce : Prospective, travail, mobilité à l’international », peut-on lire sur son site Internet. Premier enseignement : la locution, absente du Dictionnaire de l'Académie, n'est finalement pas inconnue des Immortels. Plus sérieusement, on aurait souhaité que ces derniers se fussent montrés moins évasifs, en précisant de quelle formule à l'international serait l'ellipse. À la réflexion, on devine − avec un certain amusement − l'embarras des sages du quai Conti à évoquer les expressions au plan international, au niveau international, abusivement employées pour sur le plan international...
Vous l'aurez compris, à l'international n'est pas sans rappeler au final : dans les deux cas, une construction elliptique associe imprudemment un déterminant, fût-il contracté, à un adjectif. La plupart des spécialistes passeront leur chemin, préférant à ce jargon commercial le tour à l'étranger, autrement recommandable. Seul Larousse, sensible à la voix des travailleurs venus de tous les horizons, finira par accueillir dans ses colonnes le substantif international, au sens de « domaine des relations internationales, spécialement dans les échanges commerciaux » et, dans une entreprise, « secteur chargé de ce domaine : Travailler à l'international ».
Et c'est là que le bât blesse le plus. Car enfin, je vous le demande, qu'entend-on par « travailler à l'international » ? Développer depuis la France des contacts commerciaux avec des entreprises étrangères ou travailler à l'étranger avec le statut d'expatrié ? Avouez que le doute est permis... Il n'en fallait pas davantage pour que nos académiciens nationaux haussassent le ton : « Cette construction s'étend abusivement. À l'international est trop souvent employé pour À l'étranger. Un billet de train valable en France et à l'international. Qu'en dit-on à l'international ? Quelles sont les réactions à l'international ? » Mais il faut croire qu'une syntaxe approximative et une signification imprécise ne pèsent pas lourd devant les relents de xénophobie qui émanent du mot étranger.
Moins « connoté », à l'international ? La propension de notre société à l'euphémisme et au « politiquement correct » n'est sans doute pas... étrangère au récent succès dudit tour dans le monde des affaires.
Remarque : Voir également le billet Au final.
Ce qu'il conviendrait de dire
À l'étranger (même si cela rime moins bien).