« Car la ville [de Paris] sait qu’elle ne peut pas répondre seule aux défis qui se posent à elle, qu’ils s’agissent des transports, des risques liés à la Seine, à l’alimentation, à l’énergie… »
(Laetitia Van Eeckhout, sur lemonde.fr, le 21 septembre 2017)
Ce que j'en pense
Après les hésitations sur sa conjugaison aux temps composés (voir ce billet), voilà que le verbe s'agir fait de nouveau parler de lui. Grande est en effet la tentation, pour l'usager guidé par la seule oreille, de substituer à l'irréprochable (qu')il s'agisse le barbare (qu')ils s'agissent, par confusion homophonique entre les formes conjuguées du verbe agir et celles du verbe s'agir.
Rappelons à toutes fins utiles que le second, forme pronominale du premier, est un verbe impersonnel qui, en tant que tel, ne saurait se mettre au pluriel puisqu'il ne se conjugue qu'à la troisième personne du singulier (avec le pronom impersonnel il pour sujet) : il s'agit (indicatif présent et passé simple), il s'agissait (indicatif imparfait), il s'agira (indicatif futur), il s'est agi (indicatif passé composé), il s'était agi (indicatif plus-que-parfait), il se fut agi (indicatif passé antérieur), il se sera agi (indicatif futur antérieur), il s'agirait (conditionnel présent), il se serait agi (conditionnel passé), qu'il s'agisse (subjonctif présent), qu'il s'agît (subjonctif imparfait), qu'il se soit agi (subjonctif passé), qu'il se fût agi (subjonctif plus-que-parfait). Vous l'aurez compris : (qu')ils s'agissent n'est rien d'autre qu'une forme hybride et fautive, née du télescopage ô combien regrettable entre l'indicatif présent du verbe agir à la troisième personne du pluriel (ils agissent) et le subjonctif présent de l'impersonnel s'agir (qu'il s'agisse).
Las ! cette impropriété se répand contre toute attente, sur les bords de Seine comme partout ailleurs dans le pays. Jugez-en plutôt : « À moins qu'ils ne s'agissent de leurs ressortissants » (Le Point), « Qu'ils s'agissent de sa consommation de tabac [...] » (L'Express), « Qu’ils s’agissent de son entourage familial proche, celui éloigné, mais aussi de ses réseaux d’amitiés » (Atlantico), « Qu'ils s'agissent de grands groupes, de PME ou de start-up » (Les Échos), « Qu'ils s'agissent du politique et des services de l'Etat, du show-biz ou des médias » (RFI), « Qu'ils s'agissent de militaires de contrat ou de carrière » (BFM TV), « Qu'ils s'agissent de modèles à très bas prix ou plus avancés » (Europe 1), « Je ne pense pas qu’ils s’agissent d’actes délibérés » (Ouest-France), « Qu'ils s'agissent des créateurs ou encore des cinéastes » (Marie Claire). La confusion est telle que certains en viennent même à associer le sujet singulier il à la forme conjuguée au pluriel : « Qu'il s'agissent de prévention, médiatisation ou formation » (RTL), « Qu'il s'agissent de villes, de services militaires ou de compagnies aériennes » (Les Échos), « Qu'il s'agissent de la mise en place de la Société du Grand Paris [...] » (Libération), « Qu'il s'agissent de guêpes, d'abeilles ou de frelons » (France Soir), « Qu'il s'agissent d'hommes ou de femmes n'a pas d'importance » (Sud Ouest). À ce rythme-là, nul doute que l'on finisse par voir fleurir sur la Toile des ils se peuvent que... de facture tout aussi saugrenue.
Si encore il se fût agi d'humour...
Ce qu'il conviendrait de dire
Qu’il s’agisse des transports, des risques liés à la Seine, à l’alimentation, à l’énergie…