Faisant tous deux référence au sentiment de s'être trompé, erreur et faute sont des mots souvent confondus.
La différence, bien que subtile, n'en est pas moins présente : une faute (altération du latin falsus, faux), c'est un manquement à une règle (morale, scientifique, artistique...), à une norme, alors qu'une erreur (nom emprunté du latin error, errer d'où incertitude, ignorance) n'est rien d'autre qu'une méprise, une action inconsidérée, voire regrettable, un défaut de jugement ou d'appréciation.
Ainsi commettra-t-on une faute de français (c'est-à-dire une faute contre l'ensemble des règles régissant notre langue, comme on le disait à une époque), une faute de goût (manquement à la bienséance) mais une erreur judiciaire.
Certains linguistes ont voulu faire de la conscience de la méprise la distinction entre faute et erreur. Ainsi, Gheorghe Doca rappelle que « les fautes sont liées à la performance » (on en est immédiatement conscient : lorsque l'on attire notre attention sur elles, on a la possibilité de faire soi-même la correction parce qu'on connaît les règles) tandis que « les erreurs sont liées à la compétence » (on les fait de façon inconsciente et involontaire, faute de connaissance suffisante de la règle).
Plus globalement, la distinction repose sur l'idée de responsabilité – pour ne pas dire de culpabilité (à la différence du péché, la faute n'a pas forcément de connotation religieuse... mais force est de constater qu'elle reste le plus souvent moralement connotée dans l'inconscient collectif).
Nous sommes responsables de nos fautes, en ce que nous sommes censés connaître les règles, les lois qui prévalent. En revanche, une erreur est le plus souvent commise de façon involontaire – sans intention délibérée, donc de bonne foi (à la différence d'un mensonge) –, par inattention, par maladresse, par oubli, par ignorance...
C'est ma faute, tout cela est arrivé par ma faute.
Cette décision précipitée fut une faute (= un manquement à la prudence).
Sauf erreur ou omission.
Induire quelqu'un en erreur (= l'amener à se tromper).
Remarque 1 : L'usage veut que l'on parle d'une faute d'orthographe mais d'une erreur de calcul. Comme si une confusion avec les lettres était plus grave qu'une maladresse avec les chiffres... Il me semble pourtant que l'on devrait pouvoir dire, dans les deux cas :
Une faute de calcul ou d'orthographe (si l'on insiste sur le manquement aux règles calculatoires ou orthographiques) et Une erreur de calcul ou d'orthographe (si l'on relève l'étourderie, la confusion, la simple inexactitude).
Un internaute (qui se fait appeler Jean-Mi sur un forum de discussion) introduit pertinemment le débat :
« Je me rappelle une "petite sixième" qui, ayant écrit "Il oubli", s'étonnait que j'ajoute un E alors que "il" est masculin... Avait-elle commis une faute ou une confusion entre l'accord de conjugaison et l'accord en genre ? Cette fillette avait réfléchi, s'était posé la question de terminaison, avait repéré le genre du sujet, mais, tout simplement, elle n'avait pas encore assimilé les codes (...) Je propose donc qu'on remplace "faute d'orthographe" par "erreur d'orthographe". »
Et vous, qu'en pensez-vous ?
Remarque 2 : Une erreur étant le plus souvent involontaire, on conçoit que l'expression erreur involontaire relève du tour pléonastique... sauf quand on souhaite insister sur le fait qu'il s'agit justement là d'une méprise commise de façon non délibérée, par opposition aux (rares ?) cas d'erreurs intentionnelles.
Remarque 3 : La locution prépositive faute de (sans déterminant) signifie « par manque de, à défaut de » et est invariable. On se gardera de la confondre avec l'expression une faute de, où le nom faute est précédé du déterminant une et suivi de son complément (voir Remarque 4).
Faute de grives, on mange des merles (= à défaut d’avoir ce que l’on veut, on se contente de ce que l'on a).
Faute d'avoir fait cela (et non faute de n'avoir fait cela, qui signifierait le contraire).
Remarque 4 : On conçoit que, dans les expressions une faute d'étourderie, une faute d'inattention, etc., le sens est en fait celui d'erreur. On pourra donc avantageusement parler d'une erreur d'étourderie ou d'inattention. On notera que, dans ces emplois, le nom qui suit peut exprimer soit la nature soit la cause de l'erreur ou de la faute.
Une faute de goût, de français (= en matière de goût, de français).
Une erreur d'inattention (= commise par inattention) et non Une erreur d'attention (l'attention ne peut être ni la nature ni la cause de l'erreur).
Cependant, quand ces mêmes expressions sont employées sans déterminant, elles relèvent de la locution prépositive faute de, qui signifie « par manque de » (voir Remarque 3). On dira donc :
Faute d'attention, il a mal recopié la poésie (et non Faute d'inattention, il a mal recopié sa poésie) mais Il a fait une faute d'inattention en recopiant la poésie (et non une faute d'attention).
Remarque 5 : On écrira c'est ma faute de préférence à c'est de ma faute qui, bien que correct, relève du langage populaire. On privilégiera notamment la tournure sans préposition lorsque faute a un complément, qui sera introduit par de et non par à.
C'est la faute de Pierre (et non C'est la faute à Pierre ni C'est de la faute de Pierre).
Toutefois, lorsque faute est précédé d'un déterminant possessif, il est possible d'employer le déterminant à pour renforcer ce possessif.
C'est leur faute, à ces imbéciles !
Étrangement, on continue à dire à qui la faute ? sans que cela choque...
Remarque 6 : Concernant l'expression sans faute(s), voir l'article Accord avec sans.
Remarque 7 : Au tennis, faute ! (out en anglais) se dit quand une balle retombe hors des limites du terrain (ici, faute = manquement à la règle d'un jeu). Jacques Capelovici (voir bibliographie) s'interroge à juste titre sur le bien-fondé de la formule « la balle est faute », faute étant un nom et non un adjectif...
Quant à l'expression « double faute », qui désigne le fait de manquer deux services consécutifs au tennis, on notera son pluriel : doubles fautes.
Bien que distincte du péché, la faute reste moralement connotée...