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Commencer / Continuer (à, de)

Littré, Girodet, Thomas se font l'écho d'une distinction que les grammairiens ont essayé d'établir entre commencer à et commencer de suivis d'un infinitif, ainsi qu'entre continuer à et continuer de, distinction qui serait fondée sur le principe que à indiquerait une intention dirigée vers un but (visée prospective, dans le jargon linguistique), quand de serait privilégié en présence d'une action de durée déterminée (visée rétrospective) ou en l'absence de toute intention.

Si nos spécialistes ne s'accordent pas sur la formulation de cette différence sémantique, voici néanmoins les tendances qu'il est possible de dégager.

 

Flèche

Commencer à, commencer de (+ infinitif)


Commencer à
se dirait d'une action qui n'est pas renfermée dans des limites précises, qui est susceptible de progrès. L'accent est mis sur l'action exprimée par l'infinitif.

Cet enfant commence à parler, à écrire (il entame un processus de longue haleine, qui aboutira au fait de savoir parler, de savoir écrire).

Il commence à s'intéresser à la Bourse, afin de faire fructifier son argent.

Le temps commence à changer.

Commencer de se dirait d'une action circonscrite, qui ne suppose pas de développement, qui ne tend pas à un but. L'accent est mis sur le fait de commencer.

L'orateur commençait à peine de parler quand on lui coupa la parole.

Je n'ai pas encore commencé de prendre des notes.

Quand le tonnerre commence de gronder, il faut s'attendre à un orage.

 

Flèche

Continuer à, continuer de (+ infinitif)


Sans doute la logique aurait-elle voulu, par analogie, que l'on continuât à faire ce que l'on a commencé à faire et que l'on continuât de faire ce que l'on a commencé de faire. C'est, du reste, ce que préconisait Roubaud au XVIIIe siècle : « On continue à faire ce qu'on fait d'habitude, ce qu'on a coutume de faire, tant qu'on n'y renonce pas ; on continue de faire ce qu'on fait actuellement, ce après quoi l'on est, tant qu'on ne discontinue pas. On continue à jouer tant qu'on est adonné au jeu ; on continue de jouer tant qu'on reste au jeu. » Las ! les académiciens de l'époque, sous l'influence de Marmontel (si l'on en croit Lafaye), décidèrent précisément le contraire.

Continuer à indiquerait donc la prolongation d'un acte commencé, d'une durée déterminée. L'accent est mis sur le fait de mener l'action à son terme.

Ils ont continué à parler sans se préoccuper de moi.

Je vais continuer à lire mon journal.

Continue à bien travailler, et tu seras reçu à ton examen.

« Cet homme, tenant son verre, continue à boire ; c'est-à-dire il achève ce qu'il avait commencé. » (Littré)

Continuer de indiquerait la persistance d'une action que l'on a l'habitude de faire ou dont la fin n'est pas envisagée. L'accent est mis sur l'action exprimée par l'infinitif.

Il continue de parler grossièrement (= il persiste dans ses habitudes grossières).

Je continue de lire des romans policiers.

La rivière continue de couler.

« Cet homme est un ivrogne, et, malgré ses promesses, il continue de boire, c'est-à-dire il persiste dans ses habitudes d'ivrognerie. » (Littré)


Force est de reconnaître que ces distinctions sont subtiles, mal cernées par les spécialistes eux-mêmes... et donc rarement respectées dans l'usage. De nos jours, l'Académie s'en tient désormais au constat suivant : « Commencer à ou, littéraire, commencer de, suivi d'un infinitif, sert à marquer le début d'une action. » Même marque d'usage avec continuer : « Continuer à ou, littéraire, continuer de, suivi de l'infinitif, persister à, ne pas cesser de. » Voilà qui a le mérite d'être beaucoup plus simple (sans pour autant rendre compte des occurrences des deux constructions) : commencer à et continuer à ressortiraient au langage courant, quand commencer de et continuer de appartiendraient à un registre plus soutenu (voire archaïsant, selon Dupré).

Encore plus simple : pour Grevisse et Hanse, les deux constructions sont correctes et de sens équivalent. Ouf, on commençait à/de s'inquiéter.

Séparateur de texte

Remarque 1 : Dans la pratique, le choix entre à et de relève le plus souvent d'un souci d'euphonie, à en croire Thomas, Girodet et Grevisse. C'est donc l'oreille qui aurait le dernier mot.

Il commença d'apprendre l'anglais (pour éviter le hiatus – frottement entre voyelles – commença à apprendre).

Il continue à demander la même chose (pour éviter la répétition de demander).

Reconnaissons que tout cela semble très subjectif, tant on perçoit mal la différence de traitement entre il persista à avancer (où le hiatus ne semble guère incommoder nos spécialistes) et il continua à avancer (où il offenserait subitement leurs oreilles délicates).
Goosse fait encore observer que commencer de est très fréquent dans la langue écrite, « du moins quand ce verbe est au passé » − comprenez : de, après le verbe à l'indicatif présent, paraît particulièrement affecté...
Selon Jean-Michel Kalmbach, enfin, « plutôt que d'y voir des nuances de sens particulières, il suffit de considérer [ces couples] comme des formes concurrentes, dont l'une représente un état plus ancien de la langue. [En effet,] le marqueur d'infinitif de était un élément solidement ancré dans la langue ancienne ».

Remarque 2 : On ne peut s'empêcher de sourire en constatant que certains spécialistes parviennent à illustrer des positions contraires – continuer de « se dit pour insister sur l'absence d'interruption dans une action », selon Péchoin & Dauphin (2001), alors qu'il suppose « une action répétée par intervalle », selon Marmontel (1819) – avec des exemples où la valeur sémantique dudit verbe est pourtant la même : Ils ont continué de l’aider jusqu’à la fin de leur vie. Quoique je n'aie pas à me louer de cet homme-là, je continuerai de le voir. Dans les deux cas, il est bien question d'une habitude.

Remarque 3 : La construction commencer par (faire quelque chose) sert à préciser la première étape d'une action et ne doit pas être confondue avec commencer à (faire quelque chose).

Remarque 4 : Voir également le billet Continu / Continuel.

Commencer / Continuer (à, de)
Livre d'Yves Blanc, aux éditions Retz

 

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F
Dans la phrase "Il commence à pleuvoir". Doit-on considérer à pleuvoir comme COI du verbe commencer du fait de sa construction (mais, il lui commence n'a pas de sens), ou comme un complément essentiel à valeur circonstancielle? Merci de votre éclairage.
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S
Merci pour toutes vos précisions. Pourriez-vous développer la différence tenue, me semble-t-il, existante<br /> entre deux adverbes: continuellement et continûment.
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M
Le débat est sans fin, comme je l'ai laissé entendre dans le billet ci-dessus : ou bien vous souhaitez mettre l'accent sur le fait de commencer et vous écrivez Je commence de transpirer (distinction "traditionnelle") ; ou bien vous vous en tenez à la formulation courante Je commence à transpirer (cf. Académie) ; ou bien vous considérez que les deux constructions sont équivalentes... (cf. Hanse et Grevisse).
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M
On dit je commence DE transpirer où je commence À transpirer svp ? Long débat avec des amis
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M
Merci de votre visite.
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