En bon français, on peut avoir en charge (ou avoir la charge de) la gestion d'une entreprise, le gouvernement d'un pays, etc., être à la charge de quelqu'un, être pris en charge par quelqu'un, mais en aucun cas être en charge de quelque chose... à moins de parler d'un moyen de transport (camion, navire...) en cours de chargement ou d'une batterie que l'on ne veut plus voir à plat !
Aussi ne s'étonnera-t-on pas de la charge virulente que livre l'Académie à l'article « proscrire » de la dernière édition de son Dictionnaire : « L'anglicisme "en charge de" [traduction servile de to be in charge of] est à proscrire. » Il faut dire que la presse en était arrivée à s'accommoder de titres du genre : « Les généralistes chargés de prendre en charge la grippe A » (fruit d'un esprit et d'une langue bien... chargés ?).
Dans le sens de « confier une responsabilité, une mission », on remplacera avantageusement ladite expression par être chargé de, être responsable de, avoir la charge de, avoir la responsabilité de, avoir pour mission de, etc.
La personne chargée des relations extérieures (et non en charge des relations extérieures).
David est responsable de ce projet (et non David est en charge de ce projet).
Voilà pour le discours officiel. La réalité, elle, est autrement contrastée. Force est, par exemple, de constater que la position de l'Académie est plus ambiguë qu'il n'y paraît ; ne lit-on pas dans les discours de réception (ou les réponses auxdits discours) publiés sur son site Internet : « Vous vous sentez moins en charge de vos renommées personnelles » (Bertrand Poirot-Delpech), « Vous avez été l'officier général en charge du front de la langue » (Maurice Druon) ? Surtout, il n'est que de consulter les textes anciens pour s'aviser que la locution verbale être en charge (« occuper une fonction, une dignité ») − que les spécialistes (Académie en tête) n'envisagent qu'en construction absolue, à l'instar de ces deux exemples : « Les uns se plaisent d'estre en charge et mener vie publique » (Pierre Charron, 1601), « [Les] pasteurs qui étoient en charge auparavant » (Bossuet) − est attestée de longue date avec un complément (introduit par de) précisant, comme on pouvait s'y attendre, le nom de la charge exercée : « Iceluy estant en charge de magistrat » (Pierre de Larivey, 1608), « Celle qui estoit en charge de prieure » (Nicolas Pasquier, avant 1623), mais aussi, à l'occasion, l'activité ou la chose dont on est responsable : « Le mareschal estoit en charge de la conduicte des gens de guerre » (Louis Gollut, 1592), « Ce fidelle serviteur estant en charge de l'observer fidellement » (Gabriel Chapuys, 1610), « Des officiers qui y ont esté en charge de ma cognoisance » (Charles-Alexandre de Croÿ, 1619), « [Le] banquier qui est en charge de le faire » (Hyacinthe Boniface, 1689), « De la nomination des collecteurs. [...] ceux qui auront esté en charge de collecte » (Jacques Gauret, 1700), « Les demi-sçavants, critiques en charge de tous les ouvrages qui paroissent au jour » (La Forest de Bourgon, 1706). Et rien ne dit que les Anglais, fussent-ils connus pour charger les premiers, aient été pour quelque chose dans cette extension d'emploi...
Remarque 1 : On parlera correctement d'un chargé d'affaires (diplomate qui, en l'absence d'un ambassadeur ou d'un ministre plénipotentiaire, représente son pays auprès d'un État étranger) et d'un chargé de mission (fonctionnaire à qui l'on a confié une mission déterminée ; membre d'un cabinet ministériel).
Remarque 2 : Sont également critiqués les tours être en responsabilité de, en capacité de, en recherche de pour être responsable, capable, à la recherche de. Voir le billet Être en capacité de.
Bien qu'il s'agisse d'un sujet électrique, on écrira plutôt :
chargées ou ayant la charge de l'immigration...