Voilà un de ces verbes à la mode qu'il est de bon ton d'employer pour briller en société. Encore faut-il en maîtriser le sens et la construction.
Enjoindre signifie « ordonner expressément, prescrire » ; il se conjugue comme joindre et se construit comme ordonner : avec un complément d'objet direct (ordinairement un infinitif précédé de l'introducteur de, plus rarement un nom [cf. Remarque 1]) précisant l'action attendue et un complément d'objet indirect (ou second) désignant la personne à qui l'ordre est donné. On dira donc : enjoindre à quelqu'un de faire quelque chose (et non enjoindre quelqu'un de faire quelque chose ou à faire quelque chose, comme on l'entend de plus en plus souvent sous l'influence probable de l'anglais to enjoin someone to do something) et il leur a enjoint de faire quelque chose (et non il les a enjoints de).
Le président a enjoint au gouvernement de prendre les mesures nécessaires (et non Le président a enjoint le gouvernement de prendre ou à prendre).
Les ministres ont reçu une demande leur enjoignant d'accélérer les réformes (et non les enjoignant) ou Les ministres ont reçu l'injonction d'accélérer les réformes.
Les policiers leur ont enjoint de ne pas porter plainte (et non leur ont enjoints : le participe passé reste invariable, car la proposition subordonnée infinitive, en fonction de complément d'objet direct, est toujours postposée).
Je vous enjoins de vous expliquer ! Il lui fut enjoint de s'expliquer.
Dans le doute, mieux vaut recourir selon le contexte à ordonner, commander, inviter, d'usage plus courant.
Remarque 1 : Enjoindre peut également se construire avec un autre type d'objet direct qu'un infinitif : « L'Église enjoint l'observation des fêtes » (quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie, 1762), « Les formalités que la loi nous enjoint » (neuvième édition dudit ouvrage, 1992), « La loi enjoint à chaque citoyen le paiement d'un impôt proportionnel à son revenu » (Larousse en ligne), d'où Un cessez-le-feu a été enjoint aux soldats. Ce tour (enjoindre quelque chose à quelqu'un) est toutefois considéré comme vieilli par Grevisse et le TLFi.
Remarque 2 : On s'étonne de trouver sous la plume pourtant avisée de Julien Soulié cette recommandation : « Enjoindre est transitif direct : on enjoint quelqu'un de faire quelque chose. On dira donc : La DRH l'a enjoint(e) de venir dans son bureau » (Trucs et astuces pour écrire sans fautes, 2014). Voilà qui contredit tous les exemples cités dans les ouvrages de référence : « On enjoignit à tous les officiers de rester à leur poste » (Littré), « Il lui enjoignit de se taire » (Grevisse), « On enjoignit à tous les officiers de se rendre à leur poste » (Académie), « Il lui a enjoint de venir » (Grand Robert), « On lui a enjoint de quitter le pays » (Larousse en ligne). Pour autant, est-on fondé à considérer enjoindre comme « un verbe transitif indirect », ainsi que l'écrivent l'Académie et l'Office québécois de la langue française sur leurs sites Internet respectifs ? Je ne le crois pas : d'une part, l'intéressé ne peut s'employer avec un objet indirect seul (on ne dit pas : Je lui enjoins sans préciser ce qui est enjoint, alors que l'inverse est attesté : « On confond toujours ce qu'une religion tolère avec ce qu'elle enjoint » [Édouard Lefebvre de Laboulaye]) ; d'autre part − et contrairement à ce que laisse entendre Michel Therrien dans Fais gaffe ! (2001) : « Le verbe enjoindre est transitif indirect, c'est-à-dire qu'il ne peut avoir que des compléments indirects ; il se construit avec les prépositions à et de » −, le de qui précède l'infinitif complément n'est pas à proprement parler une préposition mais un introducteur (ou marqueur) d'infinitif, qui ne donne pas lieu à une construction indirecte (j'en veux pour preuve le fait que la pronominalisation s'effectue avec un pronom COD : Je vous enjoins de vous expliquer ! → Je vous l'enjoins ! et non pas Je vous en enjoins !). Il s'agit donc bien plutôt d'un verbe transitif à double complémentation : un objet indirect de personne, suivi d'un infinitif (fût-il introduit par de) objet direct.
Remarque 3 : Si vous voulez faire chic et simple, il vous est possible de recourir à adjurer (adjurer quelqu'un de faire quelque chose = demander instamment quelque chose à quelqu'un) : Il l'adjure de dire la vérité.