« "Vous n’êtes que des baltringues à l’UMP". Face à l’apostrophe forte de café, le militant a souri d’une lèvre » (à propos de la primaire pour désigner le candidat de l'UMP à l'élection municipale de Paris).
(Nicolas Domenach, sur marianne.net, le 2 juin 2013)
Ce que j'en pense
Voilà qui est un peu fort, en effet : à ma connaissance, aucun ouvrage de référence n'indique clairement si la locution fort de café est variable. Il faut dire que celle-ci n'est jamais enregistrée que dans sa construction impersonnelle : c'est (un peu) fort de café mis pour c'est (un peu) fort en café – façon ironique pour les amateurs de petit noir de corser le tour classique c'est (un peu) fort –, avec le sens figuré de « cela passe la mesure, c'est exagéré » ou, selon la marque de la dosette, de « c'est difficile à admettre, c'est invraisemblable ».
D'extraction populaire, l'expression connut son heure de gloire au XIXe siècle. On la trouve sous la plume de Balzac : « C'est un peu trop fort de café comme ça » ; D'Hautel l'évoque dans son Dictionnaire du bas-langage (1808) : « C'est un peu fort de café. Calembourg [sic], jeu de mot populaire qui se dit pour exprimer que quelque chose passe les bornes de la bienséance, sort des règles sociales ». Pour Littré, sensible à l'amertume de la boisson, « fort de café vient de ce que les personnes qui prennent du café au lait, disent, lorsque c'est le cas, qu'il est trop fort, trop chargé de café ».
Mise depuis à tous les parfums (fort de moka, fort de cacao, fort de chicorée, fort d'eau-de-vie), l'expression se rencontre parfois en fonction d'épithète, comme dans le cas qui nous occupe. L'adjectif fort doit-il pour autant s'accorder ? Non, si l'on considère que ladite locution est figée, à l'instar de se faire fort de (au sens de « prendre l'engagement de ») : Cette intervention est fort de café (Grammaire et histoire de la grammaire, 1988), comme Elle s'est fait fort de l'aider (ou encore Une montre haut de gamme). L'invariabilité, bien que difficile à avaler pour certains, est également de rigueur selon le Wiktionnaire. On trouve pourtant chez Féraud (1787) des exemples de constructions similaires où l'adjectif varie naturellement : Les vers y sont un peu forts de plaisanterie. La solution de ce problème littéraire est un peu forte de métaphysique. En l'absence de caution « pur sucre », l'hésitation est donc permise.
Voir également le billet Se faire fort de.
Ce qu'il conviendrait de dire
Le café n'étant pas ma tasse de thé, je préfère m'abstenir.